Après la mort de Gustave Vasa, en 1560, la Suède réunifiée et restructurée, ne pouvant se satisfaire de son enclavement géographique, va entreprendre une véritable expansion en Baltique.
Durant un siècle et demi, le royaume scandinave sera un acteur majeur des grands conflits européens et ses soldats parmi les plus redoutés du continent. Mais la mort de Charles XII en 1718 sonnera le glas des rêves de grandeur suédois.
La guerre nordique de Sept Ans
En 1560, le fils aîné de Gustave Vasa monte sur le trône sous le nom d’Éric XIV. Il poursuit la colonisation du golfe de Finlande et s’empare de Tallinn ainsi que de la majeure partie de l’Estonie.
Mais l’avancée suédoise en Baltique inquiète le Danemark et en 1563 une guerre éclate entre les deux royaumes. Alliés à Lübeck et à la Pologne, les Danois envahissent la Suède et s’emparent d’Alvsborg, seul débouché suédois en mer du Nord.
Le conflit est sanglant et plusieurs villes sont mises à sac et voient leur population massacrée. Les Suédois parviennent toutefois à rétablir la situation grâce à leur flotte, qui pour la première fois domine la Baltique.
Longue de sept années, cette guerre qui laisse les deux royaumes moribonds s’achève par un statu quo.
Durant ce conflit, Éric XIV, qui est paranoïaque, fait traduire devant une haute cour plusieurs hauts personnages du royaume, dont des membres de la famille Sture qu’il accuse de trahison.
Leur exécution conduit à une fronde menée par ses deux demi-frères. Le roi est renversé, déclaré fou et emprisonné. Il mourra en prison quelques années plus tard, vraisemblablement empoisonné.
L'un de ses demi-frères monte sur le trône sous le nom de Jean III. Marié à la sœur du roi de Pologne, il tente de réintroduire le catholicisme dans son royaume et établit des relations avec l'empereur germanique, avec le roi d'Espagne Philippe II ainsi qu'avec le pape.
Afin de se prémunir contre la poussée russe en Baltique, il conclut une alliance avec la Pologne et étend la présence suédoise en Ingrie, à l’est de l’Estonie.
L’échec de Charles IX
À la mort de Jean III, en 1592, c’est son fils Sigismond, lequel a été élu roi de Pologne cinq ans plus tôt, qui lui succède au trône. De confession catholique, le nouveau souverain préfère rentrer en Pologne peu après son sacre. Il confie le gouvernement de la Suède à son oncle, le duc Charles.
Celui-ci s’empresse de faire reconnaître le luthéranisme comme religion officielle du royaume pour évincer son neveu du trône. Sigismond tentera quelques années plus tard de reprendre sa couronne par la force mais est déposé en 1599.
Charles a désormais les mains libres pour se faire reconnaître officiellement roi sous le nom de Charles IX.
Le nouveau souverain poursuit la politique de désenclavement menée par ses prédécesseurs. Il fait construire la ville de Göteborg face au Danemark, sur le détroit qui relie la Baltique à la mer du Nord, afin d’y faire transiter les exportations suédoises et d’établir un débouché vers l’océan Atlantique, aux dépens de la Norvège.
Profitant de la guerre de succession qui ravage la Russie, une armée suédoise, commandée par un général d’origine française, Jakob de la Gardie, pénètre dans l’empire tsariste et occupe Novgorod puis Moscou.
Charles IX lance également une expédition en Livonie et en Pologne qui se solde par un fiasco tandis que le Danemark déclare la guerre à la Suède. Les Danois prennent plusieurs forteresses et rasent Göteborg.
Gustave Adolphe fait de la Suède une puissance européenne
À la mort du roi, en 1613, la Suède est très mal en point. Son armée est détruite, son économie exsangue et la révolte gronde dans les campagnes.
Fils de Charles IX, le nouveau souverain, Gustave II, dit Gustave Adolphe, est âgé de 16 ans mais a reçu une brillante éducation et a très tôt été associé à la conduite des affaires publiques. Face à l’urgence de la situation, les états généraux acceptent de l’émanciper.
Le jeune roi désigne comme chancelier Axel Oxenstierna. Celui-ci occupera cette fonction pendant plus de 40 ans et s’imposera comme un des plus grands hommes d’État européens de son temps, à l’instar d’un Richelieu.
Gustave Adolphe commence par conclure une paix avec le Danemark. Il se résigne à abandonner toute expansion vers l’océan Atlantique mais récupère la forteresse d'Älvsborg, qui protège Göteborg. Quatre ans plus tard, il signe la paix avec la Russie.
La Suède restitue Novgorod mais acquiert l’Ingrie, lui permettant de posséder désormais tout le pourtour du golfe de Finlande. Repoussée au-delà du lac Ladoga, la Russie cessera pour un siècle d’être une puissance de la Baltique.
L’ennemi premier de Gustave Adolphe demeure la Pologne dont le roi, Sigismond, continue à revendiquer le trône suédois.
Les Suédois reprennent alors l’offensive en Livonie (ancien nom de la Lettonie) et s’emparent de Riga en septembre 1621. Ils envahissent ensuite la Prusse orientale afin de faire main basse sur les riches comptoirs de la région, d'origine hanséatique.
Le 7 janvier 1626, Gustave Adolphe remporte une victoire écrasante sur les Polonais à la bataille de Wallhof où, pour la première fois, les cavaliers suédois résistent à la légendaire cavalerie polonaise. Alors que leurs adversaires ont perdu près de mille hommes, les Suédois se targuent de ne déplorer aucune perte !
La guerre suédo-polonaise se conclut en 1629 avec le traité d’Altmark qui permet aux Suédois de prendre le contrôle des ports de Prusse orientale. Sur le plan intérieur, Gustave Adolphe réforme profondément le royaume. Il réorganise son conseil en créant cinq ministères spécialisés, relève les droits de douane et favorise la création de manufactures royales et de compagnies destinés au commerce lointain.
Traumatisé par les défaites militaires de son père, il transforme l’armée suédoise en une armée de conscription, basée sur la levée de paysans de toutes les provinces. Une discipline de fer règne : pas moins de 43 délits y sont passibles de mort !
Sous le règne de Gustave Adolphe, des villes nouvelles sont créées dans tout le royaume ainsi qu’en Finlande. À Stockholm, arsenaux et chantiers navals se multiplient, faisant perdre à la capitale suédoise son aspect médiéval. Sa population, jusque-là inférieure à 10 000 habitants, va quintupler en quelques décennies.
En 1619, Gustave Adolphe fait reconstruire Göteborg au sud de son précédent emplacement et plus près de la mer. Dessinée par des architectes hollandais, qui créent des canaux lui donnant un air d’Amsterdam, elle sera appelée à devenir la deuxième ville du pays. Grâce aux exemptions fiscales accordées aux résidents ainsi que la liberté de culte, Göteborg attire de nombreux étrangers, principalement des Hollandais, des Anglais, des Écossais et des Allemands.
La Suède entre dans la guerre de Trente Ans
En 1629, l'empereur Ferdinand II promulgue un édit qui stipule la restitution de tous les évêchés et couvents de l'Empire confisqués par les protestants depuis un siècle. Luthérien sincère, Gustave Adolphe décide de venir en aide à ses coreligionnaires d’Europe continentale et lance son pays dans la guerre de Trente Ans.
Le 26 juin 1630, une armée suédoise de 70 000 hommes et 100 canons débarque sur l’île d’Usedom en Poméranie. Les Suédois reçoivent un accueil plutôt froid des princes réformés mais parviennent néanmoins à prendre le contrôle de la Poméranie, du Mecklembourg et du Brandebourg.
En représailles, le général Tilly, commandant en chef des armées de la Ligue catholique, met le siège devant la ville protestante de Magdebourg, en Saxe, au printemps 1631. En mai, la ville est prise par l’armée catholique puis mise à sac. Sa population est massacrée. L’évènement déclenche une vague d’émotion dans le monde protestant et pousse la Saxe, jusque-là pusillanime, à accepter l’alliance de la Suède.
Le 7 septembre 1631, à Breitenfeld, près de Leipzig, les deux armées font face à l’armée impériale. Malgré la débandade des Saxons, les Suédois mettent en déroute les Impériaux qui fuient vers le sud. C’est la première grande victoire des protestants allemands depuis le début de la guerre.
Fort de ce succès qui confère désormais à la Suède le statut de grande puissance européenne, Gustave Adolphe décide de poursuivre vers l’ouest. Après avoir pris Francfort, il traverse le Rhin et prend ses quartiers d’hiver dans l’électorat de Mayence. Grisé par le succès, le roi de Suède s’imagine à la tête d’une grande union protestante européenne et se prend même à rêver de la couronne impériale.
Au printemps 1632, Gustave Adolphe entre en Bavière et s’empare de Nuremberg, Augsbourg et Munich, contraignant le Prince-Électeur de Bavière à se réfugier en Autriche. La puissance suédoise est alors à son apogée. Alors que Gustave Adolphe se prépare à lancer une marche sur Vienne, le général Wallenstein, ex-chef des armées impériales, est rappelé par l’empereur et lève une nouvelle armée qui occupe la Saxe, coupant les Suédois de leurs communications avec le nord.
Le roi de Suède est contraint de provoquer un affrontement. Le 5 novembre 1632, il tente de surprendre Wallenstein à Lützen. L’armée suédoise triomphe mais Gustave Adolphe, imprudemment avancé dans le brouillard à la tête de ses troupes, est tué durant les combats. La nouvelle de sa mort laisse le peuple suédois inconsolable et sa chemise couverte de sang est exposée à Stockholm.
La mort du souverain ne met cependant pas fin aux hostilités en Allemagne. Christine, la fille unique du roi défunt, n’étant âgée que de six ans, la régence est confiée à Oxenstierna, lequel décide de poursuivre la guerre et parvient même à constituer une coalition des principautés protestantes : l’Union de Heilbronn. Le 6 septembre 1634, les Suédois subissent une cuisante défaite face aux Impériaux à la bataille de Nördlingen qui scelle la fin à l’Union.
Abandonnée par la Saxe et le Brandebourg qui concluent une paix séparée avec l’empereur, la Suède va alors bénéficier du soutien de la France qui déclare la guerre à l’Espagne, alliée des Impériaux. À Compiègne, Oxenstierna et Richelieu signent un traité d’alliance dans lequel ils s’engagent à ne pas signer de paix séparée. Fort de l’appui français, les Suédois prennent leur revanche sur Impériaux à la bataille de Wittstock, le 23 septembre 1636.
Les Suédois triomphent à Chemnitz en 1639 puis à Leipzig trois ans plus tard, et envahissent la Bohême et la Moravie. Fort de ces succès, Oxenstierna décide, en septembre 1643, d’attaquer le Danemark, sans déclaration de guerre. L’affaire est vite réglée et les Danois sont contraints de signer la paix de Bromsebro, permettant à la Suède d’agrandir son territoire au nord-ouest et en mer du Nord.
En Allemagne, les Suédois battent les Impériaux à Jankowitz. En coopération avec l’armée de Turenne, ils ravagent la Bavière et remportent une victoire éclatante à Zusmarshausen, le 5 mai 1648. Il s’agira de la dernière bataille de la guerre de Trente Ans sur le territoire allemand.
Les Suédois font ensuite le siège de Prague et pillent partiellement la ville. Des trésors sont ramenés en Suède, tels le fameux Codex argenteus, le plus ancien document complet en langue germanique, datant du VIe siècle. On peut toujours l’admirer à la bibliothèque de l'Université d'Uppsala.
Alors que Suédois et Français se préparent à marcher sur Vienne, la paix de Westphalie est signée en octobre 1648. Le traité d’Osnabruck constitue pour le royaume scandinave une considérable victoire diplomatique puisque celui-ci acquiert la Poméranie Occidentale et une partie de la Poméranie Orientale.
Sur les conseils de leurs alliés hollandais, les Suédois vont se lancent à la conquête de comptoirs extra-européens et devenir brièvement une puissance coloniale. Entre 1637, ils s’établissent en Amérique et fondent une colonie sur les bords du fleuve Delaware : la Nouvelle-Suède. Ils créent également un comptoir au sud de l’Inde, à Trankebar, ainsi qu’un autre sur les côtes du Ghana. Au milieu de XVIIe siècle, le drapeau suédois flotte ainsi sur les quatre continents. La présence suédoise outre-mer sera cependant éphémère. La Nouvelle-Suède sera conquise par les Hollandais en 1655 et le reste repris par les Danois.
L’éphémère règne de la reine Christine
Devenue majeure en 1644, la reine Christine de Suède est une personnalité étrange, dotée d’un caractère de garçon manqué et passionnée par la chasse et les chevauchées militaires, ce qui lui vaudra les surnoms de « nouvelle Minerve » ou la « Pallas suédoise ».
À l’issue de la guerre de Trente Ans, la jeune souveraine profite de l’apaisement des tensions pour développer une vie de cour brillante et raffinée. Véritable francophile, elle convie à Stockholm des médecins, des savants, des peintres et des architectes français.
Elle invite ainsi en Suède le philosophe René Descartes avec lequel elle s’entretient presque tous les jours à cinq heures du matin ! Ce rythme démentiel ajouté à la rigueur du climat nordique aura d’ailleurs raison du penseur français qui décèdera en Suède d’une pneumonie en 1650.
Mais la reine se lasse vite de la politique. La situation intérieure étant explosive depuis la fin de la guerre, Christine ne se sent pas de taille à faire face à la fronde qui gronde. Dégoûtée par les hommes au point de renoncer à se marier, et gagnée secrètement au catholicisme, elle préfère abdiquer le 6 juin 1654.
Après que son cousin ait été couronné roi sous le nom de Charles X, Christine quitte son royaume puis s’installe à Rome, au palais Farnèse, où elle mourra en 1689.
La première guerre du Nord
En 1655, Charles X, renouant avec la politique d’expansion de Gustave Adolphe, décide d’envahir la Pologne pour mettre fin au vieux conflit dynastique, le roi Jean II (fils de Sigismond) continuant à revendiquer la couronne de Suède.
Durant l’été 1656, les Suédois s’emparent de Varsovie, puis de Cracovie. Les Polonais, soutenus par les Autrichiens, restent toutefois maîtres de la majeure partie du pays. Profitant de la guerre suédo-polonaise, le Danemark qui entend bien récupérer les territoires perdus en 1645, déclare la guerre à la Suède au printemps 1657.
Charles X est contraint de ramener ses troupes vers l'ouest et envahit le Danemark par le sud. Les Suédois conquièrent la péninsule du Jutland mais ne peuvent poursuivre vers Copenhague, la flotte danoise leur barrant l’accès aux îles.
Une partie des détroits étant gelés, les Suédois risquent le tout pour le tout. Jouant d'audace, ils traversent à pied un bras de mer gelé, gagnent l’île de Fionie et atteignent enfin Copenhague, prenant les Danois à revers.
Le Danemark est contraint de signer le 26 février 1658 le traité de Roskilde. Celui-ci octroie à la Suède la riche province de Scanie, ainsi que le Bohuslän, le Halland et le Blekinge, donnant au royaume ses frontières sud et ouest actuelles.
Rêvant peut-être de refaire à son profit l’Union de Kalmar, Charles X envahit à nouveau le Danemark à l’été 1658 et assiège Copenhague. Ravitaillée par les Hollandais, la capitale danoise résiste jusqu'à ce que la mort de Charles X, victime d’une pneumonie, mette fin au conflit en février 1660.
La guerre de Hollande
Le nouveau roi Charles XI n’étant âgé que de quatre ans, un conseil de régence est mis en place, dominé par le chancelier Magnus Gabriel de la Gardie. Grâce à la médiation de la France et de Mazarin, celui-ci obtient à Oliva, près de Dantzig, une paix avantageuse avec le roi de Pologne qui reconnaît l'appartenance de la Livonie à la Suède et abandonne toute prétention à la couronne.
Ainsi la première « guerre du Nord » se termine-t-elle par le triomphe de la Suède. La Baltique devient pour ainsi dire un « lac suédois »
En 1672, Charles XI reprend les affaires en mains. Sa première décision est de rétablir l’alliance avec la France, mise à mal quatre ans plus tôt, lors de la guerre de Dévolution, durant laquelle la Suède avait rejoint la Triple-Alliance aux côtés de l’Angleterre et des Provinces Unies.
Aussi, lorsque se déclenche la guerre de Hollande, Louis XIV fait pression sur la Suède pour que celle-ci intervienne contre les Brandebourgeois, alliés des Hollandais. En décembre 1674, c’est une armée suédoise très mal préparée qui envahit le Brandebourg. Vaincus le 28 juin 1675 à la bataille de Fehrbellin, les Suédois sont contraints à la retraite.
L’entrée en guerre des Danois et des Hollandais contre la Suède complique la situation pour Charles XI. En juin 1676, la flotte hollando-danoise inflige une sévère défaite navale aux Suédois au large de l'île d'Öland. Attaquée sur leur propre sol par l’armée danoise, la Suède parvient à résister à l’invasion de son voisin, lors de la bataille de Lund, en décembre 1676, dans ce qui est considéré comme le plus sanglant affrontement à s’être déroulé sur le sol scandinave. On déplore près de 10 000 victimes.
Tandis que la campagne d’Allemagne tourne au désastre pour les Suédois, il faut l’intercession de Louis XIV pour que la guerre s’achève en 1679 sur un statu quo. Pour sceller la réconciliation entre les deux royaumes scandinaves, un mariage est organisé entre Charles XI et Ulrique-Éléonore, la sœur de Christian V de Danemark.
À la suite de la politique antiprotestante de Louis XIV, la Suède va se détacher de l'alliance française. En 1686, Charles XI entre dans la Ligue d'Augsbourg contre Louis XIV mais lorsque la guerre se déclenche deux ans plus tard, la Suède n’envoie qu’un faible contingent puis se proclame neutre.
Sur le plan intérieur, Charles XI se distingue par ses tendances absolutistes. Il soumet complètement la noblesse et le clergé et dépouille son conseil de la plus grande partie de ses prérogatives. En 1662, il lance la construction du château de Drottningholm, sorte de Versailles suédois, dont l’édification s’étalera sur un siècle. Ce château, qui est le mieux conservé du pays, est depuis 1981 la résidence de la famille royale de Suède.
La grande guerre du Nord
À la mort de Charles XI le 5 avril 1697, son successeur, Charles XII, n’a que quinze ans et c’est sa grand-mère qui se voit confier la régence. Mais le jeune souverain est si impatient de régner qu’il se fait couronner seulement huit mois plus tard.
En 1699, Auguste II de Pologne, Frédéric IV du Danemark et le tsar Pierre le Grand, concluent une alliance militaire contre la Suède dont ils aimeraient se partager le vaste empire en Baltique. L’année suivante, l’armée polonaise envahit la Livonie.
Charles XII riposte en attaquant le Danemark. Pris de panique, les Danois signent aussitôt un traité de paix. Les Suédois libèrent ensuite Riga, investie par les troupes polonaises, puis font face aux Russes qui ont envahi l’Ingrie et assiègent Narva.
Le 30 novembre 1700, l’armée de Charles XII, masquée par une tempête de neige, déboule sur Narva et surprend les Russes, pourtant trois fois plus nombreux. Il s'agit de l’une des plus remarquables victoires de l’histoire suédoise. Près de 30 000 Russes sont fait prisonniers. Les captifs sont si nombreux que beaucoup doivent être relâchés.
Après avoir passé l’hiver en Finlande, Charles XII porte à nouveau la guerre en Pologne afin de chasser Auguste II du trône...
Le 19 juillet 1702, la cavalerie polonaise est écrasée à Kliszow, obligeant le roi de Pologne à fuir en Saxe. Charles XII s’empare de Varsovie et Cracovie et obtient la déposition d’Auguste II.
À seulement vingt ans, le roi voit son génie militaire célébré dans toute l’Europe, éclipsant même le Roi-Soleil. Durant ses campagnes, Charles XII partage le quotidien de ses soldats, surnommés les « Carolins », avec leur impeccable costume bleu. Particulièrement intrépide durant les batailles, il se porte toujours à la tête de son avant-garde, s'exposant au feu comme un simple officier.
Profitant des opérations de Charles XII en Pologne, les Russes envahissent à nouveau l’Ingrie, où Pierre le Grand fonde Saint-Pétersbourg, ainsi que l’Estonie. Durant l’été 1707, l’armée suédoise reconstituée envahit la Russie. Les Suédois multiplient les victoires et s’enfoncent dans l’immensité russe.
Privés de nourriture et même d’eau potable par la politique de la terre brûlée pratiquée par les forces tsaristes, les Carolins ne peuvent avancer vers Moscou. Charles XII décide alors de rejoindre l’Ukraine où il espère bénéficier de l’appui des Cosaques. Mais le commandant cosaque Ivan Mazepa ne peut lever autant de troupes que prévu.
Le 28 juin 1709, l’armée suédoise, qu’on pensait invincible, est écrasée par les Russes à la bataille de Poltava. Le feld-maréchal Rehnskiöld est fait prisonnier et Charles XII ne parvient à prendre la fuite qu’in extremis, avec une poignée d’hommes.
Le roi de Suède se réfugie à Bender (actuelle Moldavie), alors en territoire ottoman. Durant cinq ans, Charles XII réussit à gouverner d’une main de fer son royaume depuis son exil. Il tente aussi de convaincre les Ottomans de s’engager contre la Russie.
Mais pendant son absence, la Suède est la cible d’une vaste coalition comprenant la Pologne et le Danemark, de même que la Prusse, l’Angleterre et le Hanovre qui entendent se partager ses possessions allemandes. Continuant leur progression dans les pays baltes, les Russes s’emparent de Riga en juillet 1710.
À Bender, l’activisme diplomatique de Charles XII commence à indisposer son hôte qui décide de le faire arrêter. Le 1er février 1713, le camp du roi de Suède est attaqué par les Turcs. Quinze fois moins nombreux que leurs assaillants, les Suédois résistent avec acharnement.
Charles XII manque d’être tué à plusieurs reprises et doit abattre de ses mains quelques adversaires, avant d’être finalement capturé. Quelques mois plus tard, le roi de Suède parvient à quitter discrètement la Turquie. Grâce à la bienveillance de l’empereur allemand, il traverse toute l’Europe en 15 jours et rejoint son royaume.
En mai 1718, cherchant à contraindre le Danemark à la paix, Charles XII décide d’attaquer la Norvège. Le 30 novembre 1718, lors du siège de la forteresse de Fredrikssten, le roi de Suède est tué d'une balle en pleine tempe lors d’une tournée d’inspection dans les tranchées. Les circonstances troubles de sa mort feront germer l’hypothèse d’un assassinat.
Démantèlement de l’empire suédois
Charles XII n’ayant ni femme ni enfant, sa sœur Ulrique-Éléonore hérite de la couronne mais se voit contrainte de mettre fin à l’absolutisme royal et s’engage à gouverner avec les états généraux, convoqués obligatoirement tous les trois ans.
N’ayant pas le goût de la politique, la reine abdique un an plus tard, au profit de son mari, Frédéric de Hesse, qui devient roi sous le nom de Frédéric Ier. Celui-ci est couronné le 14 mai 1720 après avoir adopté une nouvelle constitution qui confère l’essentiel du pouvoir au parlement, sur le modèle britannique.
La mort de Charles XII entraîne le démantèlement de l’empire mis sur pied par Gustave Adolphe. Attaquée sur tous les fronts, la Suède est contrainte en 1720 de céder une partie de la Poméranie orientale à la Prusse, et ses possessions de Basse-Saxe au Hanovre.
Enfin, le 10 septembre 1721, elle signe avec la Russie le traité de Nystad qui ampute la Suède d’une partie de la Finlande, de l’Ingrie, de l’Estonie et de la Livonie, soit la quasi-totalité de ses possessions suédoises en Baltique.
Après un siècle et demi d’hégémonie, la Suède entre dans une nouvelle ère où elle va cesser d’être une grande puissance militaire.
Bibliographie
Jean-Pierre Mousson-Lestang, Histoire de la Suède, Hatier, 1995,
Nicolas Kessler, Scandinavie, PUF, 2009.
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aldo (01-08-2018 18:06:57)
Merci pour ce passionnant article sur la Suède