Richard III

Le roi félon

Aude Mairey (Ellipses, 312 pages, 24 euros, ,  2011)

Richard III

Avec cette biographie du roi anglais Richard III, Aude Mairey montre comment la littérature peut prendre le pas sur la réalité historique.

La première partie du livre est une biographie assez rapide de ce dernier roi anglais de la branche d’York, dont la mort en 1485 signa la fin de la «Guerre des deux Roses» entre les deux branches directes Lancastre et York de la dynastie des Plantagenêts, au profit de la branche latérale des Tudors.

Sans s’attarder aux péripéties de cette guerre civile d’une trentaine d’années, l’auteur en rappelle les principaux éléments qui valent à Richard III d’être le souverain le plus haï de l’histoire anglaise.

À la mort en 1483 de son frère aîné le roi Édouard IV, il s’empare de ses deux jeunes fils et les fait disparaître dans la Tour de Londres, avant de se faire couronner roi.

Cette usurpation lui vaut des ralliements intéressés puis des trahisons punies par des exécutions sommaires qui émaillent son court règne de deux ans.

Son rival, le futur Henri VII Tudor, réfugié auprès du duc de Bretagne puis du roi de France, n’éprouve aucune difficulté à rallier des partisans lors de son débarquement au pays de Galles en août 1485, pour vaincre et tuer Richard III à la bataille de Bosworth quelques semaines plus tard.

Richard III représente dans la culture anglaise l’archétype du félon, assassin de ses neveux pour accéder au trône, condamné à régner par la terreur avant de mourir ignominieusement lors d’une bataille à l’issue de laquelle son vainqueur Henri VII ramassera sa couronne ayant roulé dans un buisson, pour s’en coiffer sur le champ.

De l'Histoire à la littérature

La deuxième partie du livre développe les conséquences d’un véritable phénomène littéraire : la connaissance qu’ont les Anglais et le reste du monde de Richard III vient moins de la réalité historique que du contenu de la pièce éponyme de Shakespeare, le plus grand dramaturge anglais, contemporain du règne d’Elizabeth 1ère.

L’Histoire est écrite par les vainqueurs, et les historiens et écrivains qui ont fixé le personnage de Richard III vivaient sous le règne des Tudors : inutile donc d’attendre d’eux beaucoup d’honnêteté intellectuelle à l’égard du prédécesseur d’Henri VII, dont l’accession au trône était mieux justifiée par l’éviction d’un tyran que par les droits dynastiques un peu vagues d’une branche familiale latérale.

L’entreprise de désinformation littéraire commença dès le règne d’Henri VII et se poursuivit sous son fils Henri VIII avec un ouvrage du chancelier Thomas More, pour atteindre son apogée avec Shakespeare.

Le poète fait de Richard III un bossu difforme (ce qu’aucun document d’époque n’atteste, il était simplement plus petit et moins beau que son frère aîné Édouard IV), un assassin multirécidiviste auparavant responsable du meurtre de son autre frère le duc de Clarence (qui fut noyé dans un tonneau de malvoisie pour cause de trahison, crime dont le roi en place Édouard IV était plus sûrement responsable), un coupable à qui Dieu signifia sa désapprobation en rappelant à lui sa femme et son fils pendant son court règne de 2 ans, mais qui fut suffisamment dévoyé pour proposer le mariage à la veuve de son frère Édouard IV dont il avait fait assassiner les enfants etc.

Trop c’est trop, et une Richard III Society s’est créée en Angleterre afin de réhabiliter sa mémoire, ce à quoi se sont aussi attachés certains historiens comme Paul Murray Kendall, auteur d’une biographie traduite en français et beaucoup moins critique à l’égard du personnage, dont il estime que rien ne prouve l’implication dans l’assassinat de ses neveux (mais à qui le crime profitait-il ?).

Cela n’empêche pas un mythe littéraire de s’avérer plus fort que la réalité historique.

De même que l’assassinat du duc de Guise évoque immédiatement une phrase que le roi de France Henri III n’a jamais prononcée («Il est plus grand mort que vivant»), la mort de Richard III est indissolublement attachée à la dernière réplique que Shakespeare lui prête («Un cheval, un cheval, mon royaume pour un cheval !»), alors que tous les chroniqueurs de l’époque s’accordent à reconnaître la bravoure personnelle au combat d’un Richard III qui, désarçonné lors d’une charge contre la garde de son adversaire Henri VII, ne songea nullement à quitter le champ de bataille de Bosworth où il trouva la mort.

NB : le 4 février 2013, un squelette retrouvé sous un parking de la ville de Leicester a été identifié par l'Université de la ville comme étant celui du roi Richard III, avec deux blessures mortelles à la tête et des lésions post-mortem, qui attestent des violences faites à sa dépouille, ; il sera inhumé dans la cathédrale de Leicester, où repose déjà Simon de Montfort, un seigneur anglais qui imposa le Parlement aux Plantagenêt en 1265.

Michel Psellos

Voir : La guerre des Deux-Roses prend fin à Bosworth

Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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