Charles Joseph de Ligne (1735 - 1814)
« Le congrès ne marche pas, il danse »
Le prince Charles Joseph de Ligne est l'héritier d'une vieille famille des Pays-Bas autrichiens, et comme tel, appelé naturellement à une carrière militaire au service de l'empereur Joseph II de Habsbourg.
Il est ambassadeur d'Autriche auprès de Catherine II et accompagne la cour lors de la mémorable descente du Dniepr organisée par le prince Potemkine en 1787, avec la participation de l'ambassadeur de France, Louis-Philippe, comte de Ségur, qui était devenu son ami.
Bien que promu feld-maréchal en 1808, ses faits d'armes sont restés plutôt modestes dans l'ombre de l'archiduc Charles, mais il est passé à la postérité pour ses Mémoires publiées sous l'Empire, vers 1810. De ces mémoires, on peut retenir une jolie formule : « Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre ». Son style élégant, sa verve d'Ancien régime et ses observations pertinentes restent étonnamment modernes. Il voit disparaître le XVIIIe siècle et l'usage du français dans la bonne société avec le même amertume que Stefan Zweig la Belle époque un siècle plus tard. Européen avant l'heure, il se définit comme « Autrichien en France, Français en Autriche, l'un ou l'autre en Russie ». On le surnomme « le prince rose » (en allemand : « der rosarote Prinz ») en raison de son goût pour cette couleur.
Le prince de Ligne assiste au Congrès de Vienne, qui refait l'Europe après la chute de Napoléon Ier. Dans une lettre de 1814, il en donne l'aimable définition ci-dessus. Lui-même s'amuse avec ardeur dans la tradition aristocratique du XVIIIe siècle, multipliant les rendez-vous galants jusqu'au milieu de la nuit. Mais le vieillard meurt pendant le Congrès non sans se dire heureux de fournir au Congrès le spectable supplémentaire des funérailles d'un feld-maréchal chevalier de la Toison d'Or ! Talleyrand se fendit d'une épitaphe bien dans sa manière : « Et le Congrès l'enterra sans cesser de danser ».