Louis XIV - Le roi qui aimait trop la guerre - Herodote.net

Louis XIV

Le roi qui aimait trop la guerre

Louis XIV peut se reprocher d'avoir trop cédé à sa passion de la guerre. Il y voyait l'aboutissement souvent inévitable de sa politique. Ultima ratio regum (« L'ultime argument des rois »), faisait-il graver sur l'affût de ses canons.

Quatre guerres principales ont marqué son règne, chacune plus dure et plus longue que la précédente, passant du conflit de frontière à la guerre mondiale !

Alban Dignat

Portrait équestre de Louis XIV (René-Antoine Houasse, vers 1675, Château de Versailles), photo : Christophe Fouin

Les guerres du Roi-Soleil

• 1667-1668 : guerre de Dévolution

Invoquant une coutume brabançonne, la « dévolution », Louis XIV revendique d'abord au nom de sa femme certaines provinces des Pays-Bas espagnols. Cette guerre de Dévolution contre l'Espagne tourne très vite à l'avantage de Louis XIV grâce à son Secrétaire d'État à la guerre, Louvois, et à Vauban, ingénieur talentueux qui enlève la citadelle de Lille le 27 août 1667.

Elle se conclut le 2 mai 1668 par le traité d'Aix-la-Chapelle. Le roi en tire quelques gains territoriaux mais aussi beaucoup de ressentiment envers les Provinces-Unies (Pays-Bas) et le grand pensionnaire Jan de Witt qui, dans le cours de cette guerre, a monté contre la France une Triple-Alliance avec l'Angleterre et la Suède.

• 1672-1679 : guerre de Hollande

À l'instigation de Louvois, nouveau ministre d'État, Louis XIV repart en guerre le 27 mai 1672 contre les Hollandais afin de châtier leur présomption. C'est ainsi que les Français franchissent audacieusement le Rhin le 12 juin 1672 avec le roi à leur tête. Louis XIV refuse une offre de paix généreuse et du coup, les Hollandais se ressaisissent. Le 20 juin, ils n'hésitent pas à rompre les digues pour freiner la progression des troupes ennemies et protéger Amsterdam. lls renversent qui plus est le gouvernement de Witt et portent à leur tête Guillaume III d'Orange, élu stathouder de Hollande et capitaine général des Provinces-Unies. Il va se révéler pendant trente ans l'ennemi le plus acharné du Roi-Soleil.

Avec la résurgence d'une nouvelle coalition européenne contre la France, cette guerre de Hollande, qui devait n'être qu'une expédition éclair, va se révéler une guerre longue et coûteuse. Elle voit la mort de Turenne à Salzbach, en Allemagne, le 27 juillet 1675 (« Il est mort aujourd'hui un homme qui faisait honneur à l'homme ! » s'exclame le chef adverse). La guerre se conclut le 5 février 1679 par la paix de Nimègue qui permet à la France d'annexer la Franche-Comté et la Flandre du sud. Elle marque l'apogée du règne de Louis le Grand.

• 1681-1682 : politique des Réunions

Trop sûr de lui-même, trop arrogant, Louis XIV prétexte d'arguments juridiques douteux pour réunir à la couronne des places fortes frontalières. C'est ainsi que, sans combat, il fait son entrée à Strasbourg le 24 octobre 1681. Ces « Réunions » ont le don d'irriter les souverains étrangers. L'Espagne se lance dans la guerre mais l'on convient très vite d'une trêve, signée à Ratisbonne le 15 août 1682.

• 1686-1697 : guerre de la Ligue d'Augsbourg

À force d'accumuler contre lui les griefs de toute l'Europe, Louis XIV provoque le 9 juillet 1686 une nouvelle coalition : la Ligue d'Augsbourg. Le motif en est le Palatinat, dont le Prince Électeur vient de mourir. Le roi de France fait valoir sur cette belle province allemande les droits de son propre frère, Philippe, duc d'Orléans, qui a épousé la soeur du défunt, la Princesse Palatine Élisabeth Charlotte de Bavière.

La guerre met fin à une décennie de paix relative, la seule du long règne de Louis XIV. Cette guerre longue, rude et coûteuse mais finalement victorieuse, est marquée par quelques belles victoires comme celle du maréchal de Luxembourg à Fleurus mais aussi par le sac du Palatinat. Elle oblige Louis XIV à se montrer accommodant lors des traités de paix de Ryswick, en Hollande, les 20 septembre et 30 octobre 1697. La France ne garde pratiquement que Strasbourg et Sarrelouis des précédentes « réunions ».

Le sac du Palatinat

Le 26 septembre 1688, le Grand Dauphin, fils aîné du roi, traverse le Rhin et investit la forteresse de Philippsburg. Il conquiert là-dessus le Palatinat en moins de deux mois. Mais très vite, en réaction à la menace que fait peser la Ligue d'Augsbourg, les armées françaises, sous le commandement du maréchal de Duras, entreprennent de dévaster le pays, quinze ans après une première « pacification » par Turenne. Il s'agit officiellement de financer la guerre par une « mise à contribution » des régions envahies.
On ne s'en tient pas là. Pour freiner l'avance des troupes ennemies et couvrir l'Alsace, le secrétaire d'État de la guerre Louvois ordonne la  mise à sac systématique du Palatinat. 
Entre le Rhin et le Neckar, des dizaines de villages et de villes sont brûlés et les édifices en pierres détruits jusqu'aux fondations par les artificiers militaires. À Mannheim, il ne reste plus « pierre sur pierre » selon les ordres de Louvois... Les habitants sont parfois massacrés, le plus souvent chassés vers l'Alsace sans espoir de retour.
Ces exactions soulèvent une vague de réprobation en Europe. En Allemagne même, elles concourent à la naissance d'un sentiment national. C'est par haine des Français que les Allemands, divisés entre de multiples principautés, prennent conscience de leur commune identité (comme les Français, par haine des Anglais, pendant la guerre de Cent Ans, deux siècles plus tôt).
Les ruines du château de Heidelberg, brûlé comme le reste de la ville en 1689 puis une deuxième fois en 1693, font figure de lieu de mémoire.
Le sac du Palatinat eut été considéré de nos jours comme crime de guerre. C'est, avec la révocation de l'Édit de Nantes, la principale tache sur le règne de Louis XIV. D'autres reprendront ces douteuses pratiques, tel le duc de Marlborough en Bavière en 1704 ou encore le tsar Pierre le Grand en 1707 en Pologne et Lituanie.

Destruction de Spire par les troupes françaises en mai 1689, gravure allemande du XVIIe siècle
• 1702-1713 : guerre de la Succession d'Espagne

Le 16 novembre 1700, Louis XIV entérine le testament du roi d'Espagne Charles II de Habsbourg, mort le 1er novembre précédent sans héritier : il autorise son petit-fils, le duc d'Anjou, à ceindre la couronne d'Espagne sous le nom de Philippe V. De lui descend l'actuel roi Juan Carlos 1er.

Les grandes puissances se montrent a priori bien disposées mais le roi de France multiplie les provocations à leur égard. Il occupe les Pays-Bas espagnols (l'actuelle Belgique) et laisse planer la perspective d'une union dynastique avec l'Espagne.

Le 13 mai 1702, la Grande Alliance, qui regroupe les principales puissances de l'Europe du nord, y compris l'Angleterre, déclare la guerre à Louis XIV et à son petit-fils le roi d'Espagne. Commence la longue guerre de la Succession d'Espagne, ponctuée de famines et de défaites.

Marlborough (ancêtre de Churchill) remporte à Blenheim, en Allemagne, une victoire retentissante le 13 août 1704. La même année, la Royal Navy s'empare de Gibraltar. Pour ne rien arranger, les protestants des Cévennes, au centre de la France, se soulèvent. C'est la révolte des Camisards (1702-1704).

Les éléments se mettent de la partie avec, le 5 janvier 1709, une chute exceptionnelle des températures. Ce « Grand Hiver » entraîne gel des semis et famines. Louis XIV sollicite la paix mais sa demande est repoussée. Alors il en appelle à la nation. Il se produit un sursaut patriotique. Le 11 septembre 1709, le maréchal de Villars arrête non sans mal les troupes austro-anglaises à Malplaquet, dans les Flandres.

L'Angleterre se retire de la coalition en 1711 et des négociations s'ouvrent le 29 janvier 1712 à Utrecht, en Hollande. Le 24 juillet 1712, alors que la France paraît en très mauvaise posture, le vieux maréchal de Villars remporte à Denain une victoire inespérée sur les Austro-Hollandais commandés par le prince Eugène de Savoie, l'un des plus grands stratèges de sa génération. Grâce à cette victoire, Louis XIV sauve les meubles.

Par le traité d'Utrecht du 11 avril 1713, Louis XIV cède aux Anglais Terre-Neuve, la baie d'Hudson et l'Acadie mais préserve l'essentiel. Notons que le traité d'Utrecht est rédigé en français et non plus en latin, faisant du français la langue de la diplomatie pour deux siècles.

Louis XIV et son armée

François Michel Le Tellier, marquis de Louvois, 18 janvier 1639 - 16 juillet 1691 Le marquis François de Louvois, qui a succédé en 1662 à son père Michel Le Tellier au secrétariat d'État de la Guerre, dirige les opérations militaires à partir de Versailles.

Dur et brutal, autant que vaniteux (il revendique le titre de Monseigneur pour les secrétaires d'État), Louvois ne laisse guère d'initiative aux généraux  jusqu'à sa mort en 1691. 

Le chroniqueur Saint-Simon emploie à ce propos l'expression inédite  « guerre de cabinet ».

Après la mort du ministre, c'est le roi lui-même qui prend le relais, en renonçant à accompagner ses armées en campagne.

De cet effort militaire sans précédent, il s'en est suivi la formation d'une armée professionnelle, avec l'apparition des uniformes et des grades militaires.

Louvois institue en 1675 l'ordre du tableau qui permet aux roturiers de parvenir aux plus hauts grades. En 1688, il institue la milice. Il s'agit de troupes d'appoint composées d'hommes tirés au sort dans les paroisses et commandées par d'anciens officiers. Cette institution honnie des paysans va conduire à la fin de la Révolution à la conscription obligatoire

L'effectif total des troupes professionnelles atteint un maximum de 450 000 hommes, dont 20 000 officiers militaires, en 1690.

Les batailles rangées se font plus rares. Désormais prédominent les sièges. Il s'agit de tenir le territoire en s'emparant des places fortes (ou en renforçant celles-ci). Vauban est le maître incontesté des techniques de siège (en langage savant, la poliorcétique).

L'armement évolue également avec l'apparition du fusil à baïonnette. À Pavie, un siècle et demi plus tôt, les Espagnols s'étaient signalés par l'usage du mousquet. Mais cette arme à feu individuelle était longue à charger, à peine capable de tirer un coup à la minute, avec une portée médiocre de 50 mètres. Elle nécessitait que le mousquetaire soit protégé par un piquier contre les charges de cavalerie.

En 1689, le mousquet cède la place au fusil à douille, capable de tirer trois coups à la minute. Apparaît également la baïonnette (son nom vient de Bayonne où, au XVIIe siècle, des paysans révoltés à court de munitions eurent l'idée de fixer des couteaux au bout de leurs fusils). Montée sur le canon du fusil,  elle permet de tenir les cavaliers à distance.

Soucieux du bien-être de ses soldats, le Roi-Soleil fait construire en 1674, dans les faubourgs de Paris, l'hôtel des Invalides, destiné à accueillir et soigner les victimes de ses entreprises guerrières. Pas moins de 4 000 pensionnaires, officiers ou soldats, sont abrités en ce lieu qui reste un chef-d'oeuvre de l'architecture classique.

La contrepartie de l'effort militaire est l'aggravation de la pression fiscale sur le peuple et en particulier sur la paysannerie, car il faut payer les soldes et l'armement de ces troupes qui ne peuvent se satisfaire du pillage des terres occupées.

L'Europe à la mort de Louis XIV

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La France apparaît en 1715, à la mort du monarque, comme le royaume le plus peuplé, le plus puissant et le plus prospère d'Europe, avec une vingtaine de millions d'habitants et une population en progression. La « ceinture de fer » de Vauban la protège durablement contre les risques d'invasion...


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Publié ou mis à jour le : 2021-11-27 22:58:02

 
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