Pierre-Louis Choukroun (Éditions du Dauphin, 216 pages illustrées, 18x20 cm, 28 euros, 2012)
L’Histoire de la chirurgie, du silex à nos jours est un beau livre de 216 pages, richement illustré, avec une mise en page d’une rare élégance. Son auteur, le docteur Pierre-Louis Choukroun, ancien interne des hôpitaux de Paris, retrace avec brio toutes les étapes de l’art de soigner.
La découverte d’ossements confirme la pratique d’actes chirurgicaux tels la trépanation ou l’amputation dès le Néolithique.
Dans la nécropole de Mehrgarh, au Pakistan, ont été retrouvées des dents, datant de 7.500 à 9.000 ans, présentant des cavités de 1mm de profondeur, taillées avec des instruments en silex (ancêtres des fraises de dentiste). Les caries étaient comblées de plantes apaisantes (opium, éphédra) montrant que l’on avait affaire à de vrais chirurgiens, habitués à travailler avec précision.
En Égypte ancienne, un des berceaux de la chirurgie, les praticiens réalisaient couramment la circoncision, suturaient les plaies au fil de lin, connaissaient les vertus antiseptiques du miel et utilisaient même des antibiotiques sous forme de moisissures de pain qui contiennent le penicilium notatum, champignon d’où sera extraite la pénicilline découverte par Alexander Flemming, bien des siècles plus tard.
Le Grec Hippocrate (460-370 av. J.-C.) pose les bases de l’éthique médicale avec le serment que prêtent depuis lors tous les médecins avant leur exercice. Parmi les soixante livres qu’il nous a laissé, six d’entre eux traitent de la chirurgie : plaies, fractures, luxations, techniques des accouchements et le moyen d’interrompre les hémorragies par la compression et l’application de ligatures. La méthode actuelle de réduction de la luxation de l’épaule est appelée manœuvre d’Hippocrate.
La chirurgie connaîtra des « siècles obscurs » en Europe, pendant la période médiévale. Elle devra attendre la Renaissance et quelques illustres figures tel Ambroise Paré (1510-1590). Personnage hors du commun, il est le premier à utiliser le mot bistouri pour désigner un instrument qui va remplacer lancettes et scalpels. Sa lame, parfaitement équilibrée, est fabriquée initialement en Italie du Nord, à Pistole (d’où l’origine du nom).
Sur le plan chirurgical, il actualise la ligature des vaisseaux, l’appareillage des fractures, les trépanations et la chirurgie du bec-de-lièvre pratiquement oubliée depuis les Arabes. L’Histoire retient un célèbre dialogue (apocryphe ?) entre Ambroise Paré et Charles IX. Le roi au début de son règne, lui dit : « J’espère que tu vas maintenant mieux soigner les Rois que les pauvres ? ». Ce à quoi, Ambroise Paré répond : « Mais, Sire, c’est impossible parce que je soigne les pauvres comme des Rois. »
Louis XIV (1638-1715), suite à une opération réussie sur sa royale personne (ablation de la fistule anale), élève les barbiers chirurgiens au rang de médecins à part entière. Avec les guerres napoléoniennes, les chirurgiens sont confrontés à de nouvelles blessures qui font progresser leur science. Le livre retrace quelques beaux portraits de grands chirurgiens de cette époque.
La découverte, dans la seconde moitié du XIXe siècle, de l’asepsie et de l’antisepsie révolutionne la pratique de la chirurgie en sauvant des milliers de vie. Viennent alors l’anesthésie (qui devra tout à la découverte du gaz hilarant), la radiologie (un heureux hasard), l’Echographie, le Doppler, le Scanner… et d’autres techniques d’investigation d’usage encore confidentiel, mais déjà très au point comme l’imagerie virtuelle, l’imagerie interventionnelle.
Au cours du XXe siècle, l’histoire s’accélère avec de nombreuses découvertes et l’essor des spécialités. Ce qui n’est pas nouveau : Hérodote (484-420 av. J.-C.), à propos de la médecine égyptienne, notait déjà : «L’art de la médecine est chez eux très divisé. Tout le pays abonde en médecins. Quelques uns soignent les yeux, les autres la tête, d’autres les dents, d’autres les intestins, d’autres les maladies invisibles…»
La chirurgie du XXIe siècle sera robotique ou pas. Des bistouris intelligents, déjà en expérimentation, se proposent d’identifier la nature du tissu, sain ou non, sur lequel ils interviennent. Il existe une prothèse bionique de la main qui permet la transmission au cerveau des sensations de chaud et de froid et d’analyse du relief des objets. Quant à la nanochirurgie intracellulaire, elle dispose déjà d’instruments tels les nanolasers à impulsion ultracourtes. La chirurgie à l’échelle chromosomique est envisageable dans un tout proche avenir.
L’histoire de la chirurgie n’est pas finie. Beaucoup d’autres défis attendent les femmes et les hommes qui s’y engageront.
La force du livre du docteur Pierre-Louis Choukroun est de nous avoir fait partager la passion de ces hommes qui au cœur de la grande histoire, ont fait avancer l’Histoire de la chirurgie. Cette suite de récits cocasses ou poignants, ces anecdotes éclairantes et souvent drôles, ces portraits d’hommes d’exception, font de cet ouvrage un livre atypique et attachant. Assurément une bonne idée de cadeau pour tout esprit curieux.
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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