Jules Ferry (1832 - 1893)

Apôtre de la République laïque et universelle

Jules Ferry, issu d'une riche famille vosgienne, républicaine et laïque, suit une carrière d'avocat avant de s'engager dans le journalisme puis dans la politique en se faisant élire par les Parisiens comme député républicain en mai 1869, sous le Second Empire. 

Le 4 septembre 1870, suite à la défaite de Sedan, il participe à la formation du gouvernement provisoire qui va installer la IIIe République. Le 15 novembre suivant, alors que la capitale endure le siège par l'armée prussienne, il est élu maire de Paris. En charge du ravitaillement de la capitale, il y gagnera un premier surnom, « Ferry-Famine ».

Athée, franc-maçon et fervent républicain, Jules Ferry va devenir ensuite le chef de l'opposition parlementaire dans une Assemblée nationale dominée par une majorité monarchiste. 

C'est seulement avec l'élection à la présidence du républicain Jules Grévy, le 30 janvier 1879, qu'il va pouvoir entrer au gouvernement comme ministre de l'Instruction publique.

Par les lois du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882, il promeut un enseignement primaire gratuit, laïc et obligatoire pour concurrencer les congrégations religieuses, très actives dans le domaine de l'instruction depuis la loi Falloux votée en 1850 sous la IIe République.

Dans cette entreprise, il est activement épaulé par un jeune intellectuel protestant, de dix ans son cadet, Ferdinand Buisson. Nommé à la direction de l'Enseignement primaire en 1879, à 28 ans, il y restera jusqu'en 1896 (Ferdinand Buisson participera aussi en 1898 à la fondation de la Ligue des Droits de l'Homme, puis en 1905 à la rédaction de la loi de séparation des Églises et de l'État ; en 1927, il obtiendra le Prix Nobel de la Paix).

Le 23 septembre 1880, sous la présidence de Jules Grévy, Jules Ferry devient pour la première fois président du Conseil. Il fait alors voter les grandes lois sur la liberté de réunion (30 juin 1881), la liberté de la presse (29 juillet 1881) et la liberté syndicale (21 mars 1884).

Dans une célèbre lettre adressée le 17 novembre 1883 aux instituteurs, « hussards noirs de la République », le Président du Conseil et ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts expose sa conception de leur mission et de la morale républicaine. C'est une morale très consensuelle et mesurée, à l'opposé du militantisme actuel : « Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ».

Jules Ferry recevant les délégués des colonies (peinture allégorique de Frédéric Regamey, 1892)
 

Pour une République civilisatrice et universelle

Jules Ferry se fait aussi le promoteur de l'expansion coloniale de la France en Tunisie, au Tonkin, à Madagascar et en Afrique centrale. Il est renversé le 30 mars 1885 suite au tollé suscité par la conquête du Tonkin.

Le 28 juillet 1885, redevenu simple député, il défend à la Chambre une demande de crédit du gouvernement pour une expédition à Madagascar : « Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... »Son discours, qui nous paraît aujourd'hui surprenant, est représentatif de la pensée progressiste de l'époque (note). Au-delà des apparences, il est en parfaite cohérence avec son engagement républicain et son action en faveur de l'école pour tous.

Jules Ferry, en effet, est représentatif de la pensée politique française, fondamentalement universaliste et égalitariste. Il aspire à élever tous les enfants de la République au mieux de leurs capacités, sans laisser personne sur le bord du chemin. De la même façon, il aspire à ce que tous les peuples s'élèvent au niveau du peuple français, qui constitue de son point de vue d'homme du XIXe siècle, la quintessence de la civilisation.

À la différence des penseurs racistes de son temps qui croient en l'inégalité intrinsèque des races humaines, Jules Ferry ne considére pas les sociétés humaines comme intrinsèquement inégales mais à des stades différents de développement. Il souhaite que les plus attardées rattrapent les autres et c'est ce qui l'amène à devenir le chef de file du courant « coloniste » (on dirait aujourd'hui colonialiste).

À la Chambre des députés, il n'y a guère pour contredire Jules Ferry que les droites libérale, royaliste et nationaliste, qui désapprouvent le coût des entreprises coloniales et placent au premier rang des priorités la revanche sur l'Allemagne. Il y a aussi quelques électrons libres comme le chef du parti radical (extrême-gauche) Georges Clemenceau, qui réplique avec brio le 31 juillet 1885 au discours ci-dessus.

Les conquêtes coloniales, d'abord boudées par l'opinion publique devront attendre l'Exposition coloniale de 1931 pour entrer enfin dans la mythologie républicaine.

Alban Dignat
L'héritage colonial de Jules Ferry

La démarche « civilisatrice » de Jules Ferry se retrouve aujourd'hui chez des contemporains comme Bernard Kouchner, french doctor devenu adepte du droit d'ingérence.
La gauche républicaine, coloniste jusqu'en 1957, a ensuite prôné l'indépendance des colonies. Puis, confrontée à la faillite de ces indépendances en Afrique subsaharienne, elle a retrouvé très vite les accents de Jules Ferry pour promouvoir l'« aide au développement », cette expression étant synonyme du « devoir de civiliser » de Jules Ferry !

Publié ou mis à jour le : 2023-12-12 11:34:14

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