Depuis leur renaissance à la fin du XIXe siècle, les Jeux Olympiques sont devenus la plus importante manifestation de dimension planétaire et assurément la plus médiatique, ce qui les place au centre d'enjeux politiques et économiques majeurs, parfois sombres et tragiques.
Ces enjeux existaient déjà dans la Grèce antique avec les premiers Jeux, tout comme les problèmes liés à la corruption et à l'argent. Ainsi Athènes et ses alliés excluèrent-ils Sparte de la participation aux Jeux de 424 av. J.-C. en raison de la guerre du Péloponnèse.
Voici ci-après un survol de toutes les olympiades de l'ère moderne, d'Athènes (1896) à Rio (2016).
Beauté du sport
Les premiers Jeux se suivent avec un succès croissant qui va de pair avec la montée des classes moyennes en Occident et la découverte des loisirs et du sport. L'apparition de la télévision contribue aussi à leur popularité. Cette progression n'est pas entamée par les longues coupures occasionnées par les deux guerres mondiales.
Très modestes et quasiment confidentiels, les premiers Jeux de l'ère moderne accueillent 241 participants de 14 nations, les plus nombreux venant de Grèce, Allemagne, France et Grande-Bretagne. La cérémonie d'ouverture n'en recueille pas moins un grand succès d'estime dans le stade antique d'Athène reconstruit pour l'occasion en présence du roi Georges Ier. Et c'est un total de 50 000 spectateurs qui acclament les champions. Il s'agit essentiellement de Grecs, fiers d'afficher ainsi leur place parmi les nations civilisées.
Le héros du jour est un berger grec du nom de Spiridon Louis (24 ans) qui remporte l'épreuve du marathon, soit une course de 40 kilomètres entre l'antique champ de bataille de Marathon et le stade d'Athènes. Cette épreuve inédite rappelle l'exploit de Philippidès. À l'occasion des Jeux de Londres, en 1908, sa distance sera portée à 42,195 kilomètres afin que les coureurs puissent partir de la cour du château royal de Windsor.
Le baron de Coubertin a souhaité associer cette deuxième édition à l'Exposition universelle du siècle, à Paris, en croyant que leur visibilité s'en trouverait rehaussée. Au lieu de cela, étalés sur cinq mois, ils sont apparus comme une compétition en périphérie de l'exposition, dans le bois de Vincennes, au point que l'on supprima même la cérémonie de clôture.
Ces Jeux permirent toutefois d'assister aux premières compétitions féminines (tennis, golf, voile...), avec 19 sportives, en dépit des préventions du baron de Coubertin.
Les organisateurs reproduisent la même erreur que précédemment en associant les Jeux à l'Exposition universelle de Saint-Louis (Missouri) qui célèbre le centenaire de l'achat de la Louisiane par les États-Unis. Pour ne rien arranger, le gouverneur les fait précéder de « Jeux anthropologiques » destinés aux autres races, avec jet de pierre, etc. (la presse les qualifiera de « Jeux de la honte »).
C'est aussi cette année-là qu'apparaissent les médailles d'or, d'argent et de bronze.
Les Anglais se voient attribuer les Jeux après la défection des Italiens, affectés par une éruption du Vésuve. Organisés à la hâte, ils sont pour la première fois précédés par un défilé des participants et se déroulent à la perfection. Le vainqueur du marathon, Dorando Pietri, termine la course très largement devant ses concurrents, en 2h54, mais il est disqualifié pour avoir été aidé dans les derniers mètres.
Parfaitement organisés, ces IVe Jeux témoignent de l'arrivée à maturité de la manifestation. Les épreuves sont commentées en direct par une sonorisation et les courses bénéficient d'un chronométrage électrique.
Les cinq continents sont pour la première fois représentés avec notamment le Japon, l'Afrique du Sud et l'Égypte pour l'Asie et l'Afrique.
Les VIIe Jeux Olympiques de l'ère moderne sont organisés à Anvers, du 20 août au 12 septembre 1920, en hommage aux souffrances endurées par les Belges pendant la Grande Guerre. Les vaincus en sont exclus (Allemagne, Autriche, Hongrie, Turquie, Bulgarie). C'est la première décision de caractère politique dans l'Histoire de l'olympisme moderne.
Le rituel olympique se met en place avec le drapeau aux cinq anneaux entrelacés, qui reprend les cinq continents et les couleurs de tous les drapeaux du monde (y compris le fond blanc). Le serment olympique est prêté pour la première fois lors de la cérémonie d'ouverture par l’escrimeur belge Victor Boin avant d'être repris par tous les athlètes et les juges.
Sur les 22 sports en compétition figurent deux sports d’hiver, le patinage artistique et le hockey sur glace, ainsi que le tir à la corde qui disparaîtra quatre ans plus tard. Le tireur suédois Oscar Swahn remporte une médaille d'argent à l'âge de 72 ans ! Il demeure à ce jour le médaillé le plus âgé de l'histoire des Jeux Olympiques. Sur les courts de tennis s'illustre la championne française Suzanne Lenglen.
Pour la deuxième et dernière fois du siècle, les Jeux sont organisés à Paris. Ils recueillent un grand succès malgré le pugilat entre spectateurs à l'issue du match de rugby France-États-Unis. Les organisateurs se dotent d'une devise latine : « Citius, altius, fortius » (« Plus vite, plus haut, plus fort »). Elle est due à un ami de Pierre de Coubertin, président d'université.
Un champion américain de natation fera rêver toutes les femmes longtemps encore après les Jeux. Il a nom Johnny Weissmuller mais est resté plus connu sous celui de... « Moi Tarzan, Toi Jane ».
La même année se tiennent à Chamonix les premiers Jeux Olympiques d'hiver.
L'Allemagne réintègre les Jeux Olympiques et le monde se prend à rêver à une paix et une prospérité durables (c'est quelques mois avant le krach de Wall Street). Pour la première fois, un sponsor commercial fait son entrée dans l'organisation des Jeux ; il s'agit de Coca Cola.
Vainqueurs du triple saut et du 200 mètres brasse, deux Japonais sont les premiers Asiatiques à remporter des épreuves olympiques. Par ailleurs, le marathonien Boughéra Ahmed El Ouafi, un ouvrier français né en Algérie 30 ans plus tôt, est le premier Africain à remporter une médaille d'or.
C'est la crise ! Les Jeux se déroulent sur 16 jours au lieu de 79 précédemment. Les athlètes sont en nombre réduit mais réalisent de bonnes performances. Les spectateurs sont au rendez-vous et pour la première fois, la manifestation génère des profits (pas moins d'un million de dollars).
Trois ans après son arrivée au pouvoir et un an après le vote de lois antisémites, Hitler veut faire des Jeux une illustration de la supériorité de l'idéologie nazie et de l'Allemagne. C'est la première fois que les Jeux sont ouvertement instrumentalisés par un régime politique, en l'occurrence le pire qui soit. De fait, les compétitions se déroulent selon un cérémonial rigoureux. Une cinéaste au service de Hitler, Leni Riefenstahl, va en tirer un film de propagande d'une grande qualité esthétique : Les Dieux du stade (1938).
Deux athlètes vont néanmoins éclairer ces Jeux d'une lumière inattendue. Le premier est le Noir étasunien Jesse Owens qui remporte pas moins de quatre médailles d'or sur le 100 mètres, le 200 mètres, le 4x100 mètres et la longueur. Sur cette dernière épreuve, son concurrent est un Allemand qui ne craint pas de fraterniser avec lui sur le sautoir.
Ensuite, en tant que vainqueur, Jesse Owens est amené à saluer le Führer de loin et celui-ci lui rend son salut en agitant la main (une légende a posteriori voudra qu'il ait préféré quitter la tribune plutôt que lui serrer la main). Jesse Owens rappellera avec amertume dans ses Mémoires qu'il n'était pas mieux traité dans l'Amérique de la ségrégation qu'en Allemagne.
Le deuxième héros des Jeux est le Coréen Son Ki-chong qui remporte le marathon. Officiellement enregistré dans la délégation du Japon, qui occupe la Corée, il dédie néanmoins sa victoire à son pays.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'honneur des Jeux revient naturellement aux Anglais qui ont joué un rôle déterminant dans la victoire sur le nazisme. 59 nations y participent mais l'Allemagne et le Japon en sont exclus. L'URSS refuse d'y participer.
Improvisés dans une capitale marquée par les bombardements, les Jeux n'en sont pas moins remarquablement organisés. Un Américain, Bob Mathias, remporte le décathlon et devient à 17 ans le plus jeune médaillé masculin de l'Histoire. Les femmes s'attirent aussi beaucoup de succès. Elles sont 390 à côté de 3714 hommes, de quoi faire se retourner le baron de Coubertin dans sa tombe.
Au même moment, dans la cour d'un hôpital, à 60km au nord de Londres, à Stoke Mandeville, le médecin neurologue allemand Ludwig Guttmann, veut accélérer le rétablissement de ses patients paraplégiques, tous vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Il organise pour seize vétérans en fauteuil roulan une compétition de tir à l’arc et de netball (dérivé du basket-ball). L'initiative sera renouvelée et étendue dans les années suivantes, toujours à Stoke Mandeville, avant de déboucher à Rome en 1960 sur la naissance des Jeux Paralympiques.
Ces Jeux parfaitement organisés voient le retour de l'Allemagne et du Japon ainsi que l'arrivée d'Israël et l'entrée en scène, pour la première fois, de l'URSS. Absente des compétitions depuis la Première Guerre mondiale, l'Union Soviétique comprend l'intérêt de cette tribune sportive à vocation planétaire. Elle va désormais y prendre une part très active en ayant soin de fournir à ses ses athlètes « amateurs une préparation intensive dans le cadre de l'armée.
La Tchécoslovaquie, « satellite » de l'URSS, est à l'honneur avec la triple performance d'Emil Zátopek (30 ans), qui remporte le 5000 mètres, le 10000 mètres et le marathon. Aux Jeux précédents de Londres, il avait déjà gagné le 10000 mètres. Le jour de sa victoire sur 5000 mètres, son épouse Dana s'offre quant à elle une médaille d'or au javelot.
Melbourne innove à bien des égards. C’est la première fois que les Jeux se déroulent dans l’hémisphère sud et c’est aussi la première fois (et la seule à ce jour) que des Jeux d’été sont scindés : en raison d’une quarantaine très stricte interdisant quasiment aux chevaux d’entrer sur le territoire australien, les épreuves équestres se sont déroulés à Stockholm du 10 au 17 juin, alors que Melbourne accueille les autres sports à la fin de l’automne.
Autre « première » lors de la cérémonie de clôture, les athlètes de tous les pays défilent ensemble et non par pays. Une manière de faire oublier le boycottage de certains pays et d'éviter des rixes comme à l'occasion de la finale de water-polo entre Soviétiques et Hongrois.
Ces boycottages sont aussi une « première » et témoignent de l'aggravation des tensions internationales dans un contexte de décolonisation et de guerre froide.
En raison de l’intervention franco-britannique sur le canal de Suez, l’Égypte, le Liban et l’Irak ont refusé d’y participer. Et pour protester contre l’intervention soviétique à Budapest, l’Espagne, la Suisse et les Pays-bas n’ont pas envoyé d’athlètes à Melbourne. Sans oublier la République populaire de Chine qui s’est abstenue en raison de la présence de Taïwan.
Les Français gardent le souvenir éblouissant de la victoire d'Alain Mimoun (35 ans) au marathon. Cet ancien caporal-chef d'origine kabyle avait failli être amputé d'une jambe à l'issue de la bataille du Mont Cassin, en 1944. La veille du marathon, il apprend que son épouse vient d'accoucher. Parti avec le maillot 13, il l'emporte en 2h25 sur son rival et ami Zatopek...
Ces Jeux qui se déroulent dans le cadre majestueux de la Rome antique sont à proprement parler les derniers de l'« ère européenne ». La même année, de nombreux pays d'Afrique noire accèdent à l'indépendance. Par une coïncidence intéressante, le marathon, épreuve reine des Jeux, est remporté cette année-là par l'Éthiopien Abebe Bikila, le premier Africain à gagner une médaille d'or.
Le 10 septembre 1960, ce coureur aux pieds nus, inconnu de tous, prend son envol devant l'obélisque d'Axoum qui rappelle la conquête de l'Éthiopie par l'Italie ! Dans la nuit, sous la lumière des projecteurs, il arrive triomphal au terme de la course, devant l'arc de Constantin...
Son retour au pays sera moins rose. Membre de la Garde impériale, il est incarcéré sous l'accusation d'un complot contre le souverain. Sa notoriété mondiale lui vaudra d'être épargné à la différence de ses camarades, tous pendus. Quatre ans plus tard, il remportera une nouvelle fois le marathon à Tokyo...
L'autre révélation des Jeux de Rome est un boxeur afro-américain, Cassius Clay (18 ans), médaille d'or des poids mi-lourds. De retour chez lui, il se voit empêché d'entrer dans un restaurant chic réservé aux Blancs et de dépit jette sa médaille dans l'Ohio. Devenu un champion de boxe célébrissime, il se convertit en 1965 à l'islam radical et prend le nom de Mohamed Ali. Son itinéraire porte témoignage de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis.
Les 9e Jeux Internationaux de Stoke Mandeville se tiennent à Rome six jours après la clôture des Jeux Olympiques, du 18 au 25 septembre 1960, avec 400 athlètes de 23 nations, tous en fauteuil roulant. Ils consacrent la naissance officielle des Jeux Paralympiques, avec bientôt une organisation formellement distincte du CIO : le Comité Paralympique International (IPC), fondé le 22 septembre 1989.
Douloureuse transition vers un monde multipolaire
Pour la première fois, en 1964, les Jeux Olympiques se déroulent sur le continent asiatique, dans un pays non blanc, et qui plus est chez l'un des vaincus de la Seconde Guerre mondiale, le Japon. À l'heure de la décolonisation et de la montée du tiers-monde, il s'agit d'un symbole chargé de sens. Tellement que dès les éditions suivantes, la politique va faire irruption dans les Jeux, de façon généralement violente...
Tout d'un coup, l'Occident ébahi découvre l'irruption sur la scène internationale d'un pays lointain et pauvre. Quelques années plus tard, en 1970, en cultivant ses exportations de contrefaçons européennes et de produits électroniques innovants, le Japon rattrappe la Grande-Bretagne dans le classement des pays selon leur richesse.
Signe des temps, l'Afrique du Sud est pour la première fois exclue des Jeux, sa politique d'apartheid (ségrégation raciale) mise en place en 1948 faisant désormais l'objet d'une condamnation internationale.
Après l'Asie, voilà l'Amérique latine honorée par les Jeux. Le Mexique, pays pauvre, aliéné par la pression étasunienne à ses frontières, n'a pas les ressources du Japon. Le 2 octobre, une manifestation d'étudiants sur la place des Trois Cultures, en un lieu dit Tlatelolco, est brutalement réprimée par le gouvernement, soucieux de faire place nette avant l'ouverture des Jeux. On compte 300 morts !
Les Jeux de Mexico resteront dans les mémoires non seulement du fait de ce massacre préventif mais aussi en raison de la révolte silencieuse des athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos. Sur la 1ère et la 3e place du podium à la suite de l'épreuve du 200 mètres, ils lèvent un poing ganté et baissent la tête quand retentit l'hymne américain en signe de soutien à la lutte anti-ségrégationniste dans leur pays.
C'est la première fois que les Jeux Olympiques servent de tribune ou de caisse de résonance aux minorités opprimées et mouvements rebelles. Ce précédent ne restera pas sans lendemain...
Les amateurs de sport retiennent de ces Jeux (à 2300 mètres d'altitude !) l'incomparable saut en longueur de Bob Beamon (8,90 mètres), l'exploit inédit du sauteur en hauteur Dick Fosbury qui invente le saut dorsal et la victoire inattendue de la Bordelaise Colette Besson (20 ans) sur le 400 mètres.
Les Jeux reviennent en Allemagne pour la première fois depuis Berlin 1936 et l'apothéose nazie. Malgré les performances exceptionnelles du nageur américain Mark Spitz (22 ans, sept médailles d'or et autant de records du monde), ils vont s'inscrire à leur tour dans la mémoire sombre de l'olympisme. Au petit matin du 5 septembre 1972, un commando palestinien s'infiltre dans le village olympique et prend en otage neuf athlètes de la délégation israélienne après en avoir tué deux.
Tandis que les terroristes se disposent à prendre le large avec leurs otages, sur l'aéroport militaire de Munich, une attaque maladroite déclenchée par les tireurs d'élite allemands se solde par la mort de tous les otages, d'un policier ainsi que de cinq terroristes. Trois terroristes demeurent entre les mains de la police. Craignant d'être la cible de nouvelles attaques, l'Allemagne libère les trois hommes à la faveur d'un faux détournement d'avion. Outre qu'elle disqualifie pour longtemps le gouvernement allemand, cette attaque meurtrière, spectaculaire et télévisuelle, prélude aux attentats du 11 septembre 2001, marque l'irruption de la cause palestienne sur la scène internationale.
Le monde est entré dans une longue période de langueur économique avec le choc pétrolier de 1973 et la guerre du Kippour. Mais la métropole québécoise et son maire Jean Drapeau se font gloire d'accueillir les Jeux. Retenant la leçon de Munich, ils renforcent les mesures de sécurité. Ils dépensent aussi sans compter pour le stade (un milliard de dollars, trois fois plus que prévu). Cette démesure va endetter la ville et la province pour trente ans. La fête n'en est pas moins somptueuse. 92 nations et plus de 6000 sportifs dont 20% de femmes sont au rendez-vous, avec 198 épreuves dans 21 disciplines.
Le public retient la performance exceptionnelle de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci (14 ans) et les Français applaudissent également Guy Drut, vainqueur du 110 mètres haies. Mais la fête est quelque peu altérée par le caprice de 22 gouvernants africains qui décident de boycotter les Jeux au prétexte que l'équipe de rugby néo-zélandaise aurait accompli une tournée en Afrique du Sud.
Le boycott devient une manie. Les Américains et leur président Jimmy Carter convainquent un total de 65 nations de ne pas se rendre à Moscou en représailles de l'invasion de l'Afghanistan quelques mois plus tôt. Avec 80 nations représentées issues du monde communiste et du tiers monde pour l'essentiel, ces Jeux sont le chant du cygne de l'Union soviétique et de la RDA (République Démocratique Allemande) qui, l'une et l'autre, gèrent leurs écuries de champion(ne)s sans lésiner sur les moyens, y compris le dopage.
Le triomphe du libéralisme
La guerre froide entre les États-Unis et l'URSS tire sur sa fin. D'autre part, les Palestiniens sont arrivés à faire connaître leur lutte au monde entier. La politique quitte peu à peu l'espace olympique. C'est pour laisser la place à l'argent. L'obligation d'amateurisme disparaît de la Charte olympique en 1981. Les nations-hôte font du succès des Jeux une affaire de prestige et les multinationales une affaire de gros sous.
Réponse du berger à la bergère, les Soviétiques et leurs affidés boycottent à leur tour les Jeux américains. Los Angeles relève le défi et, dans une situation au moins aussi difficile qu'en 1932, arrive à faire de ces Jeux un succès et à dégager même un bénéfice. La vedette du moment est l'athlète afro-américain Carl Lewis qui remporte quatre médailles d'or à l'égal de son prédécesseur Jesse Owens. À noter pour la première fois la victoire d'une musulmane, la Marocaine Nawal El Moutawakil sur le 400 mètres haies.
Pour la deuxième fois, l'Extrême-Orient accueille les Jeux. Après la révélation du Japon un quart de siècle plus tôt, voilà celle de Corée du Sud, l'un des quatre « dragons asiatiques » avec Singapour, Taiwan et Hongkong. La guerre froide tire à sa fin ; la Chine et l'Inde ont abandonné leurs références à la lutte des classes et au socialisme pour le néolibéralisme ; le conflit israélo-palestinien entre dans la phase des négociations.
C'est désormais l'argent qui domine les Jeux. Les exploits en athlétisme du Canadien Ben Johnson et de l'Américaine Florence Griffith-Joyner sont éclipsés par les soupçons de dopage. Le premier est disqualifié. La seconde, faute de preuves, conserve ses médailles... mais elle mourra dix ans plus tard à 39 ans.
Ces Jeux consacrent le triomphe du président du CIO, le Catalan Samaranch. Ils redessinent le visage de la métropole catalane avec une cité olympique qui sera après les Jeux transformée en station balnéaire à deux pas du quartier historique.
Ils marquent le retour de l'Afrique du Sud, laquelle s'est débarrassée de l'apartheid. Pour la première fois depuis 1972, tous les pays du CIO participent aux Jeux. Ni exclusion, ni boycott. Désormais, place au sport, exit la politique, enfin presque.
197 pays sont représentés à Atlanta, y compris, pour la première fois, une délégation de la Palestine. Organisés dans la ville de Coca-Cola et CNN, deux marques représentatives de l'Amérique post-industrielle, ces Jeux se voulaient le triomphe de la nouvelle pensée néo-libérale. Dans les faits, ils révèlent une organisation défaillante à tous points de vue, par excès d'économies. Ils sont endeuillés par l'attentat d'un terroriste isolé qui fait deux morts et de nombreux blessés (Clint Eastwood en tirera un film à succès en 1996 : Le cas Richard Jewell).
Les Français retiennent les nouveaux exploits de Marie-José Perec sur 200 mètres et 400 mètres ainsi que celui du judoka David Douillet dans la catégorie des plus de 95 kilos.
Au contraire des précédents, les Jeux de Sidney se veulent efficaces, consensuels et par-dessus tout respectueux de l'environnement et des droits humains. Objectif atteint avec en prime un record de 10 000 participants. À la cérémonie d'ouverture, les frères ennemis des deux Corées défilent ensemble.
Les Jeux Olympiques d'Hiver de Salt Lake City (Utah, États-Unis), en 2002, tout au contraire de Sidney, voient leur image écorner par une affaire de corruption sans précédent : on découvre que la ville a dépensé 15 millions de dollars pour soudoyer les membres du CIO, sept ans plus tôt, lors de la session du comité destinée à désigner l'hôte de ces Jeux. Six personnes sont exclues du CIO.
À leur tour, et pour la deuxième fois de leur histoire moderne, les Grecs relèvent le défi olympique. On n'ose les leur refuser en dépit d'une économie en ruine comme la suite l'a démontré. Au prix de surcoûts énormes avec un budget de 13 milliards d'euros, deux fois supérieur au budget prévu, ils arrivent à organiser de très beaux Jeux, sans comparaison aucune avec ceux d'Atlanta. 201 nations sont représentées.
Les 29e Jeux Olympiques ouvrent à Pékin le 8 août 2008 à 20h08 (« Quadruple Huit », gage de prospérité pour les Chinois superstitieux !). Ces premiers Jeux chinois sont placés sous le signe du gigantisme : 42 milliards de dollars dépensés pour leur préparation, 100 000 personnes mobilisées pour leur sécurité, 90 chefs d’État présents dans la tribune pour la cérémonie d’ouverture. Pour le régime de Pékin, ils incarnent la modernité triomphante de la Chine, qui remporte 51 médailles d’or...
Avec ces Jeux, la Chine manifeste avec éclat sa fierté retrouvée après un siècle d'humiliations de la part des Occidentaux et un siècle de guerres civiles et d'occupation étrangère (par le Japon). Les citoyens de la rue ne cachent pas leur satisfaction devant le chemin parcouru depuis la mort du grand Timonier, qui a laissé le pays au bord du chaos.
Londres est la seule ville à ce jour à avoir accueilli trois fois les Jeux. Elle a ouvert officiellement les XXXe Olympiades de l'ère moderne le vendredi 27 juillet 2012.
En dépit de la crise économique, les Anglais les ont parfaitement préparées dans les délais et avec un budget de 11,8 milliards d'euros, près de quatre fois inférieur à celui de Pékin et même deux fois inférieur à celui des Jeux d'Hiver de Sotchi, en Russie, en 2014. Avec une touche d'humour british : c'est, pour la cérémonie d'ouverture, la Reine qui saute en parachute en compagnie de l'acteur Daniel Craig (James Bond).
10 480 athlètes de 205 pays ont participé aux Jeux de Londres dans d'excellentes conditions. Tous ou à peu près sont des professionnels, loin de l'amateurisme aristocratique voulu par Pierre de Coubertin, mais leur rapport à l'olympisme demeure passionnel et exempt de tout esprit mercantile. Une médaille vaut infiniment plus à leurs yeux que son poids en or ou en argent.
Pour la première fois, 120 ans après leur renaissance, les Jeux Olympiques s'installent en Amérique du Sud.
Rio, ancienne capitale mythique du Brésil, a été sélectionnée en 2009, pendant la présidence euphorique de Lula, quand les exportations de matières premières agricoles et industrielles étaient tirées par la croissance mondiale et en particulier chinoise. Mais entre-temps, le pays a plongé dans une grave crise économique, sociale, politique (corruption et menace de destitution de la présidente Dilma Rousseff) et sanitaire (pollution de la baie de Rio, fièvre Ebola). C'est donc dans une atmosphère morose que se sont ouverts les Jeux.
Qui plus est, le Comité International Olympique a été agité par les révélations étayées d'un transfuge russe sur le dopage institutionnel à grande échelle mis en place par son gouvernement. Il n'a pu faire autrement que d'interdire de Jeux la fédération d'athlétisme russe, les autres fédérations faisant l'objet de mesures au cas par cas. C'est la première fois que le dopage fait débat aux Jeux Olympiques, même si sa pratique n'est pas nouvelle ni réservée aux Russes.
Les 10 000 athlètes ont pu toutefois être accueillis à Rio du 5 au 21 août 2016 dans des conditions correctes - sans plus -. Notons que deux pays parmi les plus déshérités du monde font leur entrée aux Jeux : le Kossovo et le Sud-Soudan. Mais peut-être l'Histoire gardera-t-elle de ces jeux le geste de défi adressé par un marathonien éthiopien à son gouvernement, coupable de répression contre les gens de son ethnie...
Sans surprise, les grands vainqueurs de ces Jeux en nombre de médailles sont les États-Unis, la Chine, la Russie et les principaux pays occidentaux. Mais le classement s'avère très différent si l'on pondère le nombre de médailles par le poids démographique des différentes nations participantes. C'est ce que nous avons fait dans le document suivant :
Comme à chaque Olympiade, les Étatsuniens exultent avec plus de médailles qu'aucune autre nation mais pour juger de la performance, il faut rapporter le nombre de médailles de chaque pays à sa population. C'est ce que nous avons fait dans le document ci-dessous...
Les Jeux Olympiques, plus que jamais en phase avec le reste du monde, n'ont pas échappé à la pandémie de Covid-19. Ils se déroulent à Tokyo comme prévu, mais pour la première fois avec un décalage d'un an et devant un public très clairsemé.
Bibliographie
Je recommande la lecture de l'album : Jeux Olympiques : ma grande encyclopédie (Milan Jeunesse, 2008, 20 euros). Attrayant, très richement illustré et documenté, il s'adresse à tous les publics et nous lui sommes nous-mêmes reconnaissants de nous avoir fourni beaucoup d'informations.
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Aimé DUPONT (02-08-2016 22:50:13)
Le Vésuve avait fait éruption et non irruption ! Ne confondons pas "entrée" et "sortie" ! Ceci en toute modestie et amitié.
DARCHE (12-07-2016 11:22:48)
Bonjour, Il s'agit du saut en hauteur et non de la perche : l'exploit inédit du sauteur à la perche de Dick Fosbury qui invente le saut dorsal Cordialement ... Lire la suite
Anonyme (12-07-2016 11:20:17)
Bonjour,