Pendant deux longues décennies, de 1642 à 1660, l'Angleterre moderne va être secouée par une guerre civile (English Civil war) aussi appelée par ses détracteurs royalistes « Grande Rébellion ».
Cent cinquante ans avant les Français, les Anglais vont ainsi décapiter leur roi Charles Ier Stuart et fonder une éphémère république, the Commonwealth and Free State, sous la dictature de fait d'Oliver Cromwell.
Mais à la grande différence de leurs cousins du Continent, ils vont mener leur révolution au nom de Dieu et d'une interprétation très rigide, pour ne pas dire intégriste, de la foi anglicane, le puritanisme.
Le pays va sortir de l'épreuve plus fort et plus démocratique, définitivement vacciné contre les aventures révolutionnaires (et républicaines).
À l'opposé, au même moment, le jeune roi de France Louis XIV va superbement triompher de la Fronde avec le concours de Mazarin.
Affaires de gros sous et de religion
Dès son avènement, en 1625, le jeune roi Charles Ier Stuart se montre désireux de reprendre la guerre contre l'Espagne.
En manque d'argent, il convoque le Parlement le 18 juin 1625 mais celui-ci ne lui renouvelle le traditionnel impôt de Tunnage and Poundage que pour une année au lieu de la durée du règne comme pour ses prédécesseurs. Cela s'avère insuffisant.
Après que sa flotte a essuyé un humiliant revers devant Cadix, il convoque donc une nouvelle fois le Parlement le 6 février 1626 mais se heurte encore à son refus. Pour contourner l'obstacle, il lève un « emprunt obligatoire ».
Là-dessus, il tente d'aider les protestants de La Rochelle assiégés par Richelieu.
Cette expédition qui s'achève sur l'île de Ré est un nouvel échec dont la responsabilité est attribuée à juste titre au favori du roi, le beau Georges Villiers, Ier duc de Buckingham.
John Eliot, l'un des parlementaires les plus écoutés, déclare, s'adressant aux Communes : « Je dirai que si Sa Majesté avait consenti ou avait commandé, ce que je ne puis croire, cette attaque, cela n'exonérerait en aucune manière le duc et ne constituerait même pas une atténuation de son crime, car c'était son devoir de s'y opposer par ses prières et d'intercéder auprès de Sa Majesté pour lui faire connaître le danger et les conséquences fâcheuses d'un tel projet ».
Étranglé par les besoins financiers, le roi sollicite une nouvelle fois les Communes. Mais les parlementaires, généralement issus de la haute bourgeoisie, en profitent pour tenter de limiter les prérogatives royales.
Ils imposent à Charles Ier une Pétition des droits qui subordonne à leur consentement toute nouvelle levée d'impôt. Le roi l'accepte du bout des lèvres le 7 juin 1628, après s'être assuré qu'elle lui laissait malgré tout une marge de manoeuvre et, le 26 juin 1628, il dissout une nouvelle fois le Parlement.
Là-dessus, le 23 août 1628, l'intrigant Buckingham est poignardé à Portsmouth par un officier protestant, John Fulton, alors qu'il préparait une nouvelle expédition pour secourir les protestants de La Rochelle. Jour de joie dans le pays. Du coup, certains membres de la haute aristocratie peuvent se rapprocher à nouveau du roi.
Dans cette Angleterre plutôt riche et plantureuse en regard des pays voisins, ces querelles partisanes sont dépourvues de motivations économiques. Elles tiennent dans un premier temps à des enjeux de pouvoir (le roi peut-il décider des impôts sans l'accord des Communes ?) mais ne vont pas tarder à se doubler de querelles religieuses autour de l'Église anglicane.
Cette Église officielle se caractérise par le rejet viscéral de l'autorité pontificale mais est néanmoins proche de la théologie catholique et réceptive aux thèses de l'évêque hollandais Arminius sur le libre arbitre. Elle privilégie une approche ritualiste ou orthodoxe, qui délègue à l'assemblée des évêques la direction de l'Église.
Ces Épiscopaliens anglicans, qui rassemblent la noblesse de cour, le roi et le peuple des campagnes lui-même, font face à une opposition divisée et minoritaire, mais très active au Parlement et à Londres.
Il y a les puritains anglicans nombreux dans la petite noblesse rurale, tel Oliver Cromwell. Ils croient à la doctrine de la prédestination inspirée du calvinisme et pratiquent une lecture littérale de la Bible. Ainsi Cromwell s'autorisera-t-il de massacrer les Irlandais dès lors que les Israélites de l'Ancien Testament ont pu exterminer tels ou tels de leurs adversaires.
Comme eux, les Presbytériens, essentiellement représentés par les Écossais, préconisent une stricte démocratie religieuse. Enfin, il y a les Indépendants ou Congrégationnalistes, très nombreux dans l'armée des parlementaires. Également de moeurs rigides et puritaines, ils soutiennent néanmoins que Dieu fait fi des divisions religieuses et se tient auprès de chaque groupe de fidèles. Ils aspirent à la liberté des cultes.
Charles Ier se sent assez fort pour réunir le 20 janvier 1629 un quatrième Parlement. Mais celui-ci, d'emblée, proteste contre des taxes arbitraires et, par un coup d'éclat, vote le 2 mars 1629 trois résolutions par lesquelles tout promoteur du papisme ou de l'arminianisme serait considéré comme un ennemi public, de même que quiconque conseillerait ou accepterait de payer (!) un impôt non agréé par le Parlement.
Le roi renvoie le Parlement une nouvelle fois et fait même incarcérer huit parlementaires parmi lesquels le populaire John Eliot.
Dans les onze années qui suivent (la « Tyrannie de onze ans »), Charles Ier va gouverner sans convoquer de Parlement, ce qui est exceptionnel, et en s'appuyant sur ses nouveaux et conseillers Thomas Wentworth, Ier comte de Strafford, et l'archevêque de Cantorbéry William Laud.
N'ayant pas le droit de lever de nouveaux impôts sans l'accord des Communes, il utilise tous les stratagèmes possibles pour couvrir tant bien que mal les dépenses du royaume, par exemple en relevant de vieilles taxes tombées en désuétude.
Malgré cela, l'argent manque, y compris même pour défendre les côtes britanniques. C'est au point que des pirates barbaresques peuvent impunément enlever des esclaves sur les côtes irlandaises.
Par ailleurs, William Laud, soucieux d'unité religieuse, ne manque pas de réprimer les pratiques puritaines, par exemple l'obligation du repos dominical ! Beaucoup, contrariés dans leur foi, choisissent l'exil et s'établissent en Nouvelle-Angleterre, tels les Pilgrim Fathers du Mayflower.
La situation se dégrade brutalement lorsque l'archevêque tente d'imposer une Église d'inspiration anglicane ainsi que le Livre de Prières d'Édouard VI aux Écossais. Ceux-ci, pour la plupart de confession presbytérienne, se soulèvent !
... à la rébellion écossaise
Pour remettre les Écossais à la raison, le roi, qui ne dispose pas d'une armée permanente, cherche en toute hâte des subsides. Il se voit alors contraint de convoquer le Parlement. Mais ses représentants en profitent pour contester l'autorité royale, ses expédients financiers et ses arrestations arbitraires. Ils aspirent à retrouver leur fonction d'arbitre en matière de fiscalité et de tribunal suprême en matière judiciaire.
Selon une habitude bien établie, Charles Ier réplique en les renvoyant dix-huit jours à peine après leur entrée en fonction. Mais la dissolution de ce Short Parliament (« Court Parlement ») ne résout pas les problèmes financiers et, devant l'offensive des Écossais, le roi est bien obligé de rappeler un nouveau Parlement. Celui-là restera en fonction - par intermittences - jusqu'en 1660.
Ce Long Parliament (« Long Parlement »), dès son ouverture le 3 novembre 1640, va se montrer encore plus hostile que les précédents au roi.
Ses députés sont pour l'essentiel des gentilshommes campagnards cultivés et de moeurs puritaines, à l'image d'Oliver Cromwell. Leurs chefs de file ont nom John Pym et John Hampden.
Ils s'en prennent au principal conseiller du roi, le loyal Strafford, et le font arrêter et décapiter pour haute trahison le 12 mai 1641, au terme d'un procès inique, sans que son maître ait pu le sauver. William Laud sera quant à lui décapité dans la Tour de Londres le 10 janvier 1645.
L'annonce de la mort de Strafford réveille la rébellion dans l'Irlande catholique, dont il fut le gouverneur. Dix mille colons anglais sont massacrés.
Le Parlement adresse le 1er décembre 1641 une « Grande Remontrance » au roi. Son contenu est essentiellement religieux mais il n'en a pas moins des incidences politiques, avec des critiques de la Cour par exemple. Charles Ier tente de faire bonne figure et renonce à son droit de dissolution. Mais à la fin, il a la maladresse de vouloir en finir avec ses ennemis.
Le 4 janvier 1642, il se présente lui-même aux Communes et s'installe à la place du Speaker avec l'intention d'exiger l'arrestation des cinq chefs de l'opposition parlementaire, dont le populaire Pym. Ceux-ci prennent les devants et se réfugient à la Cité de Londres, sous la protection de la milice bourgeoise. Défait, le roi se retire du Parlement sous les huées. Il juge sage de quitter son palais de Whitehall, dans la capitale, et s'établit à Oxford.
La guerre civile
Pour s'assurer la mainmise sur la personne du roi, le Parlement conclut une alliance avec les Écossais. C'est le Covenant, qui légitime la confession presbytérienne. C'est le début de la guerre civile entre les Cavaliers (royalistes aux cheveux longs et bouclés) et les Têtes rondes (puritains au crâne rasé) avec un premier affrontement à Edgehill, au nord-ouest d'Oxford, le 23 octobre 1642.
Cette affaire, faut-il l'avouer ? n'enflamme pas les masses populaires. Elle va se dérouler entre des gens souvent incertains sur leurs motivations, qui suivent le roi par loyalisme sans partager ses options religieuses ou politiques, ou s'y opposent tout en conservant une grande ferveur pour l'autorité monarchique.
Mis à part les troupes de bric et de broc rassemblées au début du conflit, quelques dizaines de milliers d'hommes seulement sont engagés dans les combats et il s'agit essentiellement de cavaliers. On observe au demeurant peu de violences inutiles entre ces combattants issus des classes privilégiées.
André Maurois, auteur d'une belle Histoire de l'Angleterre (1937), fait dire à un Cavalier : « Dans notre armée, nous commettons les péchés des hommes : nous aimons le vin et les femmes ; dans la vôtre, vous avez les péchés du diable : l'orgeuil spirituel et la rébellion ».
Avec 1300 engagés volontaires recrutés dans sa région, Cromwell forme lui-même un régiment de cavalerie remarquable par son fanatisme autant que par sa combativité et sa discipline, les Ironsides (« Côtes de Fer »). Il va assurer la victoire des Têtes rondes et de leurs alliés écossais à Marston Moor, près de York, au nord de l'Angleterre, le 2 juillet 1644. Il est vrai que le roi ne dispose à ce moment-là que de vingt mille hommes face aux trente mille hommes du camp parlementaire, dont une moitié d'Écossais.
Fort de ce succès qui révèle ses qualités de chef de guerre, Cromwell débarrasse l'armée de ses relents d'amateurisme et la place sous le commandement de Sir Thomas Fairfax (il prendra lui-même la lieutenance générale de l'armée à la démission de ce dernier, le 26 juin 1653).
Cette New Model Army, fondée le 9 janvier 1645, compte 14.000 fantassins, 6000 cavaliers et 1000 dragons. Ses officiers sont recrutés selon leur mérite et non leur naissance. C'est donc une véritable armée professionnelle formée de volontaires, dotés d'une paie et d'un équipement complet (l'uniforme fait son apparition en Angleterre). Elle remporte sur les Cavaliers une victoire décisive à Naseby, au sud de Leicester, le 14 juin 1645. L'année suivante, Fairfax marche sur Oxford et en chasse le roi.
Celui-ci ne désespère pas de diviser ses ennemis. Il écrit dans une lettre : « Je ne suis pas sans espoir de pouvoir attirer dans mon camp, soit les Presbytériens, soit les Indépendants, pour me débarrasser des uns ou des autres, afin d'être de nouveau réellement roi ». À la suite de quoi, il cherche refuge auprès des Écossais, ce qui met fin à la première guerre civile.
Tandis que le peuple aspire au retour à la paix et aux antiques institutions, le Parlement se trouve embarrassé avec une armée de trente mille hommes qui n'entend pas se laisser déposséder de sa victoire.
En mai 1647, les Écossais restituent Charles Ier au Parlement contre une jolie rançon de 800.000 livres. Des négociations s'amorcent entre les parlementaires et le roi, établi à Hampton Court, cependant que le mécontentement enfle dans les rangs de l'armée. Un mouvement républicain, les Levellers (« Niveleurs »), fait même son apparition sous l'égide d'un illuminé, le colonel John Lilburne.
Mais dans la nuit du 11 novembre 1647, Charles Ier rompt les négociations tant avec les parlementaires qu'avec Cromwell et s'échappe subrepticement. Il reconstitue une armée avant d'être définitivement battu par Cromwell à Preston, dans le nord de l'Angleterre, les 16-19 août 1648. Ainsi prend fin la deuxième guerre civile anglaise.
Tandis que le roi se réfugie au château de Carisbrooke, sur l'île de Wight, ses partisans reprennent avec les parlementaires les négociations en vue de son retour sur le trône. Cette perspective n'a pas l'heur de plaire à Cromwell, conscient de l'exaspération de l'armée.
Le 6 décembre 1648, le colonel Thomas Pride et ses troupes se postent devant le Parlement de Westminster et en interdisent l'entrée à 231 parlementaires royalistes ou presbytériens. Quarante de ceux-ci sont arrêtés. C'est l'unique coup d'État de l'Histoire anglaise. Sur un total de près de cinq cents députés, il en reste en définitive moins d'une centaine à oser encore siéger aux Communes.
Cromwell n'a pas trop de mal à obtenir de ce Rump Parliament (« Parlement croupion ») la condamnation à mort et la décapitation du souverain le 30 janvier 1649.
Le 19 mai 1649, le royaume devient un Commonwealth and Free State, autrement dit une république. La Chambre des Lords disparaît et le pouvoir exécutif est désormais exercé par un Conseil d'État de 41 membres dans lequel Cromwell a la prépondérance de fait.
Désormais maître de l'armée et du Parlement, le nouvel homme fort de l'Angleterre instaure la censure contre la presse dès le 20 septembre 1649.
Il se retourne par ailleurs contre les Irlandais révoltés, débarque sur l'île et assiège la ville de Drogheda, près de Dublin. Le 11 septembre 1649, la garnison catholique est proprement massacrée et de nombreux civils le sont également sur ordre de Cromwell, y compris des centaines de femmes et d'enfants qui avaient cherché refuge dans la cathédrale. Cromwell justifiera plus tard devant le Parlement le massacre de la garnison : « Je crois que c'est le jugement de Dieu concernant ces barbares qui ont tant versé de sang innocent et qu'il empêchera d'autres effusions de sang dans le futur... »
Là-dessus, le voilà obligé de se retourner contre les Écossais qui lui reprochent de ne pas tenir ses engagements concernant le Covenant et se rapprochent de l'héritier légitime des Stuart. Ils forment contre lui une armée sous les ordres de son ancien ami David Leslie.
Le 2 juillet 1650, Cromwell pénètre en Écosse à la tête de 16.000 hommes mais quand il arrive devant Edimbourg, son armée est déjà épuisée par les attaques des Covenanters. Renonçant au siège, il décide de rentrer en Angleterre au plus vite en longeant la côte. Poursuivi par David Leslie, il s'enferme avec ses hommes dans la ville de Dunbar en attendant l'attaque fatale.
Mais ô surprise, au lieu d'attaquer la ville comme il l'aurait souhaité, Leslie est contraint par les parlementaires écossais de déployer son armée dans la plaine en vue d'une bataille frontale. Cromwell se voit sauvé. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1650, il fait le tour de ses hommes en les encourageant : « Mettez votre foi en Dieu, garçons, et gardez votre poudre sèche ! ».
Sans attendre l'aube, il fait une sortie avec sa cavalerie et surprend les Écossais. Sa victoire est totale. Les Écossais laissent trois mille hommes sur le terrain. La plupart des autres sont capturés et mouront de mauvais traitements ou seront déportés vers l'Amérique.
Naissance d'un dictateur
Fort de sa victoire inattendue à Dunbar, plus importante bataille de la guerre civile, Cromwell n'en reste pas là. Par l'Act of Settlement d'août 1652, le Parlement de Westminster ordonne aux Irlandais de se retirer à l'ouest de la rivière Shannon. Il livre les terres ainsi libérées à des vétérans et des colons britanniques, parmi lesquels de nombreux presbytériens écossais.
Ayant maté ainsi les Irlandais par une violente répression et s'étant sorti du piège écossais, Cromwell s'en prend à nouveau aux Écossais qui se sont permis, à Scone, le 1er janvier 1651, de proclamer le fils de Charles Ier roi d'Écosse sous le nom de Charles II. Il les défait à Worcester le 3 septembre 1651.
Par ailleurs visionnaire, il prête une grande attention au renforcement de la flotte et demande au Parlement de promulguer le 9 octobre 1651 l'Acte de navigation qui réserve aux navires anglais l'accès aux ports britanniques. Cette mesure solde l'échec d'un rapprochement avec les Provinces-Unies, entamé par le conseiller d'État Oliver Saint-John.
Dépité, celui-ci suggère à Cromwell de faire pression sur les Hollandais en restreignant leur liberté de commerce. Il va s'ensuivre deux courtes guerres anglo-hollandaises, les armateurs et marchands d'Amsterdam étant les grandes victimes de ce protectionnisme avisé.
Pour Cromwell, si grande que soit son autorité, il n'est pas question de légitimer son régime par des élections. Elles lui seraient fatales tant est grande dans les campagnes et les bourgs l'opposition aux Têtes Rondes.
Qui plus est, le Parlement insupporte l'armée. Qu'à cela ne tienne, Cromwell s'y présente et se saisit de la masse du Speaker, emblème de l'autorité parlementaire. Le Parlement étant de fait dissous, il en reconstitue un nouveau dont les membres sont désignés par l'armée parmi les postulants proposés par les différentes Églises !
Ce « Parlement des saints » ou « Parlement Barebones », du nom du premier titulaire dans l'ordre alphabétique, un marchand de cuir de Fleet Street, n'a rien à refuser à Cromwell. Le 16 décembre 1653, il lui octroie le titre de « lord protecteur des Trois Royaumes » (Angleterre, Écosse, Irlande), faisant de lui très officiellement un dictateur républicain.
L'année suivante, Cromwell promulgue une Constitution, l'Instrument of Government, en remplacement des traditions et de la coutume (common law) qui fondaient les institutions anglaises. Il est plus que jamais convaincu d'être désigné par Dieu pour installer la « loi de Moïse » et conduire son peuple au salut.
Avec le concours de l'armée, il impose le respect absolu du repos dominical, interdit les fêtes, prétexte à de « coupables réjouissances charnelles », impose un jeûne total le dernier mercredi de chaque mois, proscrit le duel, le blasphème mais aussi le théâtre et les courses de chevaux. L'adultère est puni de mort, les maisons closes sont supprimées ainsi que les tavernes.
Pour imposer son autorité, il divise la Grande-Bretagne en une quarantaine de régions militaires, sous l'autorité d'un major-général.
Faut-il s'en étonner ? Cette dictature morale ne tarde pas à exaspérer la grande masse des citoyens, des plus modestes aux plus aisés, nostalgiques de l'Angleterre joviale. Les commerçants de la Cité de Londres s'opposent ouvertement à Cromwell et refusent le paiement de l'impôt. La révolte gronde...
À sa mort, le 3 septembre 1658, un immense soulagement traverse le pays même si la dictature se prolonge officiellement en la personne de son fils Richard. Mais le nouveau Lord-protecteur manque de charisme et se fait conseiller par le général Georges Monck, ancien bras droit de son père, avant de se démettre le 25 mai 1659.
Le général rappelle alors le Long Parliament et se rapproche peu à peu du clan royaliste. Enfin, il va chercher à Douvres l'héritier de la dynastie Stuart, le fils de Charles Ier, et le ramène à Londres. Charles II restaure la monarchie sous les acclamations le 29 mai 1660.
C'en est fini de l'unique expérience républicaine de l'Histoire anglaise. Elle aura duré un peu plus de dix ans et laissé en héritage à l'Angleterre quelques relents de puritanisme et aussi un poète, John Milton (1608-1674). Il se mit au service de Cromwell et, après la Restauration, ayant perdu la vue, dicta un grand poème épique : Le Paradis perdu.
Moins de trente ans plus tard, tirant les leçons de leur douloureuse expérience, les Anglais chasseront pour de bon le dernier Stuart, Jacques II, frère du précédent, et mettront en place, sans effusion de sang, une authentique monarchie parlementaire.
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