François de Chateaubriand (1768 - 1848)
« Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime. »
Après Waterloo et la chute de Napoléon 1er, l'héritier des Bourbons, le roi Louis XVIII, revient à petite vitesse de son exil temporaire à Gand. Le 6 juillet 1815, à Saint-Denis, il se résigne à recevoir Talleyrand, ex-évêque d'Autun, corrompu et jouisseur, - bien que boîteux -, qui s'est rendu indispensable à tous les régimes par ses talents de diplomate et a su défendre la France au Congrès de Vienne. Le roi reçoit par la même occasion Joseph Fouché, ex-oratorien, qui a voté la mort de son frère Louis XVI. Ministre de la police dès le Consulat, il a tissé un réseau d'agents dans tout le pays et dans tous les camps, ce qui le rend, lui aussi, indispensable à tout gouvernement désireux de tranquillité publique. Le vicomte François de Chateaubriand, illustre écrivain, attend dans l'antichambre d'être reçu par le roi quand il a l'amère surprise de voir ces deux figures de la Révolution le précéder dans le cabinet de Louis XVIII. Voilà comment il décrit la scène dans ses Mémoires d'Outre-Tombe : «Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime. M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du Roi et disparaît». Lui-même souffre de n'être pas reconnu à sa vraie valeur... Le poète a introduit le romantisme en France avant de participer au renouveau religieux en publiant à la veille du Concordat le Génie du christianisme. Plus tard, il s'est rallié sans surprise à la Restauration monarchique (le «retour des lys»). Devenu ministre des Affaires étrangères de Louis XVIII puis ambassadeur, il entraîne la France dans une aventure guerrière malheureuse et contribue par ses diatribes à l'échec de la monarchie constitutionnelle. Preuve qu'un serviteur zélé peut davantage nuire que de fieffés coquins dès lors que ceux-ci, tels Talleyrand et Fouché, sont guidés par leur intérêt.