Blaise Pascal (1623 - 1662)

Cet « effrayant génie »

Jean Domat, Portrait de Blaise Pascal, de trois quarts à droite, 1662, Paris, BnF.« Cette pauvre âme déchirée, disait Émile Zola, je ne connais pas de figure humaine plus haute et plus douloureuse ». Et pourtant, Pascal est encore aujourd'hui un auteur que l'on aborde à reculons ! Lorsque ce n'est pas le rédacteur des Pensées qui nous apparaît comme un grand tourmenté, préoccupé au premier degré par les questions religieuses, c'est l'amateur de calculs en tous genres qui nous semble un puits de science totalement inacessible.

Oublions tous ces préjugés et découvrons un homme d'une grande richesse intellectuelle certes, mais surtout rendu attachant par son humanité même et sa soif d'explications face aux différents mystères de la vie. Ne soyons pas surpris que le Saint-Siège songe à le béatifier, quatre siècles après sa naissance.

Isabelle Grégor

Dis, papa, pourquoi...

Voici un enfant qui n'est pas facile ! Comment faire pour répondre aux « pourquoi ? » et aux « comment ? » que le petit Blaise accumule toute la journée ?

Marin Mersenne (1588-1648), gravure de Balthasar Moncornet, 1654. Agrandissement : Pascal étudiant la géométrie, gravure de Valentin Foulquier pour l'ouvrage Enfances célèbres de Louise Colet, 1862.Né le 19 juin 1623, le garçon ne cesse d'étonner son père Étienne Pascal qui, pourtant, n'a aucun mal à lui répondre. Et pour cause ! Langues antiques, Histoire, droit, philosophie, sciences... la soif de culture de ce magistrat de Clermont (aujourd'hui Clermont-Ferrand), en Auvergne, semble sans limite !

Bien sûr, il veut le meilleur pour ses trois enfants qui ont très tôt perdu leur mère et qu'il a bien l'intention d'instruire lui-même, fait rare à l'époque.

Lorsque la peste s'annonce en Auvergne, en 1631, il choisit donc de les emmener à Paris pour leur faire côtoyer les plus grands esprits, notamment ces scientifiques qui se rassemblent autour de Marin Mersenne, un religieux célèbre en son temps pour avoir publié Harmonie universelle.

Tous sont en admiration devant le jeune Blaise qui, après avoir écrit à onze ans un Traité des sons, redécouvre seul la 32e proposition d'Euclide : la somme des angles intérieurs d'un triangle est égale à deux angles droits. Simple, non ? Pas aux yeux de son père qui laisse couler quelques larmes de joie. Il n'a pas fini de pleurer...

Une progéniture bien utile

Étienne Pascal a bien besoin du réconfort de son fils depuis que, en 1638, il doit fuir Paris pour avoir un peu trop rudement bousculé un chancelier qui lui devait de l'argent. Mais la délivrance viendra d'un autre de ses enfants, la toute jeune Jacqueline dont le Tout-Paris adore les vers et l'aisance sur scène. Quelle beauté, quel talent !

Pascal travaillant la géométrie, Bibliothèque du Patrimoine de Clermont Auvergne Métropole. Agrandissement : [Blaise Pascal], Lettres de A. Dettonville contenant quelques-unes de ses inventions de geometrie?, 1659, Paris, BnF.C'est donc tout naturellement que Richelieu, voyant un peu triste la demoiselle, lui accorde la grâce de son père ! Celui-ci est envoyé séance tenante à Rouen pour contrôler le bon prélèvement des impôts en qualité de surintendant de Haute-Normandie. La tâche est ingrate, obligeant Étienne à passer ses nuits dans les colonnes de chiffres.

C'est alors qu'intervient Blaise. Esprit pratique, éloigné en cela de son aîné Descartes, il est bien décidé à lui faciliter la vie : délaissant ses études sur les coniques, qui lui vaudront l'honneur d'avoir un théorème baptisé de son nom, il crée une cinquantaine de versions d'un boîtier contenant engrenages et pignons en laiton.

C'est ainsi que naît la première machine « pour supputer sans peine et sans rien savoir », c'est-à-dire pour calculer. Elle sera baptisée du doux nom de « pascaline » mais ne connaîtra pas le succès escompté : trop chère !

Machine arithmétique de Monsieur Pascal, Bibliothèque du Patrimoine de Clermont Auvergne Métropole. Agrandissement : Pascaline, 1652, Paris, Conservatoire des Arts et Métiers.

Vers le Ciel, vers la Terre

En 1646, le verglas vient bouleverser ce qui apparaissait bien pour Blaise comme un destin tout tracé de grand scientifique. Un matin de janvier, son maladroit de père glisse et se blesse à la jambe. Il doit se résoudre à de demander à deux frères médecins de s'installer chez lui.

Jacqueline Pascal, s?ur de Blaise, religieuse à Port-Royal, portrait ancien au Musée de Port-Royal.Les Deschamps emménagent donc pour soigner non seulement le convalescent, mais également les âmes de toute la famille. Ils sont en effet jansénistes (dico), convaincus que ce ne sont pas nos actes qui peuvent nous sauver, mais Dieu seul.

Soucieux de la question du Salut, Pascal se montre d'autant plus intéressé par cette doctrine austère et pessimiste qu'après son père, c'est sa sœur Jacqueline qui s'est convertie. La petite poétesse qui rayonnait dans les Salons va même prendre le voile en 1652, au grand désespoir de son frère qui reste « dans un grand abandonnement du côté de Dieu ».

Lorenzo Lippi, Portrait d'Evangelista Torricelli, vers 1647, Londres, Collection privée.Il n'a pas pour autant délaissé les sciences, et notamment sa nouvelle passion pour le vide. La nature en a horreur, dit-on ? Il va prouver le contraire ! Rien de tel en effet qu'une expérience pour montrer que l'Italien Torricelli avait raison, que la pression de l'air varie suivant la hauteur.

En 1648, il envoie donc son beau-frère au sommet du Puy-de-Dôme avec un tube de mercure dont le niveau est en effet moins élevé une fois parvenu en altitude. Quelques semaines plus tard, Pascal lui-même renouvelle l'expérience du haut de la Tour Saint-Jacques à Paris.

L'impact ultérieur de cette expérience sera tel que Pascal deviendra comme son cadet Isaac Newton une unité de mesure. Un Pascal représente un Newton par mètre carré : 1Pa =1 N.m(-2).

Coups de foudre

Le grand Descartes lui-même ne s'y trompe pas et court au chevet de ce prodige qui, une fois de plus, est souffrant. Mais Pascal finit par retrouver la santé pour mieux se laisser tenter non seulement par le plaisir de quelque débat savant, mais aussi par ceux, plus légers, offerts par les cercles précieux et libertins.

L'heure est à la légèreté, et un mariage est même envisagé. C'est lors d'une de ces réunions d'intellectuels mondains qu'il croise le chevalier de Méré, esprit libre et mathématicien amateur. Pour plaire à ce joueur impénitent, Pascal se penche en 1654 sur le « problème des partis », c'est-à-dire du partage des mises, réflexion qui donnera naissance au calcul des probabilités.

Les joueurs de trictrac, Le Nain, vers 1640.

La même année, un autre de ses amis, le duc de Roannez fait appel à lui pour investir dans une entreprise d'assèchement des marais du Poitou, une belle occasion de mettre en pratique ses récents travaux sur l'hydraulique.

Blaise Pascal, Mémorial, 1654, copie figurée vers 1700, Paris, BnF.Mais dans la nuit du 23 novembre 1654, rien de tout cela n'a plus d'importance aux yeux de Pascal. Pendant deux heures, il vit un véritable éblouissement mystique qu'il retranscrira en quelques notes bien mystérieuses, sur deux feuillets d'un « mémorial » qu'il conservera cousu dans la doublure de son pourpoint, jusqu'à sa mort : « Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. [...] Joie, joie, joie, pleurs de joie. »

C'est une révélation sensible de l'existence de Dieu, « du Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants » que lui apporte cette « nuit de feu » comme il la baptisera lui-même. Pascal s'engage à se soumettre totalement à la foi et à professer l’« oubli du monde et de tout hormis Dieu ». La science, désormais, est secondaire.

Blaise Pascal, Machine pour remonter les bateaux, Bibliothèque du Patrimoine de Clermont Auvergne Métropole.

Debout à côté d'un abîme ?

Une telle personnalité ne pouvant que se faire des ennemis, Pascal a été l'objet de multiples rumeurs et médisances, à commencer par celles des jésuites et rationalistes trop heureux de prouver à l'aide de maintes anecdotes que son changement de parcours est facile à expliquer : n'aurait-il pas été victime d'un accident sur le pont de Neuilly qui lui fit voir la mort, quelques jours avant « la nuit de feu » ? « […] le carrosse demeura sur le bord du précipice, ce qui fit prendre la résolution à M. Pascal de rompre ses promenades et de vivre dans une entière solitude ». Belle histoire... mais dont on cherche toujours un témoin digne de foi !
Le sournois Voltaire pourtant s'en délecte, comme il adore rappeler que « Ce grand esprit croyait toujours voir un abîme à son côté gauche et y faisait mettre une chaise pour se rassurer » (abbé Boileau). Alors, notre homme était-il victime de ces « terreurs involontaires » qu'évoque Condorcet ? Aujourd'hui remise en cause, l'hypothèse de la fragilité mentale a longtemps nourri la légende de Pascal, comme le prouve en 1857 cette allusion tirée des Fleurs du mal de Charles Baudelaire : « Pascal avait son gouffre, avec lui se mouvant / – Hélas ! tout est abîme ».

Lettres à un ami de province

Pascal a besoin de réfléchir. Il part chercher une réponse au couvent de Port-Royal des Champs (Yvelines), le fief des jansénistes où s'est retirée sa sœur Jacqueline. Mais l'époque est rude pour les adeptes de Jansénius qui doivent se défendre contre les attaques des jésuites, opposés à leur vision de la grâce divine.

Anonyme, d'après François Quesnel, Blaise Pascal XVIIe siècle (Inv. 999.3.1), Collection MARQ Clermont-Ferrand. Agrandissement : Lettre escritte à un provincial par un de ses amis. Sur le sujet des disputes presentes de la Sorbonne. De Paris ce 23. Janvier 1656.En 1656, Pascal décide de s'en mêler en publiant anonymement 18 lettres fictives, Les Provinciales, afin de défendre Antoine Arnault, un des chefs de file du mouvement. Quel scandale ! Le ton à la fois naturel et très corrosif, allié à une argumentation sans faille, fait mouche au point qu'à Rome le pape les condamne en 1657. Pascal, quant à lui, est obligé de se faire discret et de loger pendant quelque temps dans diverses auberges, non sans continuer à publier lettre sur lettre.

Il en est sûr à présent, la doctrine de Port-Royal est celle qu'il faut suivre ! N'en a-t-il pas eu la preuve avec, en 1656, la guérison toute miraculeuse de sa propre nièce, atteinte d'un ulcère lacrymal ?

Il a suffi d'approcher de ses yeux la relique d'une épine de la Sainte Couronne pour que la jeune pensionnaire de Port-Royal soit guérie. « Ce fut l'occasion, écrivit sa sœur Gilberte, qui fit naître cet extrême désir qu[e Pascal] avait de travailler à réfuter les principaux et les plus forts raisonnements des athées ». Il n'a plus qu'à noter quelques réflexions comme elles viennent.

Travailler, vite

« Dix ans de santé » : c'est tout ce que réclamait Pascal pour venir à bout de l'Apologie de la religion chrétienne qu'il voulait rédiger. Pour cela, à partir de 1658, il dicte ou jette sur le papier des pages entières, des phrases sans liens, voire juste quelques mots difficilement déchiffrables.

Anonyme, Portrait de Blaise Pascal, XVIIe siècle, châteaux de Versailles et de Trianon. Agrandissement : J. Bein, Blaise Pascal à son bureau, gravure de 1864.Son but est clair : il veut montrer « la misère de l'homme sans Dieu » notamment en s'adressant aux libertins, ses anciens amis, pour les mettre en garde. Rassembler ce qui deviendra ses Pensées lui prend du temps et de l'énergie mais il n'en oublie pas pour autant de rester à l'écoute du monde qui l'entoure.

Il se replonge donc dans les sciences en travaillant à partir de 1658 sur la courbe dite cycloïde auquel il consacre une Histoire de la roulette (1659). Deux ans plus tard, il entreprend de parfaire l’éducation du jeune fils du duc de Luynes dans trois Discours sur la condition des grands (1671).

Il s'agit de lui rappeler clairement qu'on doit rester humble et ne tirer de gloire que de sa moralité : « Il n’est pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je vous estime ; mais il est nécessaire que je vous salue ».

Maquette en bois à l'échelle 1/10e du carrosse à cins sols, réalisée par M.  René Geoffre (visible dans l'espace Blaise Pascal du Musée Lecoq). Agrandissement :  Établissement des carrosses publics dans la ville et faubourgs de Paris, par lettres patentes du roi, 1662, Paris, BnF.

Un homme de bien

Pour Pascal, la charité doit être le maître-mot, et il donne l'exemple en se lançant en 1662 dans une entreprise de carrosses bon marché.

Anonyme, Portrait de Gilberte Pascal, XVIIe siècle, Clermont-Ferrand, musée d?art Roger Quilliot. Agrandissement : Masque mortuaire de Blaise Pascal, 1662, Paris, Bibliothèque de la Société de Port-Royal.Choix des itinéraires et des chevaux, mise au point des contrats et des publicités, il ne laisse rien au hasard et crée ainsi le premier réseau de transport public du pays, sinon du monde, dont les gains sont destinés aux pauvres. C'est l'ancêtre de nos bus et tramways. Le succès est au rendez-vous jusqu'à ce que le Parlement en réduise l'accès aux seuls « gens de mérite ». L'expérience des « carrosses à cinq sols » perdurera quinze ans et il faudra attendre un siècle et demi avant qu'elle soit reprise à Nantes par Stanislas Baudry

L'enthousiasme qu'il a mis à lancer ce projet ne peut cacher les souffrances physiques qu'il endure jour après jour depuis sa jeunesse. Faiblesses, vertiges, « espèce de paralysie » n'ont guère laissé de répit à cet homme qu'on disait pourtant toujours d'une grande gaieté.

Finalement en août 1662, torturé par de violents maux de tête et des coliques, épuisé par un ascétisme extrême, ce solitaire finit par aller s'installer chez sa sœur Gilberte, laissant, dit-on, son logis à une famille nécessiteuse. C'est là qu'il meurt le 19 août 1662 après 24 heures d'agonie, certainement d'une lésion vasculaire cérébrale. Il a 39 ans.

Fragments du manuscrit des Pensées de Blaise Pascal : L'imagination. Agrandissement : Avec le divertissement, il n'y a point de tristesse.

Une œuvre en miettes

Quelle déception ! Lorsque les héritiers de Pascal se plongent, à sa mort, dans les écrits que le grand homme laisse derrière lui, ils sont amers : « ils parurent si informes, si peu suivis, et la plupart si peu expliqués, qu'on fut fort longtemps sans penser du tout à les faire imprimer » (Étienne Périer, préface de l'édition de Port-royal).

Louis Devedeux, Portrait de Blaise Pascal, vers 1840, Collection MARQ Clermont-Ferrand. Agrandissement : Auguste Barthélémy Glaize, Blaise Pascal, 1859, Collection MARQ Clermont-Ferrand.Cinq ans de travail pour ne produire que des fragments ! On est loin de l'Apologie de la religion chrétienne promise par Pascal... En 1710, son neveu décide quand même de livrer au public ces « échantillons de pensée » en les collant sur de grandes feuilles, quitte à en modifier l'ordre pour les faire loger !

Heureusement, la famille avait eu la bonne idée de les copier « dans la confusion qu'on les avait trouvés ». Si la première partie des Pensées reprend le classement originel en liasses, avec ou sans titre, la seconde se contente de « Papiers non classés ».

Au lecteur donc de se faire un chemin parmi ces 800 fragments qui reflètent les méandres de la pensée d'un homme en perpétuelle interrogation.

L'Homme, cet « imbécile ver de terre »

« Quelle chimère est ce donc que l'homme, quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige, juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur, gloire et rebut de l'univers ! » Le ton est donné : Pascal, dans ces bouts de feuilles destinés à devenir les Pensées (1670), n'a pas l'intention de faire œuvre de complaisance envers l'Homme qui choisit de se fier à la raison, de se livrer aux plaisirs immédiats et ainsi de se priver de Dieu.

Augustin Pajou, Blaise Pascal, mathématicien et philosophe, 1781, Paris,musée du Louvre. Agrandissement : Jules Cavelier, Statue de Blaise Pascal au pied de la Tout Saint-Jacques à Paris, 1857.Notre orgueil, notre imagination, notre soif de divertissement ne sont que des chimères qui nous empêchent de penser à la mort et de voir la vérité. Misérable par son ignorance et son « cœur creux et plein d’ordures », l'Homme est aussi grand et digne par sa conscience, par sa capacité à penser et sa certitude de mourir. « Ni ange ni bête » donc, il doit faire le pari de la foi s’il ne veut pas se perdre.

Et pour l’y aider, Pascal a plus d’un atout : avec ses maximes lapidaires, ses démonstrations implacables qui en font un sommet de l'argumentation, il excelle dans l'art de déstabiliser son lecteur pour lui prouver à quel point il se connaît mal.

Les exemples suivants (les chiffres renvoient au numéro des pensées) nous montrent aussi à quel point la réflexion de Pascal est toujours d'actualité :

« Vanité :

28 : On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui des voyageurs qui est de la meilleure maison.

37 : Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses, dont on n'admire point les originaux.

41 : Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.

47 : « Pourquoi me tuez vous ? » « Et quoi, ne demeurez vous pas de l’autre côté de l’eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin et cela serait injuste de vous tuer de la sorte. Mais puisque vous demeurez de l’autre côté, je suis un brave et cela est juste ».

• Ennui et qualités essentielles à l'Homme :

72 : Curiosité n’est que vanité le plus souvent, on ne veut savoir que pour en parler, autrement on ne voyagerait pas sur la mer pour ne jamais en rien dire et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d’en jamais communiquer.

• Grandeur :

105 : La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. C'est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable.

Penser fait la grandeur de l'homme.

• Contrariétés :

121 : [à propos d'un libertin] S'il se vante, je l'abaisse ; s'il s'abaisse, je le vante, et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne, qu'il est un monstre incompréhensible.

• Divertissement :

126 : J'ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre.

• Transition de la connaissance de l'Homme à Dieu :

186 : L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien.

187 : Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.

• Papiers non classés :

391 : Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n'être pas fou.

392 : Qui voudra connaître à plein la vanité de l’homme n’a qu’à considérer les causes et les effets de l’amour. La cause en est un je ne sais quoi. Et les effets en sont effroyables. […] Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. »

« Cet effrayant génie »

Comme ses amis romantiques, Chateaubriand se reconnaissait en Pascal, cet être souffrant et mélancolique qui tira son génie de son mal de vivre. Il lui rend hommage ici en résumant son parcours :
« Il y avait un homme qui à douze ans avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui à seize avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’Antiquité ; qui à dix-neuf réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui à vingt-trois ans démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie comme du raisonnement le plus fort ; enfin, qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut par abstraction un des plus hauts problèmes de géométrie et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal » (Génie du christianisme, 1802).

Bibliographie

« Blaise Pascal, Le Coeur et la raison », Le Figaro (hors-série), 2023,
Antoine Compagnon, Un été avec Pascal, Des Equateurs Eds, 2020.

Publié ou mis à jour le : 2023-06-19 10:00:23

Voir les 5 commentaires sur cet article

Vincent (06-08-2023 12:05:44)

Bel article. On sent une affection pour l'homme et le penseur, que je partage. J'ai juste envie d'ajouter deux détails: 1. L'anecdote de la planche suspendue sur laquelle un philosophe ne pourrait ... Lire la suite

Bourdin (11-09-2015 11:26:38)

Correction a mon commentaire précédent.
Ce n'est pas deux siècles plus tard mais 80 ans plus tard. ....

Bourdin (11-09-2015 11:19:29)

En réponse à Michel Peneau. Il s'agissait bien d'un "thermomètre de Torricelli" à alcool. Le baromètre sera inventé plus tard lorsque justement la preuve de la pression aura été faite. Par ail... Lire la suite

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