Jean-Yves Le Naour (Perrin, 376 pages, 23 euros, 2015)
Jean-Yves Le Naour, historien de la Grande Guerre, a déjà publié plusieurs dizaines d'ouvrages sur ce tournant de notre Histoire.
À l'occasion du Centenaire 14-18, il s'est engagé dans une somme remarquable, à raison d'un livre par année de guerre (éditions Perrin). 1914, 1915, 1916 et 1917 sont déjà en librairie. 1918 est en cours de rédaction et sans doute écrira-t-il aussi 1919, tant il est vrai que l'on ne peut comprendre la Première Guerre mondiale sans analyser cet immédiat après-guerre.
L'auteur ne s'attarde pas sur la description des combats et les souffrances des poilus car on a déjà beaucoup écrit sur le sujet. Mais il prend le parti de raconter la guerre à travers le prisme des états-majors, des gouvernants et de l'opinion publique.
De manière claire, sobre et efficace, il nous raconte de quelle façon stupéfiante furent conduites les opérations militaires. On assiste comme si l'on y était aux esclandres entre officiers d'état-major, députés et ministres dans leurs palais et châteaux. C'est Dallas à tous les étages !
Nous découvrons ce qu'ont coûté de sang inutilement versé l'entêtement et l'ambition des chefs d'état-major, qu'il s'agisse de Joffre, côté français, ou de Falkenhayn (côté allemand)...
Nous découvrons aussi comment est né le mythe de « Pétain, vainqueur de Verdun » : début 1916, le gouvernement et les députés n'en pouvaient plus de Joffre, un médiocre nommé à la tête de l'armée en raison de son républicanisme de bon aloi. Mais il s'était habilement approprié le mérite de la contre-offensive de la Marne, en septembre 1914, et l'opinion publique voyait en lui le chef incontournable qui mènerait à la victoire.
Quand les Allemands lancent leur attaque sur Verdun, le général Castelnau se rend sur place de sa propre initiative et organise la résistance avant de faire appel au général Pétain. On va quérir celui-ci en pleine nuit dans un hôtel parisien où il était en galante compagnie. Après s'être relevé d'une mauvaise pneumonie, il prend le relais de Castelnau.
C'est alors, à la mi-mars, que la classe politique songe à lui pour remplacer Joffre. Elle encourage les journalistes à vanter ses mérites. Mais Joffre voit le coup venir et promeut Pétain dès le 30 avril à la tête des armées du Centre. À Verdun, il est remplacé par le général Nivelle.
En décembre 1916, pour l'opinion publique, le vainqueur de Verdun est donc Nivelle et c'est lui qui remplace enfin Joffre à la tête de l'armée. Mais Nivelle va se déconsidérer l'année suivante dans le sanglant échec du Chemin des Dames. Du coup, on va se souvenir opportunément des mérites de Pétain et l'appeler à la place de Nivelle...
Jean-Yves Le Naour n'est pas avare non plus de récits autour de la paranoïa qui s'empare des esprits à la veille de la guerre, tant chez les citoyens ordinaires que chez les gouvernants. Les premiers pourchassent dans la rue de pauvres diables dont le seul tort est d'avoir un accent pas clair (ce phénomène avait déjà été observé pendant la guerre franco-prussienne de 1870). Les seconds, à Paris comme à Berlin, Vienne ou encore Saint-Pétersbourg, se tiennent prêts à dégainer au moindre geste suspect de leurs vis-à-vis. Et de cette peur non maîtrisée va surgir le premier conflit mondial. Dix millions de morts et la ruine du plus riche continent qui soit.
Voir : L'enfer de Verdun
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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georges-henri (28-12-2021 13:06:10)
@Louis 1944 : en effet! vous ne manquez pas d'humour!
louis1944 (06-06-2021 19:43:19)
Je conteste bien évidemment ce tissu d'inexactitudes. Sinon, pourquoi l'éloge inconditionnel de ses pairs et du Général de Gaulle. Le Maréchal Joffre était un très bon chef de guerre et d'état... Lire la suite
ollivier (24-02-2016 23:55:44)
Monsieur l'Anonyme du (23-02-201609:53:54) permetez moi de repondre a votre intervention votre père a été plusieurs fois blessé et cela est bien dommage ,mais ce fut la cause de la médiocrité ... Lire la suite