Dictionnaire amoureux des monarchies

Rois et reines sous un jour inédit

Dictionnaire amoureux des monarchies (Jean des Cars, Perrin, 2020)Jean des Cars n’a eu aucune peine à recycler ses innombrables livres sur les têtes couronnées de la planète pour composer son Dictionnaire amoureux des monarchies (Plon, Perrin, 25€, 446 pages).

La formule très subjective de cette collection lui permet de nous offrir un kaléidoscope des plus variés avec d'heureuses surprises : événements historiques, lieux emblématiques, portraits, rencontres personnelles occasionnées par ses activités journalistiques.

L’ensemble, dans lequel le lecteur peut picorer à sa guise, se lit agréablement même si l’auteur n’a pas consenti à de gros efforts sur le plan stylistique.

Jean-Pierre Bédéï

Des monarques... « dreyfusards » !

L’intérêt de cet ouvrage réside surtout dans l’évocation de figures méconnues ou oubliées des monarchies sans se limiter à une étude franco-française, et d’événements passés relativement inaperçus. Ainsi Jean des Cars rappelle opportunément que dans l’embrasement de l’affaire Dreyfus, deux souverains étrangers ont soutenu très tôt le capitaine injustement condamné : Albert Ier de Monaco et la reine Victoria.

Le premier a enquêté personnellement sur les accusations d’espionnage et a été reçu en audience par Félix Faure auprès duquel il a plaidé l’innocence de Dreyfus. La seconde n’a pas hésité à écrire à son premier ministre Gladstone que toute l’Europe devrait exprimer son « horreur et son indignation » devant l’injustice de cette affaire.

Winston Chruchill au Luxembourg en 1946. Le Grand-Duc Jean se trouve à droite sur la photo. L'agrandissement montre S.A.R. le Grand-Duc Jean sur la tribune officielle lors de la Cérémonie internationale sur la plage d'Ouistreham le 6 juin 2014, Le Quotidien, DR.Autre rappel opportun : la présence de Jean de Luxembourg, lors des cérémonies du 70e anniversaire du débarquement allié en Normandie en 2014. Parmi les chefs d’État et de gouvernement, il arborait son uniforme et ses décorations.  Et pour cause ! Il était le seul prince héritier d’une dynastie régnante en Europe à avoir participé aux opérations du « D-Day » le 6 juin 1944 ; il était alors âgé de 24 ans.

Mais lors des cérémonies de commémoration, aucun hommage particulier ne lui a été rendu… il était même placé dans un rang un peu éloigné des chefs d’État en exercice. Déplorable « oubli » !

Jean des Cars réhabilite aussi quelques rois français à l’image du « bon roi Dagobert » qui n’était pas un benêt comme le dit la chanson mais « le plus prestigieux des rois mérovingiens. »

Château de Púbol à Figueres en Catalogne. L'agrandissement montre une photographie de Dalí et Gala dans le château en 1974, Fondation Gala - Salavador Dali, DR.

Dali fait marquis

Dans l’ordre alphabétique de ce dictionnaire, Dagobert voisine avec Salvador Dali qui se définissait dans son style inimitable, comme « monarchiste et anarchiste, monarchiste pour que notre anarchie, celle du bas, soit protégée par celle du haut ». Juan Carlos créa pour lui le titre de marquis de Dali de Pùbol en référence au château Pubol, près de Gérone où il résidait. La noblesse de l’art, sans doute…

Alors que Louis XIV est inévitablement associé à Versailles, l’auteur rappelle à juste titre ce que Paris doit au Roi-Soleil : « Dès sa prise réelle du pouvoir, le roi avait eu le souci permanent de l’assainir, de l’éclairer, de l’embellir et de la doter de monuments somptueux. ». Il entreprend des travaux sur l’ensemble Louvre-Tuileries, la création de la manufacture royale des Gobelins, de l’artère qui deviendra les « Grands boulevards », le commencement de l’édification de l’hôpital des Invalides, le tracé de nouvelles places. Sans oublier une amélioration de l’hygiène et de l’alimentation de la capitale en eau potable. « On peut donc constater à quel point le Paris d’aujourd’hui doit encore beaucoup à Louis XIV », conclut des Cars.

Deux souveraines affranchies

Deux portraits atypiques retiennent notamment l’attention. D’abord celui de Christine de Suède. Cette adolescente précoce, surdouée, ambitieuse, virile, qui, à 15 ans, sait parler plusieurs langues dont l’hébreu, pratique l’escrime, l’équitation.

Portrait de Christine de Suède en Minerve, 1654, Justus Van Egmont, coll. nationale, musée de Stockkolm. L'agrandissement est un portrait de la reine en 1656, David Beck, Stockkolm, Nationalmuseum. Héritière de la prestigieuse maison de Vasa, elle entre au Conseil du Royaume à 17 ans et se fait proclamer… « roi de Suède ». Sa voix masculine, sa mise négligée, ses cheveux coupés en brosse choquent l’aristocratie suédoise. Elle contredit ses ministres, a des sautes d’humeur, dépense beaucoup. Elle s’impose néanmoins en signant les traités de Westphalie (1648) consacrant la fin de la guerre de Trente ans. Fantasque, elle se convertit au catholicisme dans une Scandinavie protestante, abdique et demande asile… au pape à Rome.

Son comportement indécent dans les lieux qu’elle visite en font une hôtesse embarrassante qui quitte la capitale italienne au soulagement général pour fuir une épidémie de peste. De retour à Stockholm, elle tente en vain de reprendre le pouvoir avant d’être candidate au trône de Pologne sans plus de succès.

Cette « reine errante » regagne Rome où elle vivra trente ans sans se départir de son langage vert et de ses excès, finançant des activités culturelles grâce à des fonds aux origines énigmatiques. Malade, elle meurt le 13 février 1689 au terme d’une vie baroque, dont le seul plaisir fut la compagnie des artistes et des savants.

Le Saint-Siège, désormais habitué à son comportement foutraque, lui organise des funérailles grandioses au Vatican et lui accorde un honneur exceptionnel puisqu’elle repose dans la crypte de Saint-Pierre de Rome, près des tombeaux des papes. Seules deux autres femmes auront droit à un tel privilège, Marie-Clémentine Sobieska, épouse de Jacques III Stuart, et la comtesse Mathilde de Toscane.

Portrait de Charlotte Élisabeth de Bavière, princesse Palatine, XVIIe siècle, Constantijn Netscher, Château de Blois. Portrait de la princesse Palatine, XVIIe siècle, Constantijn Netscher, Château de Blois. L'agrandissement montre le tableau de Hyacinthe Rigaud, 1713, château de Versailles.Autre portait singulier dressé par Jean des Cars : la Palatine, née Charlotte Élisabeth de Bavière en 1652, princesse et fille de l’Électeur palatin du Rhin. Elle aussi usait d’un langage cru et détonnait à la cour de Louis XIV. Mais elle faisait preuve de plus d’éducation et de respect que Christine de Suède.

Belle-sœur du Roi-Soleil qu’elle admirait profondément au point de l’appeler « mon grand Roi », elle était la première à railler son propre physique disgracieux, mais son langage rude et son esprit en ont fait un des personnages de la famille royale des plus truculents.

Sa correspondance n’en constitue pas moins un témoignage précieux de la fin du long règne de Louis XIV. « Elle n’est pas méchante, mais sait voir et entendre (…) Elle est attentive, amusée, jamais indulgente, souvent acide, mais son jugement est sain », souligne Jean des Cars.

Comme quoi les monarchies, régimes extrêmement codifiés et à étiquette peuvent avoir leurs trublions.

Publié ou mis à jour le : 2020-03-06 12:30:09

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