Chambord

Célébration d’un joyau de la Renaissance

Le château de Chambord célèbre ses 500 ans à travers des expositions, des animations, des spectacles. C’est en septembre 1519 que François Ier a décidé de lancer le chantier de cet édifice hors normes, qui se voulait le symbole éclatant de son pouvoir royal mais n’a jamais été un lieu de gouvernement.

Jean-Pierre Bédéï

Le château de Chambord au lever du jour. Avec l'agrandissement, découvrez Chambord vu du ciel.

Le château de la démesure

Monumental, colossal, le château de Chambord semble posé là, loin de toute vie, au milieu d’une vaste terre marécageuse et giboyeuse de Sologne.

Au sortir de la forêt qui y mène, sa découverte n’en est que plus éblouissante. « L’intérieur de ce parc est rempli de forêts, de lacs, de ruisseaux, de pâturages et de lieux de chasse, et au milieu s’élève l’édifice avec ses créneaux dorés, ses ailes couvertes de plomb, ses pavillons, ses terrasses et ses corridors, ainsi que les romanciers nous décrivent le séjour de Morgane ou d’Alcine (…) J’ai vu dans ma vie plusieurs édifices magnifiques, mais jamais aucun plus beau ni plus riche », s’émerveillait Giordano Lippomano, ambassadeur de Venise, en 1577.

Élevation de la lanterne du grand escallier de pierres du chasteau de Chambord avec ses pilliers.. buttants depuis la terrasse au dessus de la grande corniche de l'escalier, dessin, 1682, Paris, BnF Gallica. La lanterne du grand escalier vue depuis les toits terrasses, Paris, BnF.Si Versailles est associé à Louis XIV, Chambord est lié à François Ier. Le 6 septembre 1519, quatre ans après qu’il a succédé à Louis XII, et encore tout auréolé de sa victoire à Marignan, François Ier lance cet immense chantier par une lettre adressée à François de Pontbriand, déjà en charge de plusieurs chantiers royaux de son prédécesseur : « Bon, vertueux et notable personnage, en ce cognoissant, expérimenté et en qui avons toute seureté et fiance, confions à plain à vos sens, prudence, loyauté, preudhommie, diligence et longue expérience…, superintendance d’un bel et somptueux édifice au lieu et place de Chambort… selon l’ordonnance et devis que nous en avons fait. »

Plusieurs architectes collaboreront à la conception de ce château, symbole du style Renaissance. Mais c’est Léonard de Vinci, dont le roi s’était attaché les services depuis 1516, qui a exercé la première influence sur ce projet avant de mourir le 2 mai 1519 à Clos-Lucé, près d'Amboise, quelques mois seulement avant la décision officielle de sa mise en œuvre. Il avait l’habitude de soumettre des plans au souverain.

De multiples aspects architecturaux de Chambord, notamment les escaliers à volées, ressemblent à bien des croquis dessinés dans les carnets du peintre et ingénieur florentin de génie. François Ier s’impliqua personnellement dès 1519 dans la délimitation du parc et du domaine, lors du démarrage des travaux qui furent interrompus pendant quelques années durant la captivité du roi en Espagne.

L'escalier du château de Chambord – qui pourrait avoir été construit sur la base de dessins de Léonard de Vinci – a la particularité d'être constitué de deux escaliers en un. Il est aussi appelé « escalier à double révolution » : les deux hélices sont imbriquées l'une dans l'autre sans jamais se croiser, Thomas Allom et J. Tingle, 1845, Paris, BnF. L'agrandissement montre une photographie actuelle de cet escalier.

Ce chantier fut celui de la démesure : 220 000 tonnes de pierre, 160 mètres de façade, 426 pièces, 77 escaliers, 282 cheminées, 800 chapiteaux et frontons sculptés. Il mobilisa 1800 ouvriers dont certains y laissèrent leur vie dans ce qu’on n’appelait pas encore des accidents du travail - il arrivait qu’on travaillât la nuit à la bougie…

L’édifice est tellement immense qu’il est difficile de l’entretenir et d’y habiter. Contrairement à Versailles plus tard, Chambord ne constituera jamais un centre de gouvernement. Il demeurera toujours un lieu de chasse et de villégiature de prestige pour le roi et sa cour. François Ier ne s’y rendra que 42 jours…

Alors pourquoi a-t-il décidé de faire construire un tel palais à Chambord ? D’abord comme la plupart des rois de France, François Ier s’adonne à la chasse avec passion. Or cette région de la vallée de la Loire se révèle extrêmement giboyeuse. Auparavant, quand il séjournait à Blois, le monarque avait pris l’habitude de se rendre dans le vaste domaine de Chambord qui n’avait alors en son centre qu’un petit château féodal, pour traquer bêtes et gibier durant de longues heures. Aucune terre ne pouvait mieux assouvir son engouement cynégétique que celle de Chambord.

Le Château de Chambord, Pierre-Denis Martin, 1722.

Une chasse qui dure trois jours

Mais ce palais n’est pas seulement qu’une halte de chasse. Il revêt aussi une dimension symbolique, celle de la munificence, du faste et du pouvoir royal gravés dans la pierre, à destination des autres cours européennes.

François Ier et Marguerite de Navarre à Chambord, Auguste-Gaspard-Louis Desnoyers, 1817, Paris, BnF. L'agrandissement montre l'appartement de parade du château de Chambord, Paris, BnF Gallica.Le point culminant de ces réceptions est atteint le 9 décembre 1539 lorsque François Ier accueille son meilleur ennemi Charles Quint avec qui il s’est réconcilié. Il est entouré de la famille royale et d’une multitude de princes et de princesses. Pour conférer le plus d’éclat à cette visite au sommet, on a fait meubler le château, on l’a décoré de tapisseries et de peintures, on a répandu des fleurs et des herbes dans les appartements. On chasse le daim pendant trois jours…

Ensuite, François Ier ne revient que très épisodiquement à Chambord. Il ordonne notamment en 1542 que soient entourés de murs les 5 500 hectares du domaine. Encore un chantier titanesque qui ne sera achevé que sous Henri II.

Mais dès lors, jusqu’à la fin de son règne, il préfèrera se rendre dans d’autres châteaux situés plus au nord, toujours au bord d’un bois : Boulogne (Madrid), Villers-Cotterêts, Saint-Germain en Laye, Vincennes, le Louvre et surtout Fontainebleau.

Chambord demeurera ensuite un domaine royal. Les successeurs de François Ier y apporteront leur pierre à travers l’entretien, l’aménagement du château, la création de jardins, la construction d’écuries, la canalisation de la rivière du Cosson qui traverse le parc. Louis XIV s’installe à Chambord à plusieurs reprises avec sa cour pour des divertissements et des parties de chasse.

Molière y donne la première représentation du Bourgeois gentilhomme. Si Louis XV et Louis XVI ne se déplaceront jamais à Chambord, le premier y logera son beau-père Stanislas Leszczynski, roi de Pologne exilé entre 1725 et 1733, puis le maréchal de Saxe, en récompense de sa victoire militaire de Fontenoy (1745).

Chambord est relativement épargné par la Révolution ; le château est pillé, le mobilier est vendu mais le monument échappe à la destruction. Il connaît ensuite une longue période d’abandon avant que Napoléon n’en fasse don en 1809 au maréchal Berthier en remerciement de ses services. Ce dernier n’y fait qu’un court séjour et sa veuve demande rapidement l’autorisation de vendre cette grande demeure en mauvais état.

Le monogramme de François Ier et la Salamandre. L'agrandissement montre la Salamandre de François Ier sur les voûtes à caisson du dernier étage du château de Chambord.

Envoûtante salamandre

L’ensemble du Domaine de Chambord est ensuite offert en 1821 par une souscription nationale au duc de Bordeaux, petit-fils du roi Charles X. Son exil ne lui permet pas d’habiter son château. Il ne le découvre qu’en 1871 à l’occasion d’un court séjour pendant lequel il rédige son célèbre « Manifeste du drapeau blanc » qui l’amène à refuser le drapeau tricolore, et par là-même le trône.

Il fait administrer le domaine par un régisseur, entreprend de grandes campagnes de restaurations et ouvre officiellement le château au public. Après sa mort, en 1883, le domaine passe par héritage aux princes de Bourbon Parme, ses neveux. Le château et le parc sont propriétés de l’État depuis 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’édifice sert d’entrepôt aux œuvres exposées au Louvre afin qu’elles soient protégées des bombardements et de l’occupant nazi. C’est ainsi que la Joconde, notamment, a séjourné à Chambord.

Le domaine de Chambord est aussi une vaste réserve naturelle avec ses 5000 hectares de forêts, de prairies, de landes. C’est le plus grand parc clos d’Europe dans lequel vivent salamandres, cerfs et sangliers, hiboux, chauves-souris, blaireaux, oiseaux d’eau. Le domaine figure sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981. L’Élysée y a longtemps organisé les chasses présidentielles, en concurrence avec le parc de Rambouillet.

Mais c’est surtout le château, symbole de la Renaissance française, qui fascine encore aujourd’hui, avec sa fausse symétrie, les énigmes de son architecture qui ne sont pas toutes déchiffrées, son escalier à « doubles révolutions » placé de manière évidente au centre de l’édifice, et qui dessert chaque étage sans jamais se rencontrer, ses voûtes ornées au deuxième étage, ses terrasses qui mènent à une multitude de fantaisies architecturales des plus variées et jusqu'à ses latrines à double fosse dans les quatre tours des points cardinaux.

La salamandre, figurée plus de 300 fois sur les plafonds et les murs, rappelle que c’est à François Ier, qui avait pris ce petit animal pour symbole, que nous devons ce joyau du patrimoine français.

Le château de Chambord et ses jardins.


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La Renaissance italienne
Publié ou mis à jour le : 2020-08-11 22:29:12

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