Corée

Le « Pays du Matin calme »

Malgré son surnom bucolique, la Corée a connu une histoire tumultueuse, marquée par la proximité géographique de trois « éléphants » : la Chine, le Japon et la Russie. L'agressivité impérialiste de ses voisins a justifié pendant des siècles son attitude, proche de la xénophobie, à l'égard du monde extérieur.

Béatrice Roman-Amat
Un « lapin » pris entre deux mers

Un lapin regardant vers l'ouest. C'est ainsi que les Coréens ont l'habitude de décrire la forme de leur pays, bordé par la mer Jaune à l'ouest et la mer du Japon à l'est. D'une superficie totale de 221 000 km2 (contre environ 550 000 km2 pour la France métropolitaine), la Corée partage au Nord 1311 km de frontière avec la Chine.
D'une largeur maximale de 360 km, la péninsule coréenne se situe à la latitude de Narbonne au nord et de Tripoli au sud. Son territoire est composé à 70% de montagnes et ne comporte pas de grandes plaines. Son sous-sol est en revanche riche en tungstène, en magnésite, en anthracite (charbon) en fer et en or. Si ces ressources se concentrent en Corée du Nord actuelle, les meilleures terres agricoles se trouvent au sud de la péninsule.
Aujourd'hui, la Corée du Nord abrite près de 23 millions d'habitants, tandis que la Corée du Sud, à la densité de population deux fois supérieure, en compte environ 50 millions. À la fin des années 1990, l'indice de développement humain plaçait la Corée du Nord au 83e rang mondial et la Corée du Sud loin devant, au 29e.

La Corée abrite des vestiges néolithiques datant des IIIe et IV millénaires. Vers 10 000 avant JC seraient arrivées de Sibérie des populations paléoasiatiques, qui rejoignent dans la péninsule coréenne des populations préexistantes.

Au cours du Ier millénaire avant JC, la Corée entre dans l'âge du bronze grâce à l'arrivée de nouveaux mouvements de peuplement venant du nord-est de la Chine. La société s'organise alors en classes, comme l'atteste l'existence pour l'élite de tombes surmontées par un dolmen, pratique importée de Mandchourie. Le travail du fer arrive également de Chine, aux alentours du III siècle avant JC.

Les 3 royaumes et Silla unifié

Au cours des sept premiers siècles de notre ère, trois royaumes se partagent le pouvoir en Corée : Koguryo, Paekche et Silla. Ces trois royaumes s'unissent et se combattent successivement, selon qu'il leur paraît plus urgent d'affirmer leur hégémonie contre les deux autres ou de lutter contre les incursions chinoises. À partir du IVe siècle, les trois royaumes, auparavant dominés par le chamanisme, adoptent la religion bouddhiste, qui sert leurs ambitions centralisatrices et leur permet de quadriller le territoire à l'aide du clergé.

C'est finalement le royaume de Silla, d'abord cantonné au sud-est de la péninsule, qui prend le dessus sur les deux autres, grâce à une alliance avec la Chine, et parvient à unifier politiquement la Corée. Du VIIe au Xe siècle, la période de « Silla unifié » correspond à un âge d'or des sciences et des arts, influencé par les raffinements de la Chine des Tang. Le confucianisme, religion propre à favoriser l'absolutisme et l'émergence d'une classe de fonctionnaires lettrés, devient religion officielle.

La dynastie de Koryo et le déferlement mongol

Après ce bref âge d'or, la Corée subit pas moins de sept siècles d'invasions incessantes.

La transformation de la caste guerrière dominante en une aristocratie désœuvrée et la révolte de clans dans les provinces contre le pouvoir central ont abouti au déclin de Silla, au profit de la dynastie de Koryo. Elle s'empare du pouvoir en 918.

Accédant au trône à une époque agitée, les rois Koryo doivent d'abord affronter les Khitans, tribus mongoles qui déferlent du nord et ravagent les marches septentrionales du pays. La Corée tente de se prémunir contre de nouvelles attaques en fortifiant sa capitale, sans savoir que ses malheurs ne font que commencer.

Au début du XIIIe siècle, les Mongols de Gengis Khan lui réclament un lourd tribut en échange de leur protection contre les Khitans, qui continuent à la harceler. Mais, de protecteurs, les terribles guerriers mongols deviennent bientôt assaillants, sous le règne d'Ogodai, fils de Gengis Khan.

À partir de 1227 et pendant 28 ans, ils mettent le pays à feu et à sang. Incapables de faire face, le roi et la cour doivent se réfugier sur une île et perdent tout prestige. Vaincus, les Coréens doivent livrer aux Mongols femmes, récoltes, or, argent, chevaux, et même leur fournir leurs bras et leur sang pour les aider à conquérir le Japon -un objectif que les Mongols n'atteindront jamais.

Malgré la succession d'épisodes aussi dramatiques les uns que les autres, la période Koryo est marquée par une avancée technologique de premier ordre : l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles en métal, utilisée en Corée dès la première moitié du XIIe siècle, deux siècles avant l'« invention » de Gutenberg ! Elle permet notamment la diffusion des textes bouddhiques sur tout le territoire -le bouddhisme ayant repris le dessus sur le confucianisme. Les invasions entraînent toutefois de brutaux transferts de technologie (imprimerie comme céramique) vers les pays voisins, privant le pays de ses meilleurs artisans.

La dynastie de Yi et le « Royaume ermite »

À la fin du XIVe siècle, en 1392, un jeune chef de guerre rebelle réussit à rendre son indépendance à la Corée écrasée sous le joug mongol et fonde la dynastie des Yi. Alors que sous les Koryo, le bouddhisme avait connu un retour en grâce, les Yi utilisent le néo-confucianisme pour asseoir leur pouvoir.

Les souverains Yi vont se maintenir jusqu'à l'annexion du pays par le Japon, en 1910. L'un de leurs plus illustres représentants, Sejong le Grand (1418-1450) donne à la Corée un alphabet national et établit la frontière du pays sur le fleuve Yalu. Celui-ci marque aujourd'hui encore la frontière avec la Chine.

Au terme de deux siècles de relative stabilité, le pays doit faire face à la convoitise japonaise. À peine a-t-il repoussé les attaques nippones, avec l'aide de la Chine des Ming, qu'il subit celles de la Chine, passée sous la coupe des empereurs mandchous. En 1637, une armée mandchoue pénètre dans le pays.

Après avoir tenté de résister dans une forteresse assiégée, le roi de Corée doit se rendre et, ultime humiliation, se prosterner devant l'empereur mandchou Abahai. La Corée devient un État vassal des « barbares » mandchous.

Richesses pillées, temples incendiés, transfert forcé de technologies vers les pays voisins (touchant notamment la céramique et l'imprimerie), pouvoir politique discrédité : la Corée sort exsangue de ces agressions successives. Elle se ferme alors au monde extérieur, à l'exception de son État de tutelle, la Chine. Les terres situées le long des côtes sont brûlées et les frontières laissées en friche afin de dissuader les envahisseurs potentiels.

Le pays gagne ainsi sa réputation de « Royaume ermite ». Considérant tout ce qui vient de l'extérieur comme une malédiction, il refuse tout contact avec les Occidentaux.

Le christianisme pénètre cependant en Corée, mais de façon atypique : à la fin du XVIIIe siècle, faute de colonisateurs ou de missionnaires dans la péninsule, des lettrés coréens, prenant acte de l'épuisement du néo-confucianisme et ayant vent de la présence de missionnaires jésuites à la cour de Pékin, font venir des textes chrétiens traduits en chinois, les étudient et se convertissent au catholicisme. Ces conversions en entraînant d'autres, le pouvoir se sent menacé et réagit par une violente répression contre les convertis et les prêtres.

Les pays occidentaux, France et États-Unis en tête, trouvent dans ces persécutions de catholiques une raison d'augmenter leur pression sur la Corée, qui refuse de s'ouvrir au commerce international. Ils envoient, en vain, des navires croiser le long des côtes coréennes.

La Russie, qui s'est vu attribuer en 1860 la Province maritime par la Chine et y a fondé Vladivostok, demande également à la Corée, avec laquelle elle partage désormais une frontière, l'ouverture de relations commerciales. Au cours des années 1880, la Corée doit finalement céder et signer des traités commerciaux avec les principales puissances.

La Corée japonaise

À la fin du XIXe siècle, la Corée devient le terrain d'affrontement en sous-main de la Chine et du Japon, le premier, protecteur officiel, soutenant les conservateurs, le second les milieux réformistes.

En 1895, à l'issue de la défaite chinoise dans la guerre sino-japonaise, le traité de Shimonoseki contraint l'Empire du Milieu à reconnaître l'indépendance de la Corée. Indépendance toutefois très relative, car dès 1896, le pays tombe dans l'escarcelle d'un condominium russo-japonais.

Les alliances étant réversibles dans un contexte de montée des impérialismes, le Japon affronte la Russie en 1905, chacun des deux pays cherchant à acquérir des colonies aux dépens de l'autre. Défait par les Japonais et contraint d'accepter une paix humiliante, le tsar reconnaît, par le traité de Portsmouth, le protectorat du Japon sur la Corée et une partie de la Mandchourie. Franchissant un pas supplémentaire, le Japon annexe purement et simplement le pays le 22 août 1910 sous le nom de Cho-Sen. Il restera une colonie japonaise jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ces 35 années de domination japonaise sont marquées par l'industrialisation rapide du pays, mais aussi par l'utilisation de femmes coréennes comme « femmes de réconfort » par l'armée nipponne, le travail forcé pour les hommes et la répression de toute expression culturelle proprement coréenne. Autant de plaies toujours pas cicatrisées aujourd'hui, comme en témoigne le fort sentiment anti-japonais qui perdure parmi la population.

Une péninsule, deux Corées

Exclues de tous les postes à responsabilités, les élites de la péninsule mettent sur pied un gouvernement en exil, d'abord à Shanghai puis à Washington. À la conférence du Caire, en 1943, les Alliés formulent l'objectif de restaurer l'indépendance de la Corée après avoir vaincu le Japon.

En 1945, le pays est divisé en deux zones d'occupation, américaine au sud du 38e parallèle, soviétique au nord. Des négociations sur la réunification du pays se tiennent mais elles restent lettre morte, les Soviétiques refusant que des élections organisées dans leur zone soient supervisées par les Nations Unies.

Durant l'été 1948, deux États s'épiant par-dessus la ligne de démarcation voient donc le jour :
- la République démocratique populaire de Corée au nord,
- la République de Corée au sud.

La République de Corée, protégée par les Américains, se donne pour président le vieux chef de la lutte contre les Japonais, Syngman Rhee (73 ans) ; la soeur ennemie passe sous la coupe de Kim Il-Sung (35 ans), secrétaire général du parti communiste (Parti du travail).

Peu de temps après, les troupes soviétiques et américaines quittent le pays. En 1950, la Corée du Nord tente d'envahir le Sud afin d'imposer une réunification par les armes. Les Chinois affluent pour aider les communistes nord-coréens, tandis que les Américains et forces de l'ONU volent à la rescousse de la Corée du Sud.

En juillet 1953, la très meurtrière guerre de Corée se termine sans vainqueur ni vaincu, par un armistice qui établit de facto une frontière qu'aucun traité de paix ne viendra officialiser. Depuis, Corée du Nord et Corée du Sud suivent des voies diamétralement opposées : le repli sur soi d'une part et l'insertion maximale dans une économie de plus en plus mondialisée de l'autre.

Plus pauvre que la plupart des pays africains en 1960, la Corée du Sud rejoint en une génération le cercle des pays industrialisés. Aux côtés des trois autres « dragons asiatiques » -Singapour, Taiwan et Hong Kong- elle connaît de 1962 à 1990 un taux de croissance de 10% par an. Un « miracle économique » érigé sur le développement d'industries intensives en main d'œuvre, comme le textile, l'assemblage électronique et l'automobile, pour l'exportation.

Frappée de plein fouet par la crise financière asiatique de 1997, la Corée du Sud a toutefois été forcée de remettre en cause son modèle fondé sur de grands conglomérats et le capitalisme d'État.

La croissance économique s'est accompagnée de la montée de l'individualisme dans une société traditionnellement fondée sur la prépondérance de la communauté, un individualisme qui se traduit aujourd'hui par un indice de fécondité particulièrement bas, inférieur au seuil de renouvellement des générations. Corruption et répartition inégale des fruits de la croissance ont également généré la montée des revendications populaires, qui ont abouti à partir des années 1980 à une démocratisation d'un régime resté jusqu'alors autoritaire.


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• 27 juillet 1953 : armistice de Pammunjon
Publié ou mis à jour le : 2023-11-27 19:08:36

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