La Russie de Vladimir Poutine cultive la nostalgie de sa grandeur passée, du tsar Ivan le Terrible à Pierre le Grand et Staline... Sa diplomatie actuelle et ses coups de force sont en bonne partie déterminés par ces invariants historiques.
Retour de la Guerre Froide ? Répété à qui mieux mieux depuis l’entrée des troupes russes en Géorgie le 8 août 2008, ce poncif fait en partie l’impasse sur l’histoire de la Russie avant l’époque soviétique. Celle-ci a été marquée de longue date par la volonté d’étendre la domination russe jusqu’à la mer Baltique et la mer Noire.
Le réveil du nationalisme avec Vladimir Poutine, nouvel avatar du « petit père des peuples », qui s'est incarné chez les tsars comme chez Staline, semble en phase avec le désir des Russes de relever la tête après la déliquescence des années 1990. Il répond aussi à la volonté de préserver un glacis stratégique en Europe de l’Est et dans le Caucase afin d'éviter un total isolement du pays.
Enjeux démographiques, constantes historiques
Le déclin démographique que connaît la Russie n’est sans doute pas indifférent à la volonté de préserver son influence sur ses ex- « républiques sœurs » au sein de l’URSS : entre 2000 et 2025, sa population pourrait baisser de 21 millions d’habitants, pour tomber à 120 millions, selon les chiffres des Nations Unies. Avec l’effondrement de l’URSS en 1991, Moscou a également dû renoncer à environ un quart de son territoire. Le pays, qui conserve une superficie de 17 millions de km2, est déjà, de tous les grands pays le moins densément peuplé ; il est même moins dense que le Canada et l’Australie, avec pour circonstance aggravante le voisinage du pays le plus peuplé du monde et l’un des plus denses : la Chine !
Pendant des siècles, l’histoire de la Russie n’a été qu’extension territoriale, de l’accès à la mer Baltique gagné de haute lutte contre les Suédois en 1703 à l’annexion de la Crimée en 1784, celle de la Géorgie en 1801 ou encore au rattachement des pays baltes à l’URSS au cours de la Seconde Guerre mondiale.
En installant un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque et des bases en Bulgarie et en Roumanie, et en faisant miroiter la perspective d’une adhésion à l’OTAN à l’Ukraine et la Géorgie, les États-Unis exacerbent la peur russe de l’encerclement entre un Occident encore et toujours hostile, un monde turcophone imprévisible et une Chine populeuse et de plus en plus pressante sur les frontières orientales. Même la Biélorussie, qui reste très dépendante économiquement de la Russie et coupable aux yeux des Occidentaux d’être dirigée depuis 1994 par le très autoritaire Alexandre Loukachenko, se montre réticente à reconnaître les deux républiques d’Ossétie du sud et d’Abkhazie, renforçant le sentiment d’isolement de la Russie.
C’est cependant l’Ukraine qui préoccupe Moscou au premier chef. Considérée comme le berceau historique du peuple russe, elle appartenait, au moins pour sa partie orientale, à la Russie tsariste depuis le XVIIe siècle. Quant à la Crimée et à la base navale de Sébastopol, qui abrite encore la flotte russe de la Méditerranée, rappelons qu’elles ont été russes jusqu’à leur rattachement arbitraire à l’Ukraine dans les années 1950. Les Russes admettent mal de s’en séparer à tout jamais. Gare à ne pas les désespérer…
Loin de la querelle qui divisait l’intelligentsia entre slavophiles et occidentalistes sous les règnes des tsars Nicolas 1er et Alexandre II, la ligne de conduite des dirigeants russes de ce début de XXIe siècle est claire : défendre les intérêts russes, stratégiques et économiques comme « culturels », au sud comme à l’ouest, militairement si nécessaire.
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