27 novembre 2024. Le procès des viols de Mazan (Vaucluse) a ramené les violences sexuelles sous les feux de l'actualité française. Évitons les poncifs sur le « patriarcat » et la domination immémoriale et universelle que subissent les femmes. Tournons-nous vers l'Histoire pour comprendre l'origine et le moteur de ces violences sexuelles...
Ainsi que nous le rappelle l'historienne Catherine Valenti, il a fallu attendre la loi du 23 décembre 1980, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, pour que le viol soit enfin criminalisé et puni de cinq à vingt ans de réclusion. Voici la définition du viol par la loi dans son article 1 : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol ».
Contrairement à ce que l'on a pu entendre lors des plaidoiries du procès d'Avignon, cette définition inclut l'absence de consentement, laquelle peut être assimilée à la « surprise ». Il ne serait donc pas utile de réécrire ladite loi sur le modèle de la loi espagnole du 25 août 2022, dite du Solo Sí es Sí (« Seul un oui est un oui »)...
La faute au « patriarcat » ?
Reste à nous interroger sur ce qui vaut à l'affaire de Mazan de remuer à ce point les médias nationaux jusqu'à parler d'un procès « historique », un de plus !
En mal d'explication face à ces cinquante hommes qui ont pris leur plaisir à violer une femme inanimée, les commentateurs ont cru y voir la marque du « patriarcat ». Mauvaise pioche car c'est un mot dont il ignorent de toute évidence le sens véritable :
• Le patriarcat désigne dans la Bible et en anthropologie un type de famille typiquement oriental dans lequel le père a autorité sur son épouse, ses concubines, ses filles non mariées, ses garçons et ses belles-filles. Abraham en est l'archétype. Autant dire que le patriarche est l'homme le moins disposé qui soit à prostituer sa femme ou ses filles !
• Par extension, le patriarcat est devenu aussi un modèle d'organisation de l'Église primitive avec les patriarcats de Jérusalem, d'Antioche, d'Alexandrie ou de Constantionople... aux antipodes de l'affaire sordide de Mazan.
Dans celle-ci, les inculpés appartiennent à toutes les catégories sociales et à tous les âges. Mais ils ont un point commun : ils sont tous adeptes des sites internet échangistes et pornographiques et c'est ce qui les a réunis pour le pire. Ils ont aussi pu accomplir leurs forfaits en recourant à une drogue pour écarter le consentement de la victime.
Ces innovations contemporaines, la vidéopornographie et la chimie, sans lesquelles il n'y aurait pas eu d'affaire judiciaire, ont été curieusement absentes des débats et des compte-rendus de la presse. Un seul journal s'en est offusqué, L'Humanité !
Le journal communiste écrit le 23 octobre 2024 : « Avec Internet, il est maintenant d’une facilité déconcertante de trouver femmes et enfants à violer. Le site coco.fr regorgeait également d’annonces de prostitution d’adolescentes : des viols d’enfants, donc. C’est un véritable marché humain que nous tolérons. Combien savent et ne disent rien ? Parlons d’où vient cet attrait du morbide. Car, en amont, tous consomment régulièrement des contenus pornographiques qui regorgent de vidéos de viols, d’humiliations racistes et pédopornographiques (« petite beurette », « petite juive »…) ».
Faut-il nous étonner de ce silence assourdissant ? Le marché de la vidéopornographie exploite quantité de femmes faussement consentantes et exerce des ravages sur le mental des enfants et des adolescents. Mais voilà, c'est un marché qui « pèse » plus de deux cents milliards de dollars par an et ses consommateurs se recrutent partout. Il en va de même des drogues du sexe (« chemsex ») qui ont un marché très étendu, si l'on en juge par l'affaire Pierre Palmade et la non-affaire du député Andy Kerbrat, pris la main dans le sac mais aussitôt blanchi par ses pairs.
Il reste plus facile de dénoncer le « patriarcat occidental » (oxymore) que l'impuissance assumée de la classe politico-mondaine face à des fléaux très contemporains, lesquels ont pu s'épanouir sur l'idéologie libertarienne des années 1970.
« Jouir sans entraves »
Dans son essai L’autre héritage de 68. La face cachée de la révolution sexuelle (Albin Michel, 2018), l'historienne Malka Markovitch souligne le caractère déséquilibré de la révolution sexuelle de ces années-là, toute entière orientée vers la satisfaction des jeunes mâles, en France comme dans le reste de l'Occident.
Le cinéma hollywoodien tourne alors le dos à la censure et au fameux code Hays mais c'est pour légitimer une approche dominatrice et violente de la sexualité masculine. « Les films à l’affiche qui font grand bruit mettent en scène l’esclavage sexuel des femmes comme l’expérience absolue de l’émancipation : 'Portier de nuit', 'Histoire d’O.', 'Le Dernier Tango à Paris' demeurent les références cinématographiques par excellence. L’actrice Maria Schneider, âgée de 19 ans lors du tournage, racontera plus tard le vrai viol par surprise filmé en direct qui restera durant de longues années la séquence mythique du film, » écrit-elle. « Être jeune, c’est trouver "chouette" et "vachement sympa" le film 'Les Valseuses' de Bertrand Blier qui rend romanesque le viol. »
De caché ou honteux, le viol devient un objet esthétique (note) ! Difficile d'y voir un progrès par rapport aux siècles et décennies antérieures, quand la morale religieuses, la surveillance de la communauté villageoise et l'obligation du « mariage réparateur » en cas de grossesse freinaient les pulsions des jeunes hommes. Le recul de la foi catholique après Vatican II et surtout la contraception lèvent ces ultimes obstacles. La libération est parachevée avec la légalisation de l'avortement.
Notons toutefois avec l'historienne Catherine Valenti qu'après avoir soutenu les mouvements féministes dans les combats pour la contraception et l'avortement, les acteurs de Mai 68 se mettront aux abonnés absents quand il s'agira à la fin des années 1970 d'obtenir la criminalisation du viol. Comme si cet enjeu leur était indifférent...
Convenons que le « patriarcat occidental », à défaut d'avoir existé, reste un concept bien utile pour dissimuler le terreau idéologique et mercantile à peine cinquantenaire qui nourrit la bête immonde.
Vos réactions à cet article
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Matt (30-11-2024 17:56:05)
Aucun récit de viol de l’un des 40 rois d’Israël (pourtant pas tous irréprochables) dans l’ancien testament et encore moins des patriarches Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob etc...
Roland Berger (29-11-2024 23:02:16)
Excellent cou de pied dans le mythe du patriarcat occidental. La majorité des mâles de l'Occident se foutent des histoires de domination des femmes pourvu qu'ils puissent s'en taper à l'occasion, n... Lire la suite
Philippe (29-11-2024 00:12:15)
Vous n'êtes pas du tout politiquement correct !
Mais tellement pertinent.
C'est toujours un plaisir de vous lire. On se sent moins seul.
Merci.
lb.dutignet (28-11-2024 19:18:04)
Bonjour , Je suis surpris du raccourci ramenant le viol et sa généralisation , pour ne pas dire son exaltation , aux lendemains de Mai 68 et de la " révolution sexuelle " . Il me semble que dans ... Lire la suite
licorne (28-11-2024 18:20:59)
le proxénétisme et son corolaire la prostitution existent depuis la nuit des temps . Les clubs échangistes depuis pas mal de temps aussi et toutes les femmes n'y sont pas "forcées" . Par contre, b... Lire la suite
Gugus (27-11-2024 21:09:55)
ça commence mal: la supposée antinomie entre le patriarche à l'ancienne et le proxénète est de pure façade, puisque, même si ça ne concerne généralement pas les mêmes personnes, les modes d... Lire la suite
Mike (27-11-2024 20:51:29)
Attention, malgré tout l’emballement médiatique autour de ce procès- fleuve, atypique et exceptionnellement non à huis clos, à ne pas porter de jugement hâtif avant de connaître le verdict fi... Lire la suite
Edgard Thouy (27-11-2024 16:04:20)
J'apprécie trop Hérodote pour exprimer ici un avis, qui serait relativement sévère. Toute évolution, culturelle, sociale, technique ou scientifique, est sujette à des dérapages au nom desquels... Lire la suite
Tholonio (27-11-2024 15:42:15)
1. Je viens de relire Les valseuses, Bertrand Blier, et je n'y ai - heureusement - pas trouvé de trace de viol. 2. Mais sans vouloir préjuger le sort réservé aux violeurs de Mazan, ni le moins du ... Lire la suite
Françoise (27-11-2024 14:30:37)
Merci.
Louchard (27-11-2024 12:49:52)
Parfait. liberté liberté chérie. Quand le porno sert "d'éducation sexuelle", quand la religion devient une interprétation qui ne correspond pas à ce que veulent dire les textes, quand "la mor... Lire la suite
RÉAULT (27-11-2024 12:22:12)
Bref mais Intéressant survol qui ne traire pas du contexte contemporain des minorirés hystériques dsur fond de déliquescence de la res publication et de la pensée woke er plus encore des'malent... Lire la suite