Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Paris célèbre les arts « premiers »

Le curieux « musée du quai Branly-Jacques Chirac », à deux pas de la Tour Eiffel, au bord de la Seine, a été voulu par l'ancien président de la République Jacques Chirac, amateur d'arts exotiques, arts primitifs ou « arts premiers ». Ce fut, insiste-t-il moins pour satisfaire un goût personnel que pour apporter à ses concitoyens une ouverture sur des cultures trop longtemps méconnues.

Inauguré le 20 juin 2006, au terme d'une bataille homérique comme les Français en raffolent, dans les médias et les milieux muséographiques, le musée s'inscrit aujourd'hui avec grâce dans le paysage urbain. Il est apprécié des curieux pour ses expositions comme pour ses conférences et débats.

Musée du quai Branly-Jacques Chirac

Des objets quotidiens au musée

Le musée du quai Branly (Paris)Le musée abrite dans ses réserves un total de 300 000 « objets ». Ils sont exposés à tour de rôle sur le plateau accessible au public. 3 600 sont ainsi visibles simultanément.

Il s'agit bien d'objets et non d'œuvres car le musée du quai Branly n'est pas à proprement parler dédié à l'art. Selon ses promoteurs, c'est tout à la fois un musée d'arts et traditions populaires, un musée d'archéologie et d'histoire et un musée d'anthropologie.

Notons que la plupart des objets du quai Branly avaient à l'origine une fonction utilitaire comme nos propres artefacts industriels. Par exemple, les masques de cérémonie avaient vocation à être détruits après usage. Leurs créateurs africains ou océaniens, lorsqu'ils viennent à être interrogés, ne comprennent pas qu'ils soient ainsi exposés hors contexte !

Ces objets viennent du musée de l'Homme du Trocadéro et surtout du musée des arts africains et océaniens du bois de Vincennes, dernier vestige de l'Exposition coloniale de 1931, en voie d'être transformé en un lieu à la gloire des immigrations du dernier siècle.

Les ethnologues et conservateurs de ces établissements n'ont pas manqué de protester contre leur transfert au quai Branly, arguant qu'ils étaient de nature ethnographique plutôt qu'artistique. Ils ont rendu les armes devant l'inflexibilité du Président.  

Les promoteurs du musée ont aussi effectué des achats en vue de compléter leurs collections... Ce qui a contribué à une flambée des cours sur le marché de l'art africain (un masque fang a été vendu pour 4 millions d'euros en juin 2006). Il est même arrivé que l'on procède à des échanges baroques : un Titien des collections nationales contre un masque africain !

La plupart des objets d'origine océanienne, en bois et autres matériaux putrescibles, datent du XIXe siècle ou du XXe siècle. Très peu remontent au-delà du XIXe siècle. Les civilisations chinoise et indienne ne sont pas plus représentées que les civilisations européenne ou islamique même si l'on voit, dans la partie du Moyen-Orient, quelques pétoires ou mousquets de l'empire ottoman. 

Le point commun à l'ensemble des cultures et civilisations représentées ici semble être l'absence d'écriture.

Musée du quai Branly-Jacques Chirac (© musée du quai Branly, photo Nicolas Borel)

Un bâtiment de rêve

Le musée du quai Branly-Jacques Chirac est un lieu d'évasion et de rêve. Il n'a pas vocation à nous instruire sur les civilisations exotiques, pas plus sur leurs mœurs que sur leur art ou leur histoire.

Musée du quai Branly-Jacques ChiracConçu par l'architecte Jean Nouvel, le bâtiment est en lui-même un objet culturel original. C'est ce qui fait aussi son intérêt. Il se présente comme un gros cube multicolore en suspension et isolé des bruits de la ville par une muraille de verre et un mur-jardin.

Le visiteur accède aux collections par une rampe de plus de 100 mètres. Le plateau d'exposition couvre 4 500 m2, avec une hauteur de plafond de huit mètres. On est accueilli par un impressionnant totem du pays dogon (Mali), à la fois homme et femme, qui remonterait au Xe siècle. Ensuite, il ne reste plus qu'à se laisser guider en suivant le parcours en forme de « labyrinthe », « rivière » ou « serpent », dans une lumière tamisée propice à la songerie.

Ce parcours nous mène d'une région à l'autre de la planète : l'Océanie et l'Amérique du sud, l'Insulinde, l'Asie, le Moyen-Orient, l'Afrique, enfin l'Amérique du nord et les Inuits du cercle polaire.

Camille Vignolle
Qui fréquente le quai Branly ?

L'inauguration du musée du quai Branly a donné lieu à d'innombrables articles dithyrambiques et l'on a pu lire en boucle une information selon laquelle le musée attirerait beaucoup de Français originaires d'outre-mer (Afrique, Antilles, Asie, Orient). Journalistes et commentateurs en ont conclu que ces Français ont besoin d'un lieu où ils retrouvent leurs racines et que les musées classiques, avec leurs Delacroix et leurs Rembrandt, ne peuvent les satisfaire.

Glissons sur ce raisonnement teinté de racisme, tout bien-pensant qu'il soit, et soulignons la réalité : ayant à plusieurs reprises fait la queue à l'entrée du musée du quai Branly-Jacques Chirac, j'ai noté l'absence presque totale de « minorités visibles » parmi les visiteurs (à l'exception des classes scolaires) !

Le constat est clair : comme tous les établissements culturels français, le musée du quai Branly a un public à peu près exclusivement composé de représentants des classes moyennes supérieures (blanches), quoique sa direction assure recevoir 20% de personnes en quête de leurs racines ! L'éducation et le statut social, plus encore que le prix d'entrée, font que les classes populaires, à quelques remarquables exceptions, délaissent hélas les lieux de culture quels qu'ils soient, y compris le quai Branly.

Publié ou mis à jour le : 2021-06-03 11:07:22

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