3 mars 2025. Branle-bas de combat dans les capitales européennes après la tornade Trump et alors que se profile la fin de la guerre en Ukraine. Le sommet de Londres de ce dimanche 2 mars 2025 a tenté de faire l'unité de l'Europe derrière l'Ukraine et son président, de l'Angleterre à la Turquie ! La photo de famille cache néanmoins de profondes divergences d'intérêt et une extrême dépendance stratégique, économique et politique envers les États-Unis. C'est une page d'Histoire qui se tourne...
La photo de groupe prise à l’issue du sommet de Londres montre les dirigeants de onze États membres (Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède et République tchèque) ainsi que les Premiers ministres du Royaume-Uni, du Canada et de la Norvège, le ministre des Affaires étrangères turc, le président du Conseil européen et la présidente de la Commission européenne. Sans oublier bien sûr l’invité d’honneur, le président ukrainien.
Maîtres de cérémonie, au premier rang, au centre, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron affichent leur commune détermination. Le premier s’est saisi du prétexte de la guerre pour rabibocher l’Angleterre avec le Continent tout en s’efforçant de se rendre indispensable comme médiateur entre les États-Unis et l’Union européenne. Mais d’emblée, il a rappelé qu’il était hors de question pour les Européens de se passer de l’appui américain et que les mauvaises manières de Donald Trump et J.D. Vance à l’égard de Volodymyr Zelensky n’y changeraient rien.
Le second a pu se donner une stature d’homme d’État en faisant oublier ses précédents échecs (Liban, Sahel, Israël, Algérie, etc.). Sans doute n’a pas pour autant oublié le mauvais coup que lui ont fait les Anglo-Saxons et les Australiens avec la rupture du contrat Naval Group en 2021, qui démontre la confiance relative que l’on peut accorder à ses plus proches « alliés ».
Starmer et Macron ont ensemble proposé une trêve partielle d’un mois en Ukraine, « dans les airs, sur les mers » et concernant les frappes sur « les infrastructures énergétiques ». Elle n’a cependant aucune chance d’être débattue par Washington et Moscou qui ont pris le parti d'ignorer les Européens.
À droite, le Premier ministre de Pologne Donald Tusk est sans doute le plus déterminé a affronter Poutine. La Pologne se flatte d’être le bon élève de l’OTAN avec 4,1% de son PIB voué à l’armée (France et Allemagne : 2,1%). Elle est prête à en découdre avec Moscou, moins par sympathie pour les Ukrainiens que par haine des Russes, avec lesquels les Polonais sont en conflit depuis quatre siècles. Pour cette raison en particulier, Varsovie soigne plus que tout sa relation privilégiée avec la Maison Blanche, le Pentagone et le complexe militaro-industriel américain.
Au dernier rang, le chancelier démissionnaire allemand Olaf Scholz semble se demander comment on a pu en arriver là ! Hostile à la guerre et accablé par la crise multiforme qui frappe son pays (industrie, énergie, immigration, violence, extrême-droite), Olaf Scholz a dû ferrailler sans trêve contre sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, une écologiste de gauche qui, après avoir souhaité interdire la vente de jouets guerriers, a réclamé à grands cris l’envoi de chars Leopard dans la plaine de Koursk !
Au milieu du groupe, la présidente de la Commission européenne se présente en chef suprême de l’Europe. C’est elle qui a pris la parole aussitôt après la réunion pour en donner les premières conclusions et affirmer « sa » volonté d’engager un nouveau grand emprunt pour financer le réarmement de l’Europe (ReArm Europe). Le nouveau président du Conseil européen António Costa, à sa gauche sur la photo, est demeuré discret.
Le Parlement de Strasbourg, seule instance européenne un tant soit peu démocratique, n’était pas représenté au sommet de Londres.
À gauche du président français, le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte est tout sourire. L'ex-Premier ministre néerlandais, qui n’a jamais occupé auparavant de fonction en lien avec les affaires militaires, a rappelé à l’issue du sommet de Londres qu'il n'y aurait pas de défense européenne sans les États-Unis et s'est félicité que « davantage de pays européens vont augmenter leurs dépenses de défense ». Il y a vu une « très bonne nouvelle » !
Tout sourire lui aussi, à l’avant-dernier rang, à droite, le Premier ministre démissionnaire du Canada manifeste par sa présence à ce sommet son hostilité à l’égard du président Trump, qui prétend faire du Canada le « 51e État » des États-Unis. Il exprime aussi sa proximité avec la communauté ukrainienne du Canada, l’une des plus importantes et des plus anciennes d’Occident.
À gauche du Canadien, la Première ministre italienne Georgia Meloni a le sourire pincé. Très hostile au président russe mais soucieuse de préserver ses bonnes relations avec le président américain, elle a exprimé sitôt après le sommet ses désaccords avec ses partenaires européens sur le fond. « Nous sommes allés trop loin ». Il faut, a-t-elle dit, mettre fin à cette « fuite en avant », montrer « moins d’émotivité et plus de sang-froid » sur les négociations de paix en Ukraine tout en admettant qu’« il est certainement utile qu’il y ait des propositions ». Elle dit avoir eu des « discussions franches » avec Emmanuel Macron, avec qui elle ne s’entend guère.
Le plus surprenant est la présence sur la photo de famille, à l’extrême-droite, du ministre des Affaires étrangères de la Turquie, Hakan Fidan.
On pourrait se demander ce qu’il vient « faire dans cette galère » : la Turquie occupe depuis cinquante ans le nord de Chypre, État membre de l’Union européenne ; il y a quatre ans, elle menaçait militairement la Grèce au point que le président français avait dû envoyer des navires de guerre pour prévenir une agression ; enfin, Erdogan et son alter ego Poutine ont été en cheville pendant vingt ans sur tous les mauvais coups possibles.
Aujourd'hui, le président turc joue sur du velours. Il dispose de la deuxième armée de l'OTAN et a témoigné d'un soutien sans faille à l'Ukraine, en l'approvisionnant notamment en drones. D'autre part, il conserve une grande influence sur les communautés turques installées en France et surtout en Allemagne. Il s'autorise donc à rappeler que « seule l’adhésion complète de la Turquie à l’UE peut sauver l’Union de l’impasse dans laquelle elle est tombée ! »
En invité d'honneur, au premier rang, le président ukrainien, mine sévère et tenue militaire de rigueur, fait bonne figure au milieu de tous ses amis. Il n'a pour autant aucune illusion sur leur capacité à l'aider à poursuivre la guerre à laquelle ils l'ont dans un premier temps encouragé.
Le surlendemain, le 4 mars, il envoie au président Donald Trump et au vice-président J.D. Vance un message respectueux dans lequel il fait amende honorable et se dit prêt à signer l'accord léonin qu'ils exigent pour mettre fin aux souffrances du peuple ukrainien : « Nous apprécions vraiment tout ce que l’Amérique a fait pour aider l’Ukraine à maintenir sa souveraineté et son indépendance [...] Nous considérons cet accord comme un pas en avant vers une plus grande sécurité et des garanties de sécurité solides ».
Curieusement sont absents tous les États balkaniques et tous les États riverains de la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie, à l’exception notable de la Pologne et de la Finlande. Certains sont absents pour de bonnes raisons mais d'autres ne cachent pas leur proximité avec Poutine. C’est le cas de la Slovaquie de Robert Fico et de la Hongrie de Viktor Orban. Ce dernier a déclaré sur X : « Les dirigeants européens ont décidé aujourd'hui à Londres de poursuivre la guerre plutôt que d'opter pour la paix. Ils ont décidé que l'Ukraine devait poursuivre la guerre. C'est mauvais, dangereux et erroné. La Hongrie reste du côté de la paix ».
Autant dire que la famille européenne a encore un long chemin à parcourir avant de présenter un front uni et cohérent face aux deux frères ennemis, Donald et Vladimir, qui ont entrepris de la soumettre.













Vos réactions à cet article
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Georges PN (31-08-2025 16:14:46)
Très bonne synthèse !
JB80662 (31-08-2025 11:56:20)
Qui peut croire que Poutine veut la paix? Il s'est fixé un but et ne s'arrêtera pas avant de l'a
Christian (17-03-2025 09:54:33)
Les 23 et 24 juillet 1938, les ministres des affaires étrangères de sept pays d'Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Danemark, Norvège, Suède et Finlande) se sont réunis à Copenhague ... Lire la suite