Jean de Lattre de Tassigny est né dans le même village vendéen que Clemenceau. Les deux hommes ont en commun le courage, le patriotisme et le sens du devoir. Mais le futur Maréchal de France se distingue du « Tigre » par ses origines aristocratiques et sa foi catholique.
Officier de dragons en 1914, il est blessé par la lance d'un uhlan dans les premières semaines de la Grande Guerre. Ainsi aura-t-il débuté dans la carrière en combattant à cheval avant de finir comme général d'armée à l'ère atomique ! Mais lorsque commence la guerre des tranchées où la cavalerie n'a plus sa place, il demande à passer dans l'infanterie et finit la guerre avec cinq blessures, huit citations et le grade de capitaine.
Il sert ensuite au Maroc, entre à l'École de Guerre dont il sort premier et passe à l'état-major du général Weygand. C'est ainsi que, peu avant la Seconde Guerre mondiale, il commandera le 151e R.I. à Metz. Général de brigade en 1939 puis chef d'état-major de la Ve Armée en Alsace, il est après l'armistice affecté en Tunisie puis à Montpellier, où il s'applique à redresser le moral des hommes en vue de la revanche.
Quand la Wehrmacht envahit la « zone libre » le 11 novembre 1942, il tente de passer dans la clandestinité. Arrêté et condamné à dix ans de détention, il s'évade de la prison de Riom avec le concours de sa femme et de son jeune fils Bernard. Il gagne Londres puis Alger.
Giraud lui confie le commandement d'une armée avec laquelle il débarque en Provence le 16 août 1944, près de Saint-Tropez. Remontant les vallées du Rhône et de la Saône, il participe à la bataille d'Alsace, franchit le Rhin et s'empare de Stuttgart le 20 avril 1945.
Ses exploits lui valent l'insigne honneur de représenter la France à la signature de la capitulation allemande à Berlin, le 8 mai 1945.
Après la Libération, inspecteur général de l'armée, il organise l'« amalgame » des troupes d'Afrique du Nord et des FFI (résistants de l'intérieur). Il transfère aussi l'école de Saint-Cyr à Coëtquidan, en Bretagne, dans un cadre plus propice à l'entraînement des futurs officiers. Il devient en 1949 commandant en chef des forces terrestres de l'OTAN avant de demander et obtenir le commandement en chef en Indochine, alors plongée dans la guerre.
Une mission trop tôt interrompue
Il arrive à Saigon le 17 décembre 1950 en cumulant les fonctions de haut-commissaire civil et de commandant du corps expéditionnaire français. La situation paraît d'autant plus désespérée qu'à l'autre extrémité du monde chinos, les troupes américaines stationnées en Corée du sud ont été balayées par les troupes communistes.
Le « roi Jean » témoigne aussitôt de son autorité en renvoyant en métropole une fournée d'officiers jugés incompétents. Il s'entoure de colonels dévoués, ses « maréchaux ».
En quelques mois, il va accomplir un retournement militaire inespéré face au Vietminh communiste tout en mettant sur pied les cadres politiques d'un nouvel État vietnamien unifié et démocratique.
Dès le 15 janvier 1951, il fait face à une offensive du général Giap dans le delta du Fleuve rouge, près de Hanoi. Il contient l'assaut et transforme le delta en un camp retranché. Une nouvelle attaque de Giap est repoussée en mars 1951. Plus grave, l'assaut général du 29 mai sur l'ensemble du delta met les Français en grande difficulté. Le 7 juin, un repli partiel est ordonné.
Dans cette opération, de Lattre a la douleur de perdre son fils Bernard (23 ans), lieutenant tué à Ninh-Binh. Stoïque, il ramène en métropole les corps de son fils et de deux compagnons tombés en même temps que lui. Les trois cercueils traversent Paris sur des auto-mitrailleuses, témoignant du sacrifice des jeunes Français à l'autre bout du monde.
Le général se préoccupe de « vietnamiser » l'armée et ne néglige pas la propagande et sait trouver les mots pour revigorer les coeurs. Aux jeunes élèves vietnamiens d'un lycée de Saigon, il déclare le 11 juillet 1951 : « Soyez des hommes, c'est-à-dire que si vous êtes communistes, rejoignez le Viêt-minh ; il y a là-bas des individus qui se battent bien pour une cause mauvaise. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie, car cette guerre est la vôtre. (...) Vous, les privilégiés de la culture, vous devez aussi revendiquer le privilège de la première place au combat ».
Las, le « roi Jean » est terrassé par un cancer et décède le 11 janvier 1952 sans avoir eu le temps de mener sa mission à son terme.
Aussitôt nommé Maréchal de France à titre posthume, en même temps que Leclerc, il sera inhumé dans son village de Mouilleron-en-Pareds, où il est né le 2 février 1889.
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Derejnine (12-01-2022 20:09:24)
Un des rares ou pratiquement le seul à avoir sauvé l'honneur militaire lors des combats devant Rethel à la tête de la 14e D.I. Cela aurait été bienvenu de le rappeler.