Notre collaborateur Michel Psellos a cherché, sous l'écume médiatique, les permanences de l'histoire politique française...
Avant les présidentielles des 22 avril et 6 mai 2012, les élections européennes de 1999 ont été l’unique occasion pour Nicolas Sarkozy et François Hollande de s’affronter directement devant le suffrage universel.
Des européennes trop vite oubliées
Ils étaient alors les têtes de listes respectives du RPR (Rassemblement pour la République, droite) et du PS (parti socialiste, gauche), et le score électoral fut sans appel : la liste Hollande arriva en tête avec 21,95% des voix, la liste Sarkozy finit 3ème sur le score de 12,82%, derrière la liste Pasqua-Villiers - 2ème avec 13,06%, devant la liste des Verts de Daniel Cohn-Bendit - 4ème avec 9,72% - et celle de l’UDF de François Bayrou - 5ème avec 9,29%.
Un débat télévisé avait opposé pendant la campagne de 1999 les deux têtes de liste Hollande et Sarkozy, et n’avait donc pas permis à Nicolas Sarkozy de remonter la pente. Ce n’était ni le premier ni le dernier débat entre ces deux protagonistes. Ils avaient déjà débattu en 1998 mais dans le cadre moins personnalisé de la campagne des élections régionales, où ils n’étaient pas candidats l’un contre l’autre dans la même région.
À la suite de ces élections européennes, François Hollande poursuivit jusqu’en 2008 sa carrière de premier secrétaire du parti socialiste, entamée en 1997 après l’élection de Lionel Jospin à Matignon, tandis que Nicolas Sarkozy dut démissionner du poste de président intérimaire du RPR qu’il occupait depuis la démission inopinée de Philippe Séguin en avril 1997, et se rabattit sur ses fonctions de député-maire de Neuilly jusqu’à la réélection de Jacques Chirac à l’Élysée en 2002.
Comment en est-on arrivé là et de quoi est faite la relation entre les deux concurrents du 2ème tour des élections présidentielles de 2012 ? Pour y voir plus clair, il faut remonter dans l’histoire personnelle de chaque candidat.
François Hollande et Nicolas Sarkozy démarrent de la même façon puisqu’ils sont nés respectivement en 1954 et 1955, ont vécu avec un ou plusieurs frères dans des familles désunies et ont effectué leur scolarité dans les beaux quartiers de Neuilly ou du parc Monceau.
Le premier est le fils d'un médecin proche de l'extrême-droite ; le second d'un aristocrate hongrois aux opinions très conservatrices. Les deux candidats ont aussi gardé de leur jeunesse des amis communs tels l’acteur Christian Clavier ou l’essayiste Jacques Attali.
Un énarque au caractère trempé
François Hollande est un élève brillant qui réussit coup sur coup le concours d’HEC (Hautes Études Commerciales), le diplôme de Sciences Po puis le concours d’entrée à l’ENA (École Nationale d’Administration), où il dirige la section des étudiants socialistes et séduit une des étoiles féminines de sa promotion, Ségolène Royal.
Son rang de sortie lui permettrait d’entrer dans le corps prestigieux de l’Inspection des finances comme avant lui Giscard, Rocard ou Juppé mais il préfère, comme Philippe Séguin une dizaine années avant lui, opter pour la Cour des Comptes qui laisse plus de temps libre aux passionnés de politique. Auparavant, il a fait annuler une décision l’exemptant du service militaire pour myopie et a effectué son service dans l’infanterie, à une époque où les jeunes gens bien nés cherchaient plutôt à l’éviter.
Il devient conseiller technique à l’Élysée en 1981 auprès de François Mitterrand, comme l’avait été Philippe Séguin auprès de Georges Pompidou. Il est candidat socialiste aux élections législatives dès juin 1981 dans une circonscription où ses camarades ne se bousculent pas, celle de Jacques Chirac, en Corrèze.
Il y obtient le score de 26% et s’acharne à s’implanter électoralement en terre chiraquienne, comme Philippe Séguin avant lui dans les Vosges. Il finira par être élu député de Corrèze en 1988, maire de Tulle en 2001, président du conseil général en 2008.
Jacques Chirac, qui faisait lui-même partie des mousquetaires chargés en 1967 par Georges Pompidou de reconquérir les fiefs radicaux-socialistes du Massif Central (la Corrèze était la terre d’élection du «petit père Queuille»), appréciera en connaisseur et finira par l’adouber en 2011, même si son épouse Bernadette mettra sa déclaration sur le compte de l’humour corrézien.
François Hollande mène en parallèle sa carrière au sein du parti socialiste : après avoir été fondateur des «transcourants» et soutien de Jacques Delors, il est nommé porte-parole du PS en 1995 par Lionel Jospin après les élections présidentielles, et entame alors la carrière publique que l’on sait. Premier secrétaire du parti le 27 novembre 1997, il va témoigner d'une rare habileté à louvoyer entre les «courants». Ce parcours fait-il de lui un pâle énarque égaré en politique ? Nombreux sont ceux qui l'ont pensé, comme Laurent Fabius («Hollande président? Je rêve»).
Un avocat au formidable culot
De son côté, le jeune Nicolas Sarkozy fut plus à la peine : il entre à Sciences Po mais rate son diplôme de sortie. Il se rabat sur le certificat d’aptitude à la profession d’avocat qu’il obtient avec la moyenne de 10/20. Ses ambitions se situent ailleurs, puisqu’il fait déjà de la politique à l’UJP (jeunes gaullistes) puis à l’UDR (ancêtre du RPR et de l’UMP) dans les Hauts-de-Seine, terre d’élection de la droite.
Il devient conseiller municipal de Neuilly en 1977, fait son service militaire en 1978 sur une «base aérienne» du 15ème arrondissement de Paris, épouse la nièce du maire de Neuilly Achille Peretti en 1982, et lui succède après son décès en 1983 au nez et à la barbe de Charles Pasqua, au terme d’une campagne-éclair marquée de son culot.
La suite de sa carrière est de notoriété publique : remarqué par Jacques Chirac, il obtient l’investiture du RPR qui lui permet d’être élu en 1988 député de Neuilly, une circonscription de droite pour un candidat de droite. Lui-même s'attache à sa ville, goûtant peu les séjours à l’étranger ou aussi bien en province.
Ministre du budget en 1993, porte-parole du candidat Édouard Balladur en 1995, ministre de l’Intérieur en 2002, ministre des Finances en 2004 puis président de l’UMP (ex-RPR) pour remplacer Alain Juppé rendu inéligible par décision de justice, il est élu président de la République le 6 mai 2007.
Une France fidèle à ses traditions politiques
Semblables et opposés à la fois, François Hollande et Nicolas Sarkozy sont dans le fond les représentants d’une classe politique bien plus traditionnelle qu’elle n’en a l’air. Elle plonge ses racines chez les radicaux centristes de la IIIe République bien plus que dans la nouvelle droite et la nouvelle gauche qui s’épanouissent aujourd'hui aux États-Unis.
François Hollande, qui se prévaut d'être un «président normal», rappelle à ses partisans un autre «fort en thème», Georges Pompidou, Premier ministre de Charles de Gaulle et 2ème président de la Ve République, bien plus que l'«autre François» (Mitterrand).
Le 6 mai 2012, ayant eu à choisir entre la continuité qu’incarne nécessairement le président sortant et le changement que veut incarner le candidat socialiste, les électeurs français ont en définitive élu le second avec 51,64% des voix, un résultat en définitive très modeste si l'on songe que, quelques semaines plus tôt, le président sortant était donné battu avec environ 10 points d'écart (tout le contraire de la précédente alternance, en 1981, quand le président sortant était donné très largement vainqueur).
Vos réactions à cet article
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rouergue (07-05-2012 10:38:19)
Le parcours de F. Hollande est plus comparé à celui de P. Séguin qu'à celui de N. Sarkozy.
Pour quelles raisons ?
Hervé Camier (02-05-2012 20:57:03)
Commentaire sur l'élection plus que "sur cet article".
C'est terne des deux côtés