Juin 2005

Jacques Chirac : «Apocalypse now»

Nous prédisions en mars 2004, en dressant le bilan des années Chirac (1974-2004), qu'après un nouveau désastre électoral, l'hôte de l'Élysée tenterait une dernière fois de s'en tirer en désignant Villepin au poste de Premier ministre...

Nous nous sommes trompés sur l'échéance car nous pensions alors aux élections européennes de juin 2004. Nous nous sommes trompés surtout sur l'ampleur de l'échec.

De l'opéra-bouffe à la tragédie

François Bayrou a qualifié d'« opéra-bouffe » les ultimes manœuvres du vieux solitaire de l'Élysée et son replâtrage ministériel.

Craignons que la bouffonnerie ne se termine en tragédie tant est grande la disproportion entre la mobilisation populaire du 29 mai 2005 et la réponse de la classe politico-médiatique.

Massivement désavoué par les urnes et - plus grave- discrédité aux yeux de l'étranger, Chirac menace la paix civile et le statut de la France par son entêtement à vouloir rester à l'Élysée.

Qualifié de « dinosaure » par Newsweek, le plus vieux de tous les grands chefs d'État n'a que des ennemis sur la scène internationale, mis à part le sursitaire Schröder, le transparent Zapatero et l'islamiste Erdogan.

Le Premier ministre britannique Tony Blair, brillamment réélu à la tête d'un pays prospère, a beau jeu de torpiller la politique agricole commune de Chirac, dépassée, coûteuse et tueuse d'emplois.

Les dirigeants d'Europe centrale n'ont pas oublié le mépris dont Chirac les a publiquement accablés lors de la crise d'Irak (« Vous avez perdu une bonne occasion de vous taire ! »).

Sur la scène intérieure, ses grimaces ne font plus illusion que sur les éditorialistes. Elles indiffèrent le peuple qui n'a pas oublié son pathétique aveu face aux jeunes, sur la chaîne TF1 : « Je ne vous comprends pas ».

Le Britannique Chris Patten résume la situation par une litote : « Chirac est une source d'ennuis pour la France et pour l'Europe ».

Tandis qu'une crise économique et politique majeure frappe, depuis plusieurs mois, les trois grands pays de la zone euro (l'Allemagne, l'Italie et la France), tandis que Schröder et Berlusconi s'apprêtent à en tirer les conséquences en quittant le pouvoir, la classe politique hexagonale se dispose à attendre les élections présidentielles du printemps 2007 pour offrir aux Français une sortie de crise !

La raison de cet attentisme est claire: les députés de tous bords font corps derrière le chef de l'État. Ils se gardent de l'« inviter » à démissionner parce qu'ils ne se sentent pas prêts à affronter de nouvelles élections présidentielles et législatives. On les comprend. Les élections, si elles devaient se dérouler dans les prochains mois, laisseraient beaucoup de morts sur le carreau. Morts politiques s'entend !... Mais c'est la loi de la démocratie après un scrutin aussi déstabilisant que le référendum du 29 mai.

La plupart des Français qui ont voté Non avaient la conviction que leur vote pouvait stopper une politique qui menait à la ruine la zone euro et déboucher sur une Europe plus démocratique. Les dirigeants qui ont prôné le Oui avaient la conviction opposée.

Ces derniers n'ayant pas changé d'opinion en une nuit, il est inconcevable qu'ils gèrent une situation qu'ils avaient jugé eux-mêmes ingérable... sauf à prétendre : « Nous continuons à diriger le pays parce qu'il le faut bien mais si nous échouons, c'est de votre faute et de la faute du suffrage universel ! »

Pareille irresponsabilité est sans précédent dans l'histoire de la démocratie.

Face aux orages qui se lèvent et menacent la cohésion sociale, le tissu économique et le rang de la France, il est urgent de rendre au pouvoir politique sa légitimité et sa force.

En bonne logique, les élections présidentielles et législatives devraient avoir lieu dès cet automne. Elles permettraient aux Français de vider leurs querelles et de se retrouver, jeunes et vieux, riches et pauvres, ouistes et nonistes, autour d'une nouvelle génération de responsables et d'un président respecté.

La France pourrait alors redresser la tête et prendre la place qui lui revient - la première- dans la remise à plat des institutions européennes après le vote des citoyens de France, des Pays-Bas et des autres pays auxquels sera accordé le droit de s'exprimer par référendum.

Craignons qu'à défaut de ces élections, le peuple désespéré et révolté, méprisé par la bourgeoisie des médias, ne s'insurge, multipliant grèves et manifestations jusqu'à plonger le pays dans un désordre de type insurrectionnel. « Faudra-t-il que les Français descendent dans la rue, comme en Ukraine ou en Kirghizie, pour être vraiment entendus ? L'hypothèse d'une "révolution pacifique" n'est plus totalement absurde », écrit l'essayiste Jean-Claude Guillebaud (note).

Waterloo

Le Premier ministre Villepin a imprudemment promis de rendre confiance aux Français en « Cent-Jours », comme son héros, le Napoléon des mauvais jours, mais on voit mal comment il pourra réformer quoi que ce soit en juin, juillet, août !

Ses ministres n'ont rien de plus pressé que de défaire les réformes laborieuses du précédent gouvernement, à commencer par le ministre de l'Éducation qui s'abaisse devant une poignée de jeunes énergumènes. Le ministre de la Justice lève le pied sur la sécurité routière, principale réussite du quinquennat...

Quant au ministre de l'Économie, muet avant le référendum, il retrouve la parole pour souligner l'état désastreux des finances mais s'abstient de mettre en cause l'appareil d'État obèse et impuissant.

Le Waterloo chiraquien est d'ores et déjà programmé pour la rentrée de septembre... Quoi qu'il advienne, Chirac laissera dans l'Histoire de France une tache noire. Et il portera le poids de l'échec de la construction européenne (note) si celle-ci ne devait pas se relever de la crise actuelle.

André Larané
6 juillet 2005 : échec à Singapour

Londres obtient les Jeux Olympiques de 2012. Jacques Chirac est une nouvelle fois humilié. Il fait un discours crispé à Singapour et de mauvaises blagues qui lui ont valu de nouveaux ennemis jusqu'en Finlande.

Apparaît en pleine lumière le contraste entre une France immobile et coincée et une Angleterre décontractée et démocratique! Qui l'hôte de l'Élysée peut-il encore tromper en-dehors de la classe politique et médiatique ?

Mai 2005 : référendum, Juin 2005 : fiasco du Conseil européen, Juillet 2005 : échec de Paris aux JO... A ce rythme, où en sera la France en 2007 si Chirac se maintient à l'Élysée jusqu'au terme normal de son mandat ?

La sanction risque d'être redoutable pour l'ensemble de la classe politique et médiatique qui a ignoré le vote du 29 mai et continué d'agir et parler comme si l'État n'était pas au bord de la banqueroute, l'économie au bord de la récession et le chômage à un niveau record en Europe.

Avec la fin du mirage olympique, les uns et les autres ont perdu leur ultime espoir de distraire le peuple de la réalité.

Il leur reste comme à tous les régimes aux abois la solution d'agiter la haine de l'étranger, en l'occurence l'Angleterre personnifiée par Tony Blair et coupable de réussir partout où la France a échoué (et bien sûr les États-Unis de George Bush)...

Publié ou mis à jour le : 2022-07-20 07:32:53

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