Juin 2005

29 mai 2005 : divisions et incompréhensions

Le scrutin du 29 mai témoigne d'un gouffre béant entre la bourgeoisie et le peuple. C'est un retour en accéléré à la France de Louis-Philippe 1er... Sans la foi dans le progrès.

Depuis le séisme électoral du 29 mai, la classe politique et les médias font corps derrière le président de la République et repoussent au printemps 2007 tout nouveau rendez-vous avec le peuple. Au risque d'entraîner le pays dans le chaos.

Le 29 mai 2005, au terme de débats démocratiques d'une exceptionnelle qualité, le peuple français a massivement rejeté le traité constitutionnel européen.

Le peuple contre les élites ?

Le vote Non a traduit en partie un rejet de la politique gouvernementale et de trente ans de chiraquisme. Mais il a exprimé aussi une aspiration à davantage de démocratie.

Beaucoup d'électeurs de gauche comme de droite ont signifié leur colère à des dirigeants nationaux et européens qui décident de tout (Turquie, directive Bolkestein...) sans se soucier de prendre l'avis du peuple souverain (autrefois, on appelait cela bêtement la démocratie). Ils ont rejeté un texte qui prétendait consolider cette dérive post-démocratique des institutions européennes.

«Les citoyens se sont appropriés - enfin !- la question européenne. La politique a repris ses droits. Ce basculement est virtuellement fondateur», écrit l'essayiste Jean-Claude Guillebaud dans Le Nouvel Obs.

Journalistes aveugles

Les médias, il est vrai, contestent cette analyse. Proches des pouvoirs établis et loin du peuple, la plupart des journalistes peinent à cacher le mépris dans lequel ils tiennent ce dernier (*)...

Rappelons-nous la canicule de l'été 2003 : les journalistes n'ont rien perçu pendant les trois semaines qui ont vu mourir 15.000 personnes («La chaleur persistante provoque une vague de décès et décime les élevages», Libération, 11 août 2003) !

Plus près de nous, aucun média n'a perçu la différence d'atmosphère entre les meetings empesés du Oui et ceux, enthousiastes, du Non.

Fait nouveau, on entend ou on lit des commentaires qu'aurait approuvés la bourgeoisie «libérale» louis-philipparde. Celle-ci, rappelons-nous, repoussait le suffrage universel car elle craignait que le vote populaire ne soit manipulé par les curés, les aristocrates ou les révolutionnaires.

Aujourd'hui, on peut lire sous la plume de Jacques Julliard (Le Nouvel Obs) : «En démocratie, le peuple n'a pas toujours raison, loin de là».

Serge July, de son côté, traite les électeurs du Non d'«enragés». Cette accusation de la part d'un ex-gauchiste de Mai 68 fait penser à la chanson de Jacques Brel : «Les bourgeois, c'est comme les cochons...»).

Dans le même temps, les journalistes parlent avec déférence du gouvernement Villepin et du président de la République... et il faut lire la presse étrangère pour découvrir le discrédit, voire le ridicule, dans lequel se tient l'équipe dirigeante, de Douste-Blazy à Chirac.

Politiciens et journalistes du Oui se penchent tels des entomologistes sur le peuple. On ne compte pas les expressions négatives employées pour abaisser le vote majoritaire : «xénophobe», «frileux», «repli sur soi», «Europe en panne», «insécurité sociale»...

Si les élites désespèrent à ce point des Français, que n'émigrent-elles à Coblence ? Elles pourraient à défaut se réfugier à Mayotte ou Wallis-et-Futuna. Dans ces territoires d'outre-mer, les électeurs ont voté «à l'espagnole» en faveur du traité constitutionnel : participation très faible et Oui massif (*).

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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