Nouvelle Histoire d'Europe

Claude Fouquet (L'Oeuvre, 212 pages, 20 euros,  2013)

Nouvelle Histoire d'Europe

Avec cet essai plein d'érudition et d'allant, Claude Fouquet développe une réflexion revigorante et audacieuse sur les origines de notre Histoire.

Historien et ancien diplomate, il a déjà bousculé les idoles dans un précédent essai, Modernité, source et destin (L'Harmattan, 2009). Il a aussi écrit une biographie romancée de Julien l'Apostat, neveu de l'empereur Constantin. Mort à 32 ans, il ne régna lui-même que deux ans et échoua à tenter de restaurer dans l'empire romain le paganisme et la philosophie traditionnelles. 

Ce nouvel essai débute par le récit d'une défaite romaine : les légions de Quintilius Varus sont anéanties par les Germains d'Arminius dans la forêt de Teutoburg en l'an 9 de notre ère. De la sorte, jamais Rome n'a pu coloniser la Germanie. Faut-il s'en plaindre? Sans doute pas... Citant les travaux de l'historien Paul Veyne, l'auteur montre que «les Romains ont appauvri et dépeuplé l'Europe» (page 15), contrairement à ce que pourrait laisser croire la faveur dont jouit la culture gréco-latine auprès des élites modernes depuis cinq siècles.

Claude Fouquet dresse un portrait «mal-pensant» de cette culture qui privilégiait la guerre, l'esclavage et les assassinats et à laquelle, dans les faits, nous ne devons pas grand-chose. 

L'Europe ne prend d'ailleurs conscience d'elle-même que bien après la chute de Rome. Le mot désignant les Européens (Europenses en latin) apparaît pour la première fois une vingtaine d'années après la bataille de Poitiers qui a vu l'arrêt de la progression musulmane en Occident et, plus important, l'union des descendants des Germains et des Gallo-Romains face à l'intrus.

Vive le droit

Claude Fouquet montre le changement qui survient avec la christianisation. Il raconte avec brio comment se met en place une société radicalement nouvelle après la conversion de Constantin. Le haut Moyen Âge voit émerger dans la douleur une société tournée vers le travail et la production de richesses, non la guerre. La laïcité se met en place. Les femmes gagnent en dignité : «le respect de la femme est une caractéristique de la culture européenne», rappelle-t-il (page 76), mais il régresse à partir de la Renaissance et jusqu'au XXe siècle avec la remise en selle de la pensée et du droit antiques. 

Plus important que tout, la société de confiance est une invention décisive, apparue dans l'Europe féodale. Elle apparaît de façon improbable, dans le respect des coutumes propres à chaque communauté, villageoise ou autre, ce que les Anglais appellent avec un infini respect «common law».

Ce respect de la coutume, qui préserve la paix sociale et  garantit les contrats, est mis à mal selon Claude Fouquet par les idéologues du Siècle des Lumières, qui développent le mythe de la table rase et le droit pour le peuple souverain de tout chambouler dès lors qu'une majorité en est d'accord.

C'est le début d'affrontements sans fin qui puisent leur justification idéologique dans un écrit méconnu, le rapport sur l'état du royaume rédigé par le comte Henri de Boulainvilliers (1658-1722) à la demande du roi Louis XIV. L'auteur, s'écartant de sa mission, développe l'idée nouvelle, en rupture avec l'universalisme chrétien, selon laquelle le royaume serait l'objet d'une «guerre permanente entre deux races, la gauloise et la franque». Cette idée d'un conflit inévitable à l'intérieur de la société va inspirer Montesquieu et ses suiveurs, jusqu'à Rousseau et même Marx. 

Claude Fouquet remonte à partir de là le courant des idées, du XVIIe siècle à nos jours, en identifiant les dérives dont nous payons aujourd'hui le prix.

André Larané

 


Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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