Frédéric II le Grand ou l'Unique (en allemand : Friedrich der Grosse) est le plus illustre souverain de la dynastie des Hohenzollern.
Celle-ci, ne se satisfaisant pas de son titre de Prince-Électeur de Brandebourg (la région de Berlin), avait obtenu en 1701 le titre de roi en Prusse (ses possessions orientales) puis roi de Prusse.
Frédéric II porte le royaume à son apogée en tirant parti de l'oeuvre administrative de ses prédécesseurs et en usant de ses talents de stratège et de diplomate.
Son État, démuni de ressources, sur les marches orientales du Saint Empire romain germanique, va ainsi devenir la plus grande puissance d'Europe centrale, en concurrence avec l'Autriche.
Après la mort de Frédéric II, la Prusse ne tardera pas à se poser en rivale de ses principaux voisins, l'Autriche bien sûr, mais aussi la Russie et la France.
Vers elle vont se tourner les patriotes désireux de rebâtir l'unité politique de l'Allemagne après la faillite du Saint Empire... en dépit de ses traditions austères et militaires, héritées de la Prusse teutonique et fort peu allemandes.
Cliquez pour agrandir
En usant de l'armée forgée par son père, le roi va étendre son pays au fil de deux guerres majeures (guerre de la Succession d'Autriche et guerre de Sept Ans) et du démembrement de la Pologne...
Une enfance à la dure
Né au château royal de Berlin le 24 janvier 1712, le futur souverain est éduqué dans l'amour de la culture française par sa gouvernante Mme de Rocoules et son précepteur Duhan de Jandun, deux protestants chassés de France par Louis XIV.
Il connaît néanmoins une enfance très éprouvante, sous la férule de son père Frédéric-Guillaume Ier, dit le « Roi-Sergent ». Celui-ci n'a d'autre passion que son armée. Il dote la petite Prusse de la quatrième armée d'Europe, lui consacre 70% de son budget et pour son plaisir se dote d'une garde personnelle de géants, les Lange Kerle ou « Grands Gaillards ».
Frédéric-Guillaume Ier veut élever son héritier à la dure, de façon militaire, et s'inquiète de son goût pour les arts et la philosophie... ainsi que pour la flûte !
Quand le roi découvre la bibliothèque clandestine de son fils, sa dureté ne connaît plus de bornes. Le jeune homme, au désespoir, tente de quitter le pays avec un ami, le lieutenant Hans Hermann von Katte. Son père le fait rattraper et, faute de mieux, le jette dans la forteresse de Küstrinn après lui avoir imposé d'assister à la décapitation de son ami (au moins le prince lui-même échappe-t-il à la mort ; le tsarévitch Alexis tué par son père Pierre le Grand n'avait pas eu cette chance).
Dans l'épreuve, Frédéric change du tout au tout. Se soumettant à la volonté de son père, il se forme avec assiduité aux questions administratives et militaires. Une fois libéré, il reprend aussi ses chères études dans son château de Rheinsberg, correspond avec Voltaire et s'initie à la franc-maçonnerie. Il cultive aussi à dater de ce moment l'art de la dissimulation.
Pour faire bonne figure, le jeune homme va jusqu'à épouser la princesse Élisabeth Christine de Brunswick-Bevern, nièce de l'empereur Charles VI de Habsbourg. Mais dès son couronnement, il prend la décision d'éloigner sa femme, qui va dès lors faire résidence à part. Sa répugnance manifeste pour les femmes va nourrir des rumeurs sur son homosexualité mais il n'en laissera rien paraître tout au long de sa vie.
En l'absence d'enfant, c'est à son neveu que Frédéric lèguera son royaume...
Un chef de guerre adepte de la Realpolitk
Enfin, le 31 mai 1740, voilà Frédéric roi de Prusse. Il hérite d’un royaume bien administré et d’une armée très disciplinée de 80 000 hommes, encore jamais employée. Elle inclut, fait unique, un Régiment des géants. Il s'agit de « grands gaillards » recrutés à travers l'Europe par le Roi-Sergent. Dans l'infanterie, ils ont plus de facilités que quiconque à charger les longs fusils et sont plus efficaces quand il s'agit de charger à la baïonnette.
Frédéric se veut le modèle du « despote éclairé » prôné par les Encyclopédistes mais se présente avant tout comme le « premier serviteur de l’État », au service exclusif de son pays.
Il porte l'armée prussienne à un degré d'excellence inégalé, avec un effectif de 180 000 supérieur à celui de toutes les autres armées européennes. Effectif d'autant plus impressionnant que le royaume ne compte à son avènement que 2,2 millions d'habitants (dix fois moins que la France).
Après la mort de Frédéric II, le Français Mirabeau dira avec justesse de son royaume : « La Prusse n'est pas un État qui possède une armée, mais une armée qui possède un État ».
Dès le 16 décembre 1740, le roi engage cette armée dans la guerre de la Succession d’Autriche (1740-1748). Lui-même fait un piètre début en fuyant précipitamment le champ de bataille de Mollwitz, le 10 avril 1741.
Il envahit néanmoins la Silésie et l'annexe en se jouant de la France son alliée, d'où l'expression qui fleurit à Paris : « travailler pour le roi de Prusse ».
C'est dans l'Europe moderne la première annexion sans la moindre justification dynastique. Elle est entérinée par le traité de Dresde du 25 décembre 1745 avec l'impératrice Marie-Thérèse. Un précédent lourd de conséquences dont les souverains vont se prévaloir dans les partages de la Pologne et plus encore les révolutionnaires français dans leurs entreprises de conquête.
Dans les dix années qui suivent, l'Autriche songe à une revanche. Des deux côtés, on s'assure des alliances ; l'Autriche avec la Russie puis la France, la Prusse avec l'Angleterre.
La nouvelle guerre, dite guerre de Sept ans (1756-1763), éclate avec l'invasion de la Saxe par Frédéric II le 29 août 1756. Cette guerre que d'aucuns considèrent comme une première guerre mondiale débute par une série de catastrophes du côté prussien. Le royaume est envahi et les campagnes livrées au pillage. Frédéric II, accablé par ses erreurs d'appréciation, songe plusieurs fois au suicide. Il se ressaisit toutefois à Rossbach, en 1757, avec une victoire de la dernière chance sur les armées franco-autrichienne.
Le roi sauve la mise grâce à la mort de la tsarine Élisabeth et à l'arrivée sur le trône de Russie d'un souverain prussophile, Pierre III, qui s'empresse de conclure la paix le 5 mai 1762 (contre l'avis de son épouse Catherine, de ses conseillers et de son état-major). Le traité d'Hubertsbourg, le 15 février 1763, confirme la cession de la Silésie à la Prusse, avec la Posnanie en prime.
Victorieuse mais exsangue, la Prusse est hors d'état d'encaisser une nouvelle guerre. Or, la nouvelle tsarine Catherine II et l'impératrice Marie-Thérèse ont des visées sur le royaume moribond de Pologne-Lituanie. Pour éviter un nouveau conflit, Frédéric II propose un démembrement à l'amiable, un procédé inique qui enfreint toutes les règles de la diplomatie ! C'est chose faite le 17 février 1772.
Une nouvelle et dernière guerre éclate avec l'Autriche autour de la succession de l'Électeur de Bavière, mort le 31 décembre 1777. Une médiation française y met rapidement un terme par la convention de Teschen.
Un réformateur et un « despote éclairé »
S'il porte un soin particulier à son armée, Frédéric II n'en néglige pas pour autant l'intendance. Il hisse son pays parmi les grandes puissances européennes.
Souverain absolu, il gère le royaume comme son bien personnel. Comme il a besoin de la noblesse pour encadrer son armée, il lui permet en échange de renforcer son emprise sur la paysannerie. Il accueille les huguenots mais aussi les jésuites réduits à l'état laïc et laissés sans ressources.
Il développe l'instruction publique avec le ministre von Zedlitz qui va unifier l'enseignement et mettre en place en 1788 l'Abitur (l'équivalent du baccalauréat). Il modernise la justice et abolit la torture. Les juristes Carmer et Svarez mettent en place un code civil applicable à toute la Prusse et à tous ses habitants, y compris le souverain.
Avec ce Code civil, officialisé en 1793, se met en place un État de droit sans guère de précédent en Europe continentale. Le roi lui-même en éprouve les astreintes quand il veut faire détruire le moulin Arnold...
Profitant de la période de paix qui sépare ses deux grandes guerres contre l'Autriche, le roi fait assainir les marais de l'embouchure de l'Oder, ouvrant ces vastes territoires à la colonisation. Il montre aussi de l'intérêt pour les techniques nouvelles, y compris la culture de la pomme de terre, qui devient l'aliment de base de la population.
Enfin, il hisse sa capitale Berlin au rang des grandes villes européennes en construisant le long de l'avenue Unter den Linden les immeubles qui font sa réputation.
À sa mort, le 17 août 1786, la population de la Prusse passe de 2,2 millions de sujets à 6 millions (sur 195 000 km2) et Berlin triple sa population à près de 150 000 habitants.
À l'image de nombreux « philosophes » de son temps, le roi est peu porté vers la religion. Il se montre volontiers anticlérical et sans doute est-il au fond de lui-même simplement déiste ou agnostique.
Dans un traité politique de sa main, Histoire de mon temps, il affiche son hostilité à la monarchie de droit divin. Il est en cela très moderne et sa vision de l'absolutisme a plus à voir avec les dictatures du XXe siècle qu'avec le pouvoir de Louis XIV, lequel était tempéré par les préceptes religieux.
Francophile passionné
Bien qu'ayant combattu la France pendant la guerre de Sept Ans, le roi fait preuve de francomanie. On lui prête cette formule apocryphe : « Je parle français à ma cour, italien à mes dames, espagnol à Dieu et allemand à mes chevaux. » De fait, il parle et écrit très bien le français, qu'il tient pour une langue très supérieure à l'allemand, jugée immature. « Elle a besoin d'être limée et rabotée », dit-il de celle-ci.
En 1743, il construit sa résidence d'été de Potsdam, dans les environs de Berlin, dans un style français proche du Trianon de Versailles, sur les plans de Knobelsdorff. À ce petit palais sans prétention, le roi donne qui plus est un nom français : Sans-Souci.
À l'image de la tsarine Catherine II, toute aussi francophile, il fonde une Académie des sciences de Berlin et en confie la présidence à Maupertuis en 1745. Ami des « philosophes » du siècle des Lumières, il cultive avec Voltaire l'amour de la langue française. L'idylle, il est vrai, ne dure que quelques mois (1750-1752).
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Aucune réaction disponible