Élie Decazes (1780 - 1860)

Le jeune et brillant « favori » de Louis XVIII

Il était jeune, beau, élégant, cultivé, il avait de l’entregent et de l’ambition. Élie Decazes a été le « dernier favori » de l’Histoire, selon François de Coustin qui lui a consacré une biographie (Élie Decazes, Perrin, 2020).

Étonnant destin que celui de ce roturier du Libournais qui s’est hissé dans l’entourage de Louis XVIII au point d’être considéré et traité par le roi comme son « fils ». Son père Michel Decazes, était procureur et notaire à Libourne, sa mère Catherine Trigant, fille d’un avocat au Parlement de Bordeaux et juge héréditaire de Guitres, près de Libourne. 

Élie Decazes, né le 28 septembre 1780, est donc issu de cette bourgeoisie d’Ancien régime, notables provinciaux aux revenus substantiels qui lui permettront d’étudier chez les Oratoriens de Vendôme. Son père navigue avec opportunisme politique jusqu’à la Restauration, réussissant à être conseiller général de Gironde de 1800 à 1815, et jurant fidélité à Louis XVIII. 

Fils de juriste, Decazes devient avocat à Libourne. Enthousiasmé par les succès militaires de Bonaparte, il « monte » à Paris et trouve un emploi modeste au ministère de la Justice. Il se lie avec des personnalités parisiennes, dont Honoré Muraire, dignitaire du régime qui l’introduit dans l’entourage de l’Empereur. Élie Decazes fait la connaissance d’Hortense de Beauharnais, reine de Hollande, épouse de Louis Bonaparte dont il sert les intérêts avant de jouer de ses relations au sein de la famille de Napoléon pour obtenir une place de conseiller à la cour impériale de Paris. 

Il restera fidèle à la famille impériale jusqu’à sa chute, puis sera nommé préfet de police du ministère dirigé par Talleyrand sous Louis XVIII. Ses fonctions lui permettent alors de rencontrer le roi et d’obtenir rapidement un accès direct et permanent au souverain. C’est le début d’une relation privilégiée inattendue pour l’ambitieux provincial. François de Coustin explique cet étrange rapport : « Louis XVIII est un homme seul. Veuf depuis des années d’une femme qu’il n’a jamais aimée et qui ne l’aimait pas, sans enfant parce qu’incapable d’en faire, il a reporté son besoin d’affection (…) sur des favoris. »

Louis-Philippe et Marie-Amélie visitant le musée du Luxembourg en 1838, Auguste Jean-Simon Roux, château de Versailles. Le peintre Jean-Claude Naigeon présente aux souverains les fonctionnaires du musée, en présence du duc et de la duchesse Decazes, du comte de Montalivet et du commandant militaire du Luxembourg, Douay.Decazes n’est pas le premier, mais il sera celui qui marquera le plus Louis XVIII. Leur relation virera quasiment à la passion. Le roi y trouve aussi un avantage politique. « Decazes a pour intérêt d’être distrayant dans la solitude et l’ennui d’un monarque sans ami : il l’alimente en informations sur la famille de Napoléon qu’il a côtoyée ; préfet de Police, il est au courant de bien des choses. Decazes le comprend vite et fournit le roi en anecdotes et ragots sur la cour et la Ville. Et puis, il est jeune au milieu d’un personnel politique qui a connu l’Ancien Régime, la révolution et/ou l’Empire. Le monarque vieillissant va se faire le pygmalion de ce jeune ambitieux », analyse François de Coustin. 

Malin, Decazes écoute les leçons, conforte son interlocuteur. Les deux hommes se voient et s’écrivent quotidiennement. Privilège incroyable, Decazes est tutoyé par le roi qui noue avec lui une relation paternelle. « Ne songez-vous jamais que vous avez un père ? Je songe si souvent que j’ai un fils (…) Confiez-vous à votre père. », lui écrit-il. Dans une autre missive, il note : « À ce soir m. E.j.t.p.s.m.c.e.j.t.b.m.e.m.f », une phrase qu’il faut décoder ainsi : « Mon Élie , je te presse sur mon cœur et je te bénis, mon enfant, mon fils. »

Bien sûr, cette relation hors-norme fait jaser au moment où Decazes succède à Fouché au ministère de la Police. Dès lors commence véritablement la carrière nationale de Decazes qui, fort de son statut de favori, deviendra le personnage central de la politique de Louis XVIII pendant près de cinq ans, de 1815 à 1820, en tant que ministre puis président du Conseil. Une période pendant laquelle il luttera sans merci contre les ultras dont il craint qu’un éventuel retour au pouvoir ne provoque une nouvelle révolution, et contre les libéraux. 

« Decazes veut arriver à une forme d’unanimité politique qui ne peut être obtenue qu’avec une monarchie libérale »,analyse de Coustin. Un pari difficile dans un pays tiraillé entre les ultras qui veulent prendre leur revanche sur la Révolution et des libéraux divisés. L’auteur raconte les manœuvres politiciennes marquant ces premières années de la Restauration et auxquelles participe Decazes afin de trouver une majorité stable. 

Pris entre deux feux, pivot de la vie politique et mondaine, le favori de Louis XVIII est la cible de violentes attaques de tous bords qui culminent avec la campagne aussi haineuse qu’injuste orchestrée par les ultras lors de l’assassinat du duc de Berry dont ils lui font porter la responsabilité. Un épisode qui précipite sa chute. 

Deux portraits photographiques du duc Decazes réalisés par Nadar et Eugène Disdéri, 1859, Paris, BnF, Gallica.Après une brève activité d’ambassadeur à Londres, Decazes se retire dans ses terres familiales de La Grave avant d’amorcer la deuxième partie de sa vie, celle qui fera de lui un notable et un pair influent durant la fin de la Restauration et sous la monarchie de Juillet, ainsi qu’un haut responsable franc-maçon. Une activité politique incessante qui renforcera son amitié avec Guizot et qu’il doublera de celle de « capitaine d’industrie »

Doté d’un puissant réseau dans le monde économique tissé à Paris où il tient salon et enchaîne les réceptions, il se lance dans l’exploitation des forges de l’Aveyron qui donnera naissance à une ville portant son nom, Decazeville ! 

Son biographe retrace précisément les étapes qui font de Decazes un entrepreneur aux fortunes diverses qui se passionne aussi pour l’agriculture. Jusqu’à sa mort en 1860, malgré la maladie et la souffrance, il s’impliquera dans la vie publique locale et nationale, laissant derrière lui l’image d’un homme d’État trop méconnu qui pâtit longtemps de la détestation de la frange la plus réactionnaire de l’échiquier politique de la Restauration. 


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Publié ou mis à jour le : 2024-11-05 10:36:00

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