Le 21 septembre 1822, quatre sergents du 45e régiment de ligne basé à La Rochelle sont guillotinés à Paris, en place de Grève. Leur crime est d'appartenir à la Charbonnerie, une organisation qui fait profession de comploter contre le régime.
Depuis l'exil de Napoléon Ier à Sainte-Hélène et la restauration du vieux roi Louis XVIII, les quelques milliers de bourgeois autorisés à voter se partagent entre les ultra-royalistes et les nostalgiques de la Révolution ou de l'Empire.
Comme la loi électorale empêche les libéraux de se faire entendre au Parlement, ces derniers complotent dans des organisations secrètes. La plus importante est la Charbonnerie. Créée par des étudiants, elle emprunte son nom aux « carbonari » napolitains, une organisation similaire née sous l'occupation française !
Cette société secrète est similaire dans son fonctionnement aux loges maçonniques. Elle compte parmi ses animateurs Philippe Buonarroti, né à Pise en 1761, dans une famille qui se flatte d'avoir donné au monde Michel-Ange ! Lui-même a participé avec Gracchus Babeuf à la Conjuration des Égaux, à la fin de la Révolution, avant d'être exilé.
La Charbonnerie se donne pour objectif l'élection d'une Assemblée Constituante destinée à restaurer la souveraineté populaire. Mais ses revendications laissent la masse du peuple indifférente. Depuis la chute de Napoléon Ier, les Français, dans leur majorité, aspirent à vivre en paix et se désintéressent des jeux politiques de la bourgeoisie.
Parmi les membres de la Charbonnerie figurent des savants illustres comme Edgar Quinet, Augustin Thierry ou Victor Cousin, des officiers demi-soldes de l'armée impériale que la paix a réduits à l'inactivité, des républicains sincères ou encore de jeunes militaires qui rongent leur frein comme les sergents de La Rochelle.
Le populaire marquis de Lafayette, ancien député entré dans l'opposition libérale, en fait partie. Le prince Louis-Napoléon Bonaparte, futur empereur Napoléon III, est lui-même un temps affilié à la branche italienne.
Les Charbonniers sont surtout présents dans les villes de garnison. Ils sont constitués en groupes de vingt hommes, les « ventes particulières », qui suivent les instructions des «ventes centrales», eux-mêmes subordonnés à des « hautes ventes » dont nul ne connaît l'identité (on pense à La Fayette !).
Au nombre de 10 000 à 40 000, les militants de la Charbonnerie ne menacent pas sérieusement le régime comme le montre l'échec de leurs tentatives de soulèvement à Belfort et à Colmar. A Saumur, un général, Berton, tente d'entraîner la garnison. Il est arrêté et, à l'instant d'être guillotiné, crie « Vive la Liberté ! »
La police du gouvernement Villèle met cependant tout en oeuvre pour lutter contre l'organisation secrète. Elle arrête un sergent dénommé Bories, qui a imprudemment parlé dans une diligence. Il est jugé avec ses amis, également sergents, Goubin, Pommier et Raoulx.
Leur mort courageuse émeut l'opinion publique, indignée par l'excessive sévérité du tribunal. Les journaux libéraux dénoncent le sort fait à de simples militants. Les jeunes artistes des débuts du romantisme s'enivrent des témoignages d'amitié et d'altruisme offerts par ces martyrs.
De multiples lithographies vont nourrir la légende des Quatre Sergents de La Rochelle jusqu'à la révolution des « Trois Glorieuses » (27-28-29 juillet 1830) qui remplacera la dynastie des Bourbons par... celle des Orléans (Louis-Philippe Ier).
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
MUNIER (20-09-2021 05:02:37)
Au cimetière Montparnasse il y a un monument dédié au 4 sergents, très émouvant, 4 colonnes brisées, j'ignore si les sépultures sont là.
momon (21-09-2017 17:48:46)
Bonjour, Sauf a être dans les secrets des couloirs politiques autorisés, je m'interroges de savoir, qui fait parti d'une semblable organisation, afin de "refonder" une réelle démocratie en France... Lire la suite