1055 à 1923

Les Turcs, des Seldjoukides aux Ottomans

Les Turcs ont joué dans l'Histoire universelle, au cours du dernier millénaire, un rôle majeur dont on a peine à se rendre compte aujourd'hui.

Ils ont ouvert la voie aux Mongols en Russie, en Chine et au Moyen-Orient. Ils ont aussi entamé l'islamisation du sous-continent indien. Enfin, pendant près d'un millénaire, ils ont harcelé la chrétienté, autrement dit l'Europe, sur ses marges orientales. C'est contre eux qu'ont été dirigées les croisades (dico).

Plus tard, leur conquête de Constantinople a eu pour double effet de chasser vers l'Italie les savants et lettrés grecs, sans lesquels il n'y aurait pas eu de Renaissance, ainsi que d'inciter les navigateurs portugais à contourner par la mer le Moyen-Orient soumis à leurs armes. Grâce à quoi Vasco de Gama atteignit l'Inde et Christophe Colomb l'Amérique.

André Larané

Guerriers turcs (bas-relief provenant de Konya, musée des arts turcs et islamiques, Istamboul)

Le Moyen-Orient, des Arabes aux Ottomans

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Le Moyen-Orient, des Arabes aux Ottomans
L'Antiquité s'achève avec l'irruption dans tout le Moyen-Orient des cavaliers arabes, animés par leur foi en l'islam...
Mais la suprématie arabe est mise à mal au bout de deux siècles par l'irruption des Turcs. L'une de leurs tribus, les Ottomans, va installer sur les rives de la Méditerranée un nouvel empire universel, concurrent de son voisin perse ou iranien. La Grande Guerre (1914-1918) va l'anéantir et engendrer la plupart des États actuels...

Des nomades très envahissants

Les Turcs sont des nomades apparentés aux Mongols et issus de la steppe asiatique. Au VIIIe siècle, au temps de Charles Martel, l'une de leurs branches, les Khazars, s'établit sur la Volga et se convertit au... judaïsme ! D'autres Turcs, plus au sud, entrent au service des émirs perses, se convertissent à l'islam, s'émancipent et, sous la conduite d'un chef nommé Mahmoud de Ghazni, se lancent vers l'an 1000 à la conquête de l'Inde du nord.

À la même époque, les avant-gardes turques apparaissent au Moyen-Orient sous le commandement de Toghrul-beg. Celui-ci est le petit-fils d'un chef de tribu de la steppe kirghize dénommé Seldjouk, d'où le nom de Seldjoukide donné à sa horde. Converti à l'islam, il prend le pouvoir à Bagdad, capitale de l'empire arabe, en 1005, en s'octroyant le titre de sultan et en ne laissant au calife arabe que des pouvoirs religieux et honorifiques.

Les Arabes, dès lors, sortent de l'Histoire. Sujets de seconde zone sous l'autorité turque, ils retrouveront en 1918 une indépendance quelque peu formelle après que Français et Anglo-Saxons auront abattu l'empire ottoman.

Les Turcs Seldjoukides s'emparent de l'Arménie et remportent une écrasante victoire sur l'empereur byzantin à Malazgerd (ou Manzikert) en 1071. Sur les territoires enlevés aux Grecs, ils fondent le sultanat de Roum (ce nom est une déformation du mot Romains, car le sultanat s'est constitué aux dépens de l'empire romain d'Orient).

Byzance même est dès lors menacée et appelle l'Occident à la rescousse. Le pape Urbain II lance à Clermont un appel à combattre les infidèles. C'est la première croisade. Elle sauve la chrétienté byzantine du sort dont a été victime l'empire arabe de Bagdad.

À Bagdad, loin des lieux d'affrontement entre croisés et Turcs, les Seldjoukides s'avachissent dans le luxe... Ils ne peuvent éviter la dislocation de l'empire en plusieurs sultanats rivaux et la prise de leur capitale par les Mongols en 1258.

Le rouleau-compresseur ottoman

Une tribu tout juste arrivée de la steppe, encore pleine de vigueur guerrière, s'installe vers 1281 sur les ruines du sultanat de Roum. Le chef de cette tribu est un Turc du nom d'Osman ou Othman, d'où le nom d'Ottoman qui sera porté par ses membres.

Eux-mêmes s'appellent plus volontiers « Osmanlis ».

Orkhan, le fils d'Osman 1er, enlève aux Byzantins leurs dernières possessions d'Anatolie... En 1353, il traverse le détroit du Bosphore et prend pied sur le continent européen sous le prétexte de soutenir la cause d'un prétendant au trône byzantin, Jean Cantacuzène.

On doit à Orkhan l'organisation administrative du futur empire et la création du corps redoutable des janissaires (dico).

Son fils Mourad Ier se sent assez fort pour prendre le titre de sultan et afficher ainsi son indépendance à l'égard des Mongols de Bagdad. Il a tôt fait de soumettre les Balkans. En 1362, il défait une armée de croisés conduite par le roi Louis Ier de Hongrie et installe sa capitale à Andrinople, à deux pas de Constantinople, l'objectif ultime.

Le 28 juin 1389, a lieu la dramatique bataille de Kosovo Polié qui voit la fin de l'indépendance serbe. Quelques années plus tard, à Nicopolis, les croisés sont une nouvelle fois écrasés par Bajazet, le successeur de Mourad.

Plus rien ne semblerait s'opposer au triomphe ottoman sinon une improbable attaque de Tamerlan !...

Bajazet est défait et capturé à Angora par le conquérant turco-mongol qui a fait irruption de l'Orient. La bataille d'Angora, en assommant les Ottomans, va offrir un répit inespéré de cinquante ans à Constantinople. La « nouvelle Rome » est finalement conquise le 29 mai 1453 et devient sous le nom d'Istamboul la capitale définitive de l'empire ottoman.

Tandis que l'Europe orientale et balkanique est colonisée par les nouveaux venus, l'Occident accueille les savants et érudits byzantins et tire de leurs savoirs assez d'énergie pour partir à la conquête du monde.

Bref apogée de l'empire ottoman

Le nouvel empire, à cheval sur l'Occident chrétien et l'Orient à majorité musulmane sunnite, va vivre au XVIe siècle un bref apogée, en particulier sous le règne de Soliman, surnommé en Occident le Magnifique (1520-1566), avec lequel le roi de France François 1er se permet même de nouer une alliance contre son rival Charles Quint.

Vienne est assiégée (sans succès) à l'automne 1529. Mais toute l'Europe balkanique et la Hongrie tombent sous la coupe des Turcs, de même que l'ancien empire arabe de Bagdad. Seul le Maroc conserve encore et toujours son indépendance.

Les sultans laissent une grande autonomie aux peuples assujettis, se contentant (ce qui n'est tout de même pas rien) de prélever l'impôt spécial aux non-musulmans et d'enlever des enfants chrétiens pour en faire de futurs janissaires. L'architecte Sinan, un ancien janissaire d'origine grecque, magnifie le règne de Soliman avec ses splendides mosquées, inspirées de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople (celle-ci a été transformée en mosquée depuis la conquête de la ville).

Lent déclin

Après la mort du sultan Soliman le Magnifique, l'empire turc entre en décadence, jusqu'à sa désintégration à l'occasion de la Première Guerre mondiale.

Les luttes de succession, dans le harem du sultan, affaiblissent le régime. L'armée, et en particulier le corps des janissaires, gavée d'honneurs et de privilèges, perd peu à peu ses vertus combatives.

Les sultans eux-mêmes se comportent en « rois fainéants » et ne daignent bientôt plus présider les réunions du cabinet impérial, le divan.

Dès 1571, les Turcs subissent une mémorable défaite navale à Lépante face à une flotte espagnole et vénitienne. Mais leurs armées n'en demeurent pas moins redoutables et craintes jusqu'à la fin du XVIIe siècle.

C'est seulement après leur nouvel échec devant Vienne en 1683 et leurs défaites successives face au prince Eugène qu'elles cessent définitivement d'être une menace pour les Européens.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, la décompositionde l'empire ottoman n'est plus évitée que par la mésentente des grandes puissances européennes concernées (Autriche, Russie, Angleterre, France).

L'empire, réduit à l'Anatolie, la région d'Istamboul et le monde arabe, disparaîtra à l'issue de la Première Guerre mondiale pour laisser la place à l'actuelle République turque.

Bibliographie

On peut lire avec intérêt la passionnante Histoire des Turcs, deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée, par Jean-Paul Roux (Fayard, 2000).

Publié ou mis à jour le : 2023-08-25 12:37:14

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