Rambuteau, pour les Parisiens, évoque une station de métro et une rue au nord des Halles. Qui sait qu'il est aussi le nom du précurseur d’Haussmann ? Préfet de la Seine et donc de Paris de 1833 à 1848, sous le règne de Louis-Philippe, il a entamé avec énergie la modernisation de la capitale.
Sans le comte de Rambuteau, le baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, sous le règne de Napoléon III, aurait été bien en peine d’accomplir l’œuvre de rénovation et d’embellissement portée à son actif.
Un serviteur de l’État
Avant de servir Louis-Philippe, Rambuteau avait déjà une longue expérience des affaires publiques.
Claude-Philibert Barthelot, comte de Rambuteau est né le 9 novembre 1781 à Macon (Beaujolais). Il a commencé sa carrière comme haut fonctionnaire sous le Premier Empire. Nommé chambellan de Napoléon Ier en 1809, il devient comte d’Empire l’année suivante, préfet du département du Simplon en 1813, puis de la Loire en 1814.
Durant les Cent Jours, il est à nouveau au service de l’Empereur. Très impressionné par toute cette période napoléonienne à laquelle il a collaboré étroitement, il écrira dans ses Mémoires : « C’était la grande école de gouvernement, si j’ai valu quelque chose depuis, c’est à cette école que je l’ai dû. »
Limogé par Louis XVIII sous la seconde Restauration, il se retire en Bourgogne pendant douze ans et commence à rédiger ses Mémoires.
Marié à la fille du comte Louis de Narbonne, diplomate et ami de Mme de Staël, il participe à la vie politique en étant élu député de l’opposition libérale en Saône-et Loire en 1827, puis réélu en 1830.
Ce n’est que trois ans plus tard que Louis-Philippe l’investit de la fonction de préfet de la Seine qu’il occupera jusqu’en 1848, tout en étant nommé pair de France en 1835. Rambuteau fait alors le constat d’une ville de Paris insalubre, aux rues étroites, sales, tortueuses, encore marquées par un urbanisme médiéval qui facilite la propagation des maladies comme le choléra en 1832.
Il écrit au roi : « Dans la mission que Votre Majesté m'a confiée, je n'oublierai jamais que mon premier devoir est de donner aux Parisiens de l'eau, de l'air et de l'ombre. »
Il commence par frapper d’alignement 500 maisons dans le centre de la ville, dont les façades rétrécissaient la voie. À son initiative, une loi d’expropriation pour cause d’intérêt public est votée le 3 mai 1841, permettant d’élargir des artères ou d’en tracer de nouvelles.
Elle sera appliquée avec une plus grande ampleur par Haussmann à partir de 1853. Les quartiers anciens de la Cité et de la rive droite sont remodelés, le plus souvent de manière anarchique, faute d’un budget suffisant pour prévoir un plan d’ensemble. « Le vieux Paris disparaît ! », s’afflige Balzac.
Rambuteau améliore aussi la voierie. Les quais de Seine sont achevés jusqu’au pont de Bercy, à l’Est ; les berges de la rive droite deviennent ainsi une voie continue et carrossable. Sur la rive gauche, le quai Saint-Bernard bénéficie d’une totale réfection.
De nouvelles rues sont créées : Arcole (près de Notre-Dame), Constantine, Soufflot. Le premier tronçon du boulevard de Strasbourg est mis en œuvre. Innovant, Rambuteau fait percer ensuite une artère de 13 mètres de largeur près des Halles, la première de cette ampleur. Cette rue « de grande communication » , qui portera son nom, amorce le désenclavement du Marais, vieux quartier médiéval entre les Halles et l’île de la Cité.
Il procède également au nivellement des Grands Boulevards créés sous le règne de Louis XIV et leur raccorde les rues adjacentes. Il assainit les trottoirs en faisant construire des urinoirs publics - pas moins de 450 ! - que ses détracteurs s’empressent d’appeler « colonnes Rambuteau ». Fâché que son nom soit accolé à ce type d’équipement, il les rebaptise « vespasiennes » en l’honneur de l’empereur romain, qui le premier a taxé la collecte de l’urine en déclarant selon la légende que « l’argent n’a pas d’odeur ».
Il accélère le rythme de construction des égouts : alors que moins de 40 kilomètres ont été installés en quatre siècles, il double le réseau en quelques années, l’étendant à 96 kilomètres en 1848. Passionné d’horticulture, le préfet développe enfin les squares et fait planter des arbres sur les places et le long des rues. Ces arbres d’alignement sont aussi une innovation urbaine à son actif.
Durant son mandat, Rambuteau fait embellir les places de la Concorde et de la Bastille. L'Arc de Triomphe de l’Étoile, dont la construction avait été lancée par Napoléon Ier, est achevé. L'Hôtel de Ville de la place de Grève, en style Renaissance, est agrandi.
Conscient que l’eau est un facteur majeur de salubrité publique, le préfet met en place le premier dispositif global de gestion de l’eau urbaine. Pour faciliter l’approvisionnement de la ville, il développe 312 kilomètres de conduites et multiplie les points d’eau avec l’installation de deux mille fontaines.
Afin d’améliorer la sécurité la nuit, il fait remplacer l’éclairage à l’huile par le gaz de ville (un gaz toutefois malodorant et polluant produit à partir de la distillation de la houille). Paris passe ainsi de 69 à 8600 réverbères. Enfin, un an avant qu’il ne quitte ses fonctions, il décide le renouvellement du numérotage des rues avec des chiffres blancs sur porcelaine bleue.
Un mondain extravagant
Rambuteau fut aussi un mondain aux réceptions quelque peu extravagantes. Chaque semaine, il recevait dans les salons de l’Hôtel de Ville, une foule de 6000 personnes à la fois, composée de bourgeois parvenus, de fonctionnaires, d’hommes politiques, de membres de la cour et d’étrangers.
Le bon goût et les manières raffinées n’étaient pas toujours de mise dans ce que la presse nommait « la cohue Rambuteau » qui drainait tellement de monde qu’il fallait patienter durant des heures dans son fiacre avant de pouvoir entrer. Mais il était de bon ton de s’y montrer alors qu’aucune restauration n’était prévue pour une telle masse d’invités… Et d’ailleurs comment aurait-on pu approcher un éventuel buffet ?
Révoqué en 1848 suite à la Révolution de février qui allait conduire à la Seconde République, Rambuteau se retira sur ses terres bourguignonnes, où il exploita son domaine, se passionnant pour la plantation d’arbres avant de mourir le 11 avril 1869 à Charnay-lès-Macon.
Oublié par l’Histoire, il demeure un préfet qui a pourtant innové en matière d’hygiène et amélioré la qualité de vie des Parisiens, tout en se montrant un gestionnaire responsable. Moins célèbre que Haussmann, il en préfigura l’œuvre d’urbanisation, regrettant durant sa retraite de ne pas avoir disposé d’autant de moyens financiers que ceux attribués à son plus illustre successeur par Napoléon III.
Le baron Haussman, le préfet qui a rebâti Paris
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
HB (17-05-2020 00:20:06)
Que sait-on réellement des idées, des initiatives de ce préfet ? N'avait-il pas des fonctionnaires, des conseillers, des entreprises, qui le conseillaient, préparaient tout pour lui ?