L'historien Pierre Chaunu évalue à 80 milliards le nombre de visiteurs humains sur cette planète depuis les débuts de l'humanité, il y a trois millions d'années. Selon lui, la France en aurait accueilli cinq milliards environ, du fait de sa situation et de son climat privilégiés. Elle fait figure de record mondial par la densité de ses tombes !
Pour aller dans le même sens, notons que la Gaule, au début de notre ère, était déjà peuplée d'environ douze millions d'habitants, soit autant que l'Afrique noire à la même époque ! En 2100, deux millénaires plus tard, notre hexagone aura vu sa population multipliée par environ 5 tandis que celle de l'Afrique noire aura été multipliée environ par 300...
« Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez » (Genèse)
-35000 (Aurignacien et Paléolithique supérieur) -10000 -5000 ( agriculture) JC 500 1500 1800 1900 1950 2000 2100 | 1 million d'hommes 10 millions d'hommes 80 - 250 - 200 - 460 - 800 - 1600 - 2500 - 6000 - 10000 - |
Dieu a des raisons d'être satisfait : l'homme a accompli la mission fixée dans la Genèse. C'est ce que nous enseigne le petit tableau ci-dessus avec une multiplication par dix mille de la population humaine depuis le Paléolithique supérieur, il y a 35 000 ans. Reste à se demander s'il faut s'en réjouir. Nos conditions de vie actuelles, incontestablement plus agréables que celles de l'Aurignacien, le laissent penser. Mais l'on se dit aussi que l'heure de la pause est venue. Nous verrons que celle-ci peut être aussi difficile à gérer que la croissance...
régions / datation en millions d'habitants | -400 | JC | 500 | 1000 | 1300 | 1400 | 1500 | 1700 | 1800 | 1900 | 1950 | 2000 | 2050 |
Asie (sans Russie) % du total mondial dont : Chine et Corée Japon Sud-Est asiatique Monde indien Moyen-Orient Occident % du total mondial dont : Europe yc Russie Amérique du nord Amérique latine Océanie Afrique % du total mondial dont : Afrique du nord Afrique noire | 94 61% 19 0,1 3 30 42 41 27% 32 1 7 1 17 11% 10 7 | 168 67% 70 0,3 5 46 47 56 22% 43 2 10 1 25 10% 13 12 | 120 57% 32 2 8 33 45 57 27% 41 2 13 1 32 15% 12 20 | 155 60% 56 7 19 40 33 62 24% 43 2 16 1 40 16% 10 30 | 240 56% 83 7 29 100 21 120 28% 86 3 29 2 69 16% 9 60 | 200 53% 70 8 29 74 19 106 28% 65 3 36 2 68 18% 8 60 | 243 53% 84 8 33 95 23 129 28% 84 3 39 3 86 19% 8 78 | 436 64% 150 28 53 175 30 140 20% 125 2 10 3 106 16% 9 97 | 646 67% 330 30 68 190 28 221 23% 195 5 19 2 101 10% 9 92 | 902 56% 415 44 115 290 38 593 37% 422 90 75 6 118 7% 23 95 | 1404 55% 590 82 165 493 51 803 31% 549 172 169 13 229 9% 49 180 | 3631 60% 1273 126 653 1320 259 1631 27% 782 307 512 30 800 13% 143 657 | 5324 54% 1475 97 839 2267 387 2008 20% 728 445 776 59 2473 25% 392 2081 |
Total mondial | 152 | 250 | 209 | 257 | 429 | 374 | 458 | 682 | 968 | 1613 | 2536 | 6062 | 9804 |
Sources : les estimations ci-dessus pour la période antérieure à l'An 2000 sont empruntées à l'article de Jean-Noël Biraben dans le bulletin de l'INED (Population & Sociétés, numéro 394, octobre 2003).
Permanences et ruptures
Les estimations ci-dessus sont empruntées à Jean-Noël Biraben (INED, Population & Sociétés, numéro 394, octobre 2003) sauf l'avant-dernière colonne, extraite d'Atlasocio.com, et la dernière, extraite de 2015 World Population Data. Il ne s'agit, pour les siècles passés, que d'hypothèses sujettes à débat. Par exemple, en ce qui concerne les Amériques en 1400, Pierre Chaunu table sur 75 à 80 millions d'habitants plutôt que 39...
En 2500 ans, ainsi que le montre le tableau, la population de la Terre a été multipliée par 40, de 150 millions d'être humains à plus de 6 milliards au début du XXIe siècle (sans doute plus de dix en 2100).
• La part de l'Asie est restée relativement stable au fil des siècles et des millénaires (environ 60% du total de l'humanité).
• L'Europe a connu un pic démographique exceptionnel à son apogée, vers 1900 : 25% de la population mondiale se concentrait sur son sol et à cette masse s'ajoutaient les émigrants du Nouveau Monde ! Mais depuis un siècle, le Vieux Continent connaît une régression brutale et n'abrite plus aujourd'hui qu'un homme sur dix au lieu d'un sur cinq ou six dans les siècles passés.
• Quant au Nouveau Monde, il mérite amplement son nom : la population des Amériques, de négligeable qu'elle était jusqu'au XVIIIe siècle, en est arrivée à représenter aujourd'hui plus d'un dixième de l'humanité.
• Après un déclin relatif au XIXe siècle, l'Afrique subsaharienne a non seulement retrouvé son niveau des siècles antérieurs (10 à 15% de la population mondiale) mais est en voie de très largement le dépasser. Sa croissance explosive, depuis les années 1950 et dans le siècle en cours laisse les démographes et les gouvernants sans voix.
Explosions démographiques
Il y a 35 000 ans seulement que l'humanité a franchi le cap du... million d'individus vivants ! Les glaciations ont favorisé l'expansion des hommes sur toutes les terres émergées en abaissant le niveau des mers et en reliant plus ou moins les terres entre elles.
Depuis lors, l'humanité a connu deux grandes poussées démographiques à la faveur de deux bouleversements socio-culturels :
La première poussée démographique est issue de la sédentarisation des hommes et du développement de l'agriculture, au Moyen-Orient, en Chine, au Sahara et dans les Andes, il y a moins de 10 000 ans. Nous pouvons situer cette première poussée démographique au IVe millénaire avant notre ère, avec la naissance des premières cités-États en Mésopotamie : en à peine un millénaire, la population humaine décuple de 15 millions à 150 millions d'âmes ! Pareil rythme de croissance ne se retrouvera qu'à la fin du IIe millénaire de notre ère.
250 millions d'hommes vivaient sur la Terre au temps du Christ, il y a 2 000 ans. Les deux grands empires de l'époque, Rome et la Chine, concentraient chacun environ 50 millions d'âmes (20% de la population mondiale).
Cinq siècles plus tard, à la fin de l'Antiquité, la population mondiale avait décliné aux environs de 200 millions d'hommes, sous l'effet de la dénatalité, des désordres et des invasions qui avaient affecté
La croissance a repris, plus ou moins régulière, avec en particulier un doublement de la population en Chine et en Europe au XVIIIe siècle, en raison d'une élévation de la température et d'une amélioration des rendements agricoles. L'humanité a ainsi atteint un milliard d'individus au milieu du XIXe siècle.
La deuxième poussée démographique se déroule sous nos yeux ; elle a débuté au début du XXe siècle grâce à l'amélioration de l'hygiène, aux progrès de la médecine préventive (vaccinations) et à la révolution industrielle qui a mis un terme aux disettes et aux famines.
La croissance de la population mondiale s'est poursuivie à un rythme accéléré jusqu'à la fin du XXe siècle (2,5 milliards d'hommes vers 1950 et 6 milliards vers 2000).
Ce dynamisme démographique est allé de pair avec une amélioration générale des conditions de vie dans les pays occidentaux. C'est encore plus vrai dans les pays du tiers-monde, comme le montre Jean-Claude Chesnais. Dans un essai bien argumenté : La revanche du tiers-monde (Robert Laffont, 1987), l'historien démographe fait ainsi litière des sombres prophéties du pasteur anglais Robert Malthus (1766-1834) et qualifiées pour cette raison de « malthusiennes ».
Mais cette deuxième poussée démographique est en voie d'achèvement dans le monde entier à l'exception notable de l'Afrique subsaharienne. Les pays développés d'Occident (monde européen) et d'Extrême-Orient (monde chinois) sont même entrés depuis la fin du XXe siècle dans une récession démographique comme le monde n'en a jamais connue en temps de paix...
L'histoire du Québec témoigne des plus extrêmes contrastes en matière de fécondité. Les premiers colons qui s'installèrent en Nouvelle-France étaient pour l'essentiel des paysans normands bien formés aux travaux de la terre. Bénéficiant dans leur patrie d'adoption de ressources abondantes, ils surent les faire fructifier et furent en mesure de nourrir des familles très nombreuses.
C'est ainsi que les cinq ou six millions de Québécois actuels descendent pour l'essentiel de 1 200 colons venus de la région de Mortagne-au-Perche au XVIIe siècle, lesquels ont eu génération après génération six à sept enfants en moyenne jusqu'au XIXe siècle (autant que les Nigériens actuels)...
Brusquement, dans les années 1970, ces mêmes Québécois(es) se sont détournés des maternités. Leur indice conjoncturel de fécondité s'établit aujourd'hui à 1,6 enfants par femme, soit au même niveau qu'en Europe. Cela signifie que les descendants des courageux colons de Nouvelle-France pourraient voir leur nombre diminuer de moitié d'ici un siècle et des 9/10e d'ici trois siècles...
Bibliographie
En matière de démographie, la France dispose de spécialistes de réputation mondiale qui se sont formés dans le sillage du regretté Alfred Sauvy.
Sur l'évolution du nombre des hommes, on peut consulter avec profit l'article de Jean-Noël Biraben, dans Population & Sociétés (Numéro 394, octobre 2003). Ce bulletin mensuel accessible aux non-spécialistes est édité par l'INED (Institut national d'études démographiques, Paris). Il adapte en français, tous les deux ans, le tableau récapitulatif de la population mondiale publié par la Division de la Population des Nations Unies. On peut aussi se référer à d'excellents livres de vulgarisation comme celui de Jacques Vallin : La population mondiale (La Découverte, 1986), d'autant plus intéressant qu'à trente ans d'intervalle, son auteur apparaît singulièrement perspicace.
Nous recommandons enfin le livre de référence de Gérard-François Dumont, qui établit « six lois démographiques », à la conjonction de l'Histoire et de l'anthropologie : Démographie politique (Ellipses, mars 2007). Le démographe anime par ailleurs la revue Population & Avenir (5 numéros par an), un outil d'une excellente tenue, propre à séduire les étudiants et les amateurs.
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