Le 19 mars 1853, une troupe de « rebelles aux cheveux longs » aux ordres d'un certain Hung Xiuquan s'emparent de Nankin, la prestigieuse capitale de la Chine du sud, sur le Yangzi Jiang (le « Fleuve bleu »). Dans le même temps, à Pékin, l'empereur Daoguang décède et lui succède un jeune homme de dix-neuf ans, Xianfeng.
Profitant de la faiblesse de l'État, la rébellion va s'étendre. Elle se soldera en quelques années par une vingtaine de millions de morts (deux fois les pertes de la Première Guerre mondiale) sur un total d'environ 330 millions de Chinois. Tout cela pour déboucher sur une nouvelle intervention des Occidentaux !
Communistes avant l'heure
Les rebelles appartiennent à la secte Taiping (ou T'ai P'ing), ou secte de la Grande pureté. Ils doivent leur surnom à ce qu'ils rejettent le port de la natte imposé par les empereurs de la dynastie Qing ou Tsin, descendants des conquérants mandchous.
Indignés par l'abaissement de la cour impériale face aux « Barbares roux » (les Occidentaux), ils veulent installer à la tête du pays une dynastie chinoise au lieu de ces empereurs originaires de Mandchourie, une région à moitié barbare. Par la même occasion, ils veulent instaurer en Chine une société plus juste et plus égalitaire, fondée sur un partage des terres, l'émancipation des femmes.... Ils prônent la renonciation à la polygamie, à l'esclavage ou encore à la vieille coutume de bander les pieds des Chinoises.
Ils sont guidés par une personnalité étrange autant que puissante, Hung Xiuquan.
C'est le fils d'un paysan du Kwangsi, une province arriérée et montagneuse de l'ouest de Canton. Il a échoué aux examens pour devenir mandarin (énarque en quelque sorte). Mais il s'est consolé de son échec en entrant dans une secte protestante et en tirant de la Bible la conviction qu'il est... le frère de Jésus-Christ. Il échafaude ainsi un curieux syncrétisme du christianisme et de la doctrine traditionnelle de Confucius. Et il promet à ses disciples l'avènement d'un « Royaume céleste de la Grande Paix » destiné à durer mille ans.
Après la prise de Nankin, devenue capitale provisoire de leur royaume, les Taiping s'immiscent dans toutes les provinces de l'Empire du Milieu (ainsi se dénomme la Chine) et font vaciller le trône de l'empereur. Ils occupent jusqu'à 600 villes et onze provinces sur les dix-huit que compte l'empire chinois. Le 30 octobre 1853, ils atteignent Tientsin et menacent même Pékin, où réside l'empereur.
On pourrait s'attendre à l'émergence d'une nouvelle dynastie conformément à une vieille tradition de l'Histoire chinoise. C'est compter sans les Français et les Anglais, qui vont sauver les Mandchous, mais au prix d'une nouvelle humiliation, la « Seconde guerre de l'opium », conclue par la convention de Pékin (24 octobre 1860)...
Les Occidentaux restaurent l'ordre mandchou
Énivré par ses succès, Hung Xiuquan commet l'erreur de menacer Shanghai, le grand port marchand de la Chine centrale, où sont établis un grand nombre de négociants européens. Ceux-ci recrutent dès 1856 un corps de volontaires européens et américains pour protéger leur centre d'affaires.
Sous le commandement des Américains Ward et Burgevine, ces officiers constituent une armée de 5000 combattants chinois. Sous le nom mérité d'« Armée toujours victorieuse », la troupe s'illustre avec succès contre les rebelles et repousse leurs assauts sur Shanghai.
Après que l'empereur mandchou a renouvelé son allégeance aux Occidentaux par un nouveau « traité inégal », le 24 octobre 1860, les Anglais apportent leur concours à la dynastie Qing. C'est ainsi que l'« Armée toujours victorieuse » est autorisée à s'allier à l'armée impériale, elle-même sous le commandement d'un énergique fonctionnaire chinois, Li Hong-tchang.
En 1862, suite à la mort de Ward, Li Hong-tchang obtient des Britanniques de le remplacer par l'un de leurs meilleurs officiers, le capitaine Charles Gordon (29 ans) qui ne tardera pas à accéder au grade de lieutenant-colonel.
Face à cette coalition improbable mais dotée de chefs énergiques et d'un armement moderne, les Taiping ne font pas le poids.
Eux-mêmes ne disposent que d'un armement traditionnel et sont conduits par des chefs incompétents et qui n'hésitent pas à s'entretuer. Aussi cèdent-ils peu à peu du terrain.
Le 11 mai 1864, la prise de la citadelle de Changchow par le commandant Gordon consacre la fin de leur résistance. Le 19 juillet 1864, Nankin est reprise par l'armée impériale. Les rebelles sont massacrés tandis que leur chef se suicide... en avalant de l'or. 100 000 rebelles sont passés au fil de l'épée.
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tollet (16-01-2022 08:59:20)
Les Taïping mettaient en commun tous les moyens de productions et prônaient un strict égalitarisme social. Une doctrine maoïste peu de temps avant l'heure? Le manifeste du parti communiste est p... Lire la suite