Jean-Claude Barreau (Seuil, 130 pages, 16 euros, 2013)
Jean-Claude Barreau, né en 1933, a connu de nombreuses existences. Ainsi a-t-il été prêtre dans les années 1960 et exercé son ministère auprès des «blousons noirs», avant de quitter le clergé pour se marier.
Auteur de très nombreux essais et d'excellentes synthèses sur l'Histoire universelle, il interpelle l'Église dans un essai corrosif, un mois tout juste avant l'annonce par le pape Benoît XVI de sa renonciation, le 13 mars 2013.
Il dresse sans fioritures le constat cataclysmique d'un clergé en voie de disparition, dans l'Église catholique comme dans les autres Églises chrétiennes, y compris celles qui autorisent le mariage des prêtres, preuve que le célibat n'est pas la seule cause à la crise des vocations.
Son constat rejoint celui, plus incisif encore, du chercheur en sciences humaines Jean-Pierre Bacot (Une Europe sans religion dans un monde religieux, Cerf, 2013, 16 euros). Mais à la différence de ce dernier, il affiche son espérance en un regain religieux, grâce à l'ordination de laïcs bénévoles, intégrés dans la vie professionnelle, éventuellement mariés... conformément au christianisme originel...
Entretien avec l'auteur :
Pourquoi vous en prenez-vous si brutalement à l'Église ?
Jean-Claude Barreau : J'ai voulu dans mon essai montrer la grande crise que traverse cette institution millénaire, avec une diminution terrible du nombre de prêtres ; or ce sont les prêtres ordonnés par la succession apostolique qui, seuls, peuvent célébrer le repas du Seigneur, la messe, qui donne sens à la foi chrétienne.
L'Église est aujourd'hui menacée par les sectes et une déchristianisation intérieure qui transforme de nombreux pratiquants en adorateurs de Jupiter et non du nouveau-né de Noël. L'Évangile est remplacée par une morale obsédée par la peur du sexe alors que Jésus ne parle jamais de morale mais d’amour. La morale est nécessaire en politique et doit reposer sur le mérite. Dans l’Évangile, seul compte l’amour, lequel ne se mérite pas : l’amant peut rendre de nombreux services à l’aimée, cette derniere lui doit de la reconnaissance mais pas son amour ; l’amour est gratuit... Quant au sexe, Jésus, entouré de femmes, dit à ses disciples que «les prostituées les précéderont peut-être dans le royaume des cieux !».
Cette crise de l'Église vous paraît-elle irréversible ?
Je ne le crois pas et, pour pallier la disparition des prêtres, je propose de passer du presbytérat professionnel au presbytérat bénévole. C’est ainsi que l’Église vivait dans les premiers siècles. Les évêques imposaient les mains à des hommes sages et relativement âgés (en grec, les «presbytes», d'où vient le mot prêtre), ce qui, entre nous, évacuait d'office le risque de pédophilie. Ces prêtres présidaient la messe tout en continuant de pratiquer leur métier. Cela me paraît normal car le sacerdoce est un «service» et non une «vocation» comme la vie monastique.
Que vous inspire l'élection du pape François ?
Je vois un bon signe dans le fait que le nouveau pape se réclame en effet du pauvre d’Assise. Nietzsche ne disait-il pas de François D’Assise que c’était «le seul disciple que Jésus ait jamais eu» ?
À noter aussi que Jorge Mario Bergoglio s’est proclamé simplement «évêque de Rome», ville «qui préside à la charité des églises», selon une formule du premier siècle. Loin des pompes pontificales, il manifeste son souci de revenir à la pauvreté du sermon des Béatitudes et ne craint pas de dénoncer le capitalisme néolibéral.
Remarquons enfin qu’il est jésuite, or ceux-ci sont renommés pour leur «casuistique», c’est-à-dire une morale du moindre mal. Par exemple, l’avortement est un mal mais ce peut être le moindre mal pour certaines femmes... Enfin, un pape qui aime le tango, l’opéra et le foot ne peut être foncièrement mauvais.
Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47
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