5 mai 2003 (mise à jour : 17 juillet 2025). Les Français s'interrogent sur le devenir de la laïcité ! Dans le même temps se multiplient les entorses à la séparation des Églises et de l'État : jours de congé communautaristes, financement des lieux de culte, mariages discriminatoires (voir ci-après). Pourquoi ne pas rendre l'initiative aux citoyens en leur donnant la faculté de faire leur choix ?
Au terme d'une longue embellie d'un demi-siècle, l'Europe est entrée en ce début du XXIe siècle dans une période d'incertitudes et de doutes. En France, la réouverture du débat sur la laïcité en est la manifestation la plus notoire.
La loi de séparation des Églises et de l'État (9 décembre 1905) avait permis à la République française, il y a près d'un siècle, d'accéder à une relative sérénité dans ses rapports avec les religions, à l'époque limitées au catholicisme, aux confessions protestantes et au judaïsme. Il serait périlleux de retoucher cette loi mais il conviendrait de l'appliquer dans un esprit de plus stricte neutralité à l'égard de toutes les croyances aujourd'hui présentes au sein de la communauté nationale.
Nous avons relevé trois domaines dans lesquels elle mériterait d'être renforcée : les fêtes et jours chômés, le financement des lieux de culte, le mariage (note).
Repenser les fêtes et les jours chômés
Par une loi de 1886, les députés de la IIIe République, tout anticléricaux qu'ils fussent, ont institué huit fêtes légales dont six se référent à la tradition catholique : Lundi de Pâques, Jeudi de l’Ascension, Lundi de Pentecôte, Assomption de la Vierge (15 août), Toussaint (1er novembre) et Noël (25 décembre) ; une à la coutume : Jour de l'An ; une seulement à la geste républicaine : Fête nationale (14 juillet). Là-dessus se sont greffées trois fêtes légales supplémentaires : Fête du Travail (1er mai), Armistice (11 novembre), Capitulation du IIIe Reich (8 mai).
Certaines régions ou localités ont aussi des jours fériés spécifiques. Par exemple, dans l’ancienne Alsace-Lorraine, le Vendredi Saint qui précède Pâques et le 26 décembre, jour de la Saint-Étienne (premier martyr de la chrétienté), sont des jours fériés. En Guadeloupe, on commémore l’abolition de l’esclavage le 27 mai.
En matière de laïcité comme en bien d'autres domaines, l'État français donne le mauvais exemple. C'est ainsi que la circulaire du ministre de la fonction publique 901 du 23 septembre 1967 fixe les « autorisations d'absence pouvant être accordées à l'occasion des principales fêtes religieuses des différentes confessions ».
En vertu de cette circulaire toujours en vigueur, les fonctionnaires français peuvent solliciter de leur chef de service :
• un jour d'absence s'ils se recommandent de la religion orthodoxe (Noël orthodoxe),
• trois jours s'ils revendiquent leur origine arménienne (Noël arménien, fête des Varanants, commémoration du génocide du 24 avril 1915,
• trois jours pour les musulmans qui se veulent ou se disent pratiquants (Aïd El Adha, Al Mawlid Annaboui, Aïd El Fitr),
• trois jours pour les juifs qui se veulent ou se disent pratiquants (Roch Hachana, Yom Kippour),
• un jour seulement (!) pour les bouddhistes (fête du Vesak),
Les fonctionnaires catholiques, protestants, pratiquants des cultes africains, mormons, athées, agnostiques... n'ont, eux, droit à aucune autorisation d'absence (sauf à se convertir publiquement à l'une des religions précitées). La neutralité républicaine justifierait l'abrogation de cette circulaire discriminatoire.
Notons aussi que l'émergence récente de nouvelles confessions, en premier lieu l'islam, conduit dans les écoles et dans le secteur privé, en-dehors de la fonction publique, à un absentéisme important et parfois massif lors de certaines fêtes comme Aïd El Adha, Aïd El Fitr sans parler de Kippour, célébré par les juifs.
Le souci d'équité entre tous les salariés français justifierait une remise à plat des jours chômés officiels (dico).
- Noël, devenue fête universelle, et la Toussaint, dédiée aux défunts, débordent largement les milieux chrétiens et ont acquis avec le temps une légitimité aussi solide que la fête du Travail (1er mai) et les fêtes nationales du 14 juillet et du 11 novembre.
- Les lundis chômés de Pâques et de la Pentecôte n'ont pas à proprement parler de signification religieuse (à la différence du Vendredi Saint par exemple). Ils permettaient autrefois aux fidèle de se reposer des célébrations de la veille ! Ils permettent aujourd'hui des week-ends prolongés et facilitent les retrouvailles familiales à la faveur du printemps. Pratique agréable mais injustifiée tant du point de vue religieux que du point de vue économique et social.
- L'Assomption de la Vierge, le 15 août, est fériée depuis une décision solennelle du roi Louis XIII et son caractère chômé a été confirmé par la République en 1886.
- Le jeudi de l'Ascension provoque chaque année un fameux « pont de l'Ascension » qui désorganise l'économie, sature les infrastructures hôtelières et embouteille les autoroutes. C'est pourquoi en Italie, le clergé a accepté de reporter au dimanche suivant la célébration de l'Ascension.
- Le 8 mai est chômé en France depuis 1981. L'anniversaire de la capitulation militaire de l'Allemagne n'est chômé chez aucun des vainqueurs du nazisme, sauf en Russie où il est célébré le 9 mai. Rappelons aussi que le 8 mai ne coïncide ni avec la fin de la Seconde Guerre mondiale (elle s'est terminée le 2 septembre 1945 avec la capitulation du Japon) ni avec celle du nazisme (la capitulation allemande a été de fait signée à Reims le 7 mai 1945). En France, le 8 mai rappelle la répression de Sétif et, avec le 11 novembre, cela fait deux célébrations d'une victoire sur « nos amis allemands ». Jugeant que c'était beaucoup, le président Giscard d'Estaing avait envisagé de réserver au 11 novembre l'hommage aux soldats morts pour la France ! Son rival et successeur François Mitterrand décida dès son élection de marquer la différence en faisant du 8 mai un jour chômé, ce qu'il n'avait jamais été... Il est vrai que le nouveau président avait à se faire pardonner sa collaboration passée avec l'occupant allemand et son implication dans la bataille d'Alger en 1957.
De ce qui précède, il apparaît que certaines fêtes pourraient être sacrifiées sans trahir les traditions nationales et religieuses de la France. Mais bien évidemment, l'opinion publique, indépendamment des convictions religieuses de chacun, est attachée à ces « avantages acquis » et verrait d'un mauvais oeil leur remise en cause !...
Pour satisfaire tout le monde, l'État peut octroyer à l'ensemble des salariés du public et du privé quatre ou cinq jours de repos à la date de leur choix, mais détachés des congés payés pour ne pas rallonger ceux-ci indûment.
Ces « congés mobiles » viendraient en remplacement des jours chômés obligatoires du lundi de Pâques et de la Pentecôte, du jeudi de l'Ascension, du 8 mai, éventuellement aussi du 15 août. Les salariés auraient pour seule obligation de déposer leur demande de « jours de congés mobiles » auprès de leur employeur avec un préavis suffisant pour ne pas gêner leur service (trois ou six mois) et sans avoir à se justifier.
Dans l'hypothèse où le taux d'absence, tel jour, handicaperait l'activité (au-delà de 20% des salariés ?), le chef d'entreprise serait en droit d'imposer un jour férié à l'ensemble de ses salariés en le prélevant sur leurs congés mobiles ou leurs congés payés.
Ainsi, chrétiens des différentes confessions, musulmans, juifs, bouddhistes, hindouistes, agnostiques et autres, chacun pourrait se libérer pour les fêtes familiales et religieuses de son choix sans avoir de compte à rendre sur ses convictions ou ses occupations privées. Et pour le coup, on échapperait aux rituelles complaintes sur les hécatombes des « ponts » et les blocages de l'activité.
Profitons-en pour dénoncer une illusion grossière qui sévit dans la classe politique, administrative et médiatique : la suppression d'un jour férié n'accroît pas automatiquement la richesse nationale, loin s'en faut ! C'est ce que nous nous sommes appliqués à démontrer (en vain) à l'été 2003 quand le gouvernement Raffarin a prétendu dégager un supplément de budget pour les maisons de retraite en supprimant le caractère chômé du lundi de Pentecôte. Le gouvernement Bayrou récidive à l'été 2025 en proposant la suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8-Mai, cela afin d'accroître la richesse nationale de l'ordre de 4,2 milliards d'euros par an (du moins le croit-il).
L'INSEE, dans une note savante mais surréaliste, réévalue ce montant sans toutefois contester l'idée que travailler plus longtemps enrichirait le pays.
Dans les faits, il n'y a que les industries en surchauffe, à 100% de leurs capacités, qui peuvent tirer un gain de l'allongement du temps de travail. Dans les autres industries et les entreprises du tertiaire (administrations, commerces, enseignement), le fait de rester plus longtemps à son poste de travail n'augmentera en aucune façon le volume de biens et services qui sont commercialisés et font la richesse du pays...
La France compte en ce début du XXIe siècle plusieurs dizaines de milliers de lieux de culte et l'État s'oblige à entretenir de ses deniers tous ceux qui ont été érigés avant la loi de séparation de 1905. Il s'agit dans une immense majorité d'églises catholiques. Les lieux de culte de construction plus récente sont de la seule responsabilité du secteur privé et associatif.
Parmi ces lieux de culte postérieurs à la loi de 1905 figurent environ deux mille à trois mille mosquées et salles de prière, pour quelque 4,5 millions de musulmans, dont une partie seulement fréquente les lieux de culte.
Ces mosquées et salles de prière seraient en nombre globalement suffisant si la communauté pratiquante était homogène mais c'est loin d'être le cas et beaucoup de musulmans rechignent à suivre un imam (religieux) qui ne soit pas à leur image, de convictions libérales ou intégristes, ou de même origine qu'eux, turque, maghrébine, sahélienne. Il s'ensuit des mosquées sous-exploitées...
Pour complaire à leurs électeurs, certains maires emploient une fraction des impôts au cofinancement des mosquées (mais jamais des pagodes bouddhistes ou des temples évangélistes !) en prétextant limiter les subventions aux annexes culturelles. Ils se justifient en arguant que la loi de 1905 fait obligation à l'État de permettre le libre exercice de tous les cultes mais que les musulmans, plus pauvres en moyenne que le reste de la population, manquent de ressources pour construire et entretenir les lieux de culte dont ils auraient besoin.
En matière de financement des lieux de culte, il existerait cependant une solution plus respectueuse de la neutralité républicaine (et des finances publiques). Elle passerait par une réforme drastique des déductions fiscales destinées à encourager les dons des particuliers aux associations d'utilité publique, religieuses ou non.
Actuellement, l'État français prend à sa charge 50 ou 60% des dons faits par les particuliers à des associations d'utilité publique (caritatives, religieuses, culturelles, politiques ou autres) dans la limite de 1% de leur revenu fiscal. Un contribuable qui donne 1000 euros à un parti politique, une ONG ou un organisme religieux se voit automatiquement remboursé de 500 ou 600 euros par le fisc. Par cet effet de levier (un euro donné, c'est trois euros offerts !), cette disposition encourage les contribuables à la générosité... mais pas les personnes trop modestes pour être redevables de l'impôt, soit la grande majorité des musulmans.
Il s'ensuit que les citoyens les plus pauvres sont désavantagés dans leurs préférences par rapport aux plus riches, de même que les musulmans des banlieues par rapport à la bourgeoisie de Neuilly.
Pour établir plus de démocratie et d'équité dans l'orientation des dons et des subventions aux associations d'utilité publique, nous suggérons d'abroger le principe inique de défiscalisation. Nous suggérons aussi d'en finir avec les subventions des associations et des partis par les pouvoirs publics, car elles relèvent très largement de l'arbitraire politique et du rapport des forces au sein des assemblées législatives et du gouvernement.
Nous suggérons de remplacer tous ces financements par un don forfaitaire de chaque citoyen, indépendamment de ses revenus. Le montant de ce don sera puisé dans le budget général et versé par le fisc aux associations d'utilité publique, conformément aux choix de chaque citoyen, en faisant confiance à l'intelligence collective pour répartir ces dons au mieux de l'intérêt général.
Nous pouvons évaluer aujourd'hui à près de dix milliards d'euros par an le total des financements apportés par les pouvoirs publics aux associations d'utilité publique (culte, bienfaisance, politique, social, humanitaire, patrimoine, culturel, etc.) par le biais des aides directes, des subventions et des déductions fiscales. Sont inclus dans cette liste les partis politiques et également les associations d'aide aux immigrés ou encore au développement des pays les plus pauvres. C'est l'équivalent d'environ 150 euros par citoyen, enfants compris.
La démarche la plus démocratique serait la suivante :
L'administration avise chaque année tous les citoyens, quels qu'ils soient, qu'elle tient 150 euros à leur disposition et à la disposition de chacun de leurs enfants :
• Par une déclaration anonyme au fisc, chaque citoyen affecte sa quote-part et celle de ses enfants (soit 150 euros par personne) aux associations qui ont sa préférence : association cultuelle chrétienne, musulmane, juive, bouddhiste..., association de protection du patrimoine, ONG d'aide au tiers monde, parti politique, etc.
• Les citoyens qui négligeraient de se prononcer verraient leur quote-part automatiquemment distribuée au prorata de l'ensemble des « votes ».
• Le fisc prélève les montants en question sur le budget public et les distribue aux associations.
De cette façon, ce sont les citoyens et eux seuls qui décident dans une parfaite équité, indépendamment de leur revenu personnel, du financement qu'il convient d'affecter aux différentes associations d'utilité publique (y compris les partis politiques et les organismes de culte). Les gouvernants et les parlementaires n'ont plus à s'en soucier. Belle forme de démocratie directe.
Pour parfaire la transparence du financement, la loi impose aux associations (et aux partis) de publier sur internet leurs comptes détaillés ainsi que l'origine et le montant des dons qui viendraient d'autres provenances que le fisc, afin que chaque citoyen puisse choisir en connaissance de cause.
Le mariage illustre la persistance de graves malentendus sur la laïcité. L'article 433-21 du code pénal impose aux ministres des cultes de ne marier leurs fidèles qu'après leur passage devant le maire pour un mariage civil. Archaïque, cet article remonte à la volonté du Premier Consul Napoléon Bonaparte d'enlever l'état civil au clergé (note).
Il s'ensuit que les prêtres, les pasteurs et les rabbins s'obligent à ne bénir un couple qu'après qu'il ait signé les registres d'état-civil. Tout laïc qu'il soit, l'État conserve ainsi un droit de regard sur des confessions religieuses dont on ne voit pas ce qui peut le justifier. En quoi l'État peut-il être concerné par une cérémonie d'ordre privé dès lors qu'elle n'a aucune implication en droit civil ?
Par une deuxième incongruité, les musulmans sont exclus de cette obligation. L'État ignore les mariages musulmans et n'a jamais engagé de poursuites contre les imams qui procèdent à des unions sans que les conjoints soient passés devant le maire. Il ne se soucie pas non plus des représentants des autres confessions dans la mesure où ceux-ci ne se font pas identifier : bouddhisme, hindouisme, religions africaines, témoins de Jéhovah.
Par une troisième incongruité, l'État laïc valide sans sourciller les mariages conclus à l'étranger par des immigrants candidats à la carte de séjour ou à la carte de citoyen. Il ne se demande pas si ces mariages conclus à l'étranger, souvent devant un religieux (cadi ou imam), sont conformes à l'éthique républicaine et aux principes d'humanité concernant en particulier l'âge de la mariée et son consentement.
Or, de nombreux États légitiment au nom de la religion les mariages forcés de fillettes, la polygamie et la répudiation des épouses ; autant de dispositions contraires aux principes d'égalité entre l'homme et la femme. Qui plus est, les tribunaux français reconnaissent aux Marocains établis en France le droit de répudier leur épouse sur simple déclaration, par la vertu d'une convention entre le président François Mitterrand et le roi Hassan II en date du 10 août 1981.
La neutralité laïque voudrait que 1) l'État abroge l'article 433-21 et ne fasse cas d'aucun mariage autre que celui célébré à la mairie 2) qu'à l'instant de solliciter une autorisation de séjour ou la nationalité française, les couples étrangers renouvellent leur engagement de mariage devant un officier d'état civil selon les lois de la République. Cette disposition mettrait un coup d'arrêt aux mariages forcés. 70 000 adolescentes issues de l'immigration seraient concernées par ces mariages forcés si l'on en croit le Haut Conseil à l'Intégration.
De telles dispositions deviennent indispensables pour que les citoyens français ne soient plus différenciés en fonction de leur religion d'origine.













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Françoise (23-07-2025 07:04:53)
Attention, les congés à date fixe favorisent une sociabilité, une cohérence. Ainsi, pendant de longues années, le lundi de Pentecôte permettait de rassembler les membres dispersés de la fa... Lire la suite
Jeanmarie.tigaud@gmail.com (22-07-2025 21:50:46)
Totalement en accord Reste qu il faut rappeler que 1 la loi de 1905 à été certes de compromis mais contre l eglise catholique romaine ultra puissante et dominante et son application n a pas ét... Lire la suite