Immigration : quel avenir pour la France ? (3/4)

Illusions fatales

En panne de solution face aux nouvelles vagues migratoires, les gouvernants occidentaux font le choix de s'en accommoder et même de les encourager. Ils se donnent pour cela des motifs utilitaires (les besoins supposés de l'économie) et humanitaires (le « partage ») qui se révèlent à l'analyse contre-productifs et inhumains...

Après avoir exalté le droit de chacun de « vivre au pays » (Volem viure al pais, années 1970), les progressistes du Vieux Continent ont tourné casaque au début du XXIe siècle et portent désormais au pinacle les « migrants ».

Qualifiés d'« immigrationnistes » par leurs adversaires, ils entraînent sur leur terrain les politiques et les intellectuels, chacun craignant d'être cloué au pilori sur les plateaux de télévision et dans la presse en cas de maladresse verbale.

Il s'ensuit jusque dans le dernier village de France un climat de suspicion : face au spectacle d'une société de plus en plus fracturée (« multiculturelle » et « ouverte » dans le langage autorisé), chacun craint d'exprimer le fond de sa pensée devant ses proches, ses voisins et ses relations de travail. Et si quelqu'un se hasarde à une confidence un peu osée, il écope d'un silence gêné, motivé par la crainte de se dévoiler soi-même. Cette chape de plomb est en train de tuer une certaine sociabilité à la française, fondée sur la confiance et la proximité.

Font exception les citoyens à peau sombre qui tirent fierté de leur intégration à la communauté nationale. Ceux-là, parce qu'ils ne craignent pas l'accusation de racisme, expriment sans retenue leur hostilité aux nouvelles vagues d'immigrants et à la menace qu'elles font peser sur la cohésion nationale (note). Ce phénomène de rejet s'observe dans les départements d'outre-mer, où l'on ne craint pas de voter Rassemblement national (note).

L'immigrationnisme a cela de commun avec l'antisémitisme que l'un et l'autre ne supportent pas les débats contradictoires, car l'un et l'autre sont étrangers au cercle de la raison. La chose est aujourd'hui admise en ce qui concerne l'antisémitisme. Elle reste à démontrer pour l'immigrationnisme. C'est à quoi nous nous essayons.

Nous voulons rappeler que les vagues migratoires actuelles ruinent à moyen terme les pays d'arrivée. Mais elles portent tort aussi aux pays de départ en détournant leurs citoyens des efforts indispensables pour développer l'économie ou résister à l'oppression (note).

Enfin, elles n'améliorent que rarement le sort des migrants eux-mêmes : adolescentes arrachées à leur village, travailleurs exploités en marge de la loi ou affectés à des tâches serviles, déracinement et enfermement dans des ghettos déculturés. Ces réalités sont à l'opposé de l'irénisme béat affecté par les immigrationnistes. Mais qui aura le courage de s'y confronter ?

Des travailleurs à bon compte

Europe et immigration (dessin de Plantu dans Le Monde, 8 novembre 2003) Ce dessin de Plantu (Le Monde, 8 novembre 2003) exprime le rêve de la bourgeoisie européenne : dépouiller le tiers monde de ses trop rares « cerveaux » pour maintenir à bon compte son propre niveau de vie.

- Rêve immoral : en désertant leur pays, les travailleurs qualifiés et les diplômés contribuent à l'enfoncer dans la misère.

Ce phénomène est perceptible dans la dégradation accélérée des systèmes de santé en Afrique, ainsi que le notait Nelson Mandela lui-même. Et ce n'est pas le dévouement de quelques « french doctors » qui peut compenser le départ massif des infirmières et des médecins du tiers monde (note).

- Rêve illusoire : de fait, la majorité des immigrants qui affluent aujourd'hui en Europe, par-dessus la Méditerranée ou le Bosphore, n'ont pas de qualification professionnelle. Ils sont exclus des emplois légaux et grossissent l'économie souterraine (travail au noir, réseaux esclavagistes...), à moins qu'ils ne se cantonnent dans des emplois domestiques (vigiles, nurses, aide-ménagères...).

En Andalousie comme dans les Pouilles, les grands propriétaires terriens n'ont pas de scrupules à employer des immigrants illégaux à la cueillette des fruits dans des conditions serviles.

Plus grave encore, on voit se multiplier les pratiques de nature esclavagiste au sein de l’économie légale. Depuis les années 1980 déjà, il était fréquent que des entrepreneurs du bâtiment ou des exploitants agricoles, en France même, recourent à du personnel non déclaré, généralement issu de l’immigration clandestine.

Ces pratiques se sont massivement étendues dans la dernière décennie aux emplois dans la restauration. Plus récemment, elles se sont introduites d’une manière brutale dans les emplois de coursiers, que des Français ordinaires sous-traitent sans état d’âme à des immigrants clandestins scandaleusement exploités et sous-payés.

La généralisation de ces pratiques, sous l’effet d’une immigration croissante, va en faire un élément structurel de nos économies : il deviendra rapidement illusoire de les réprimer, car  l’État sera incapable d’identifier les travailleurs clandestins et soit de les renvoyer dans leur pays, soit de régulariser leur séjour et de les confier aux services sociaux, une alternative coûteuse et impraticable. À terme, il s’ensuivra la destruction du droit de travail et de tous les acquis sociaux des deux derniers siècles.

Cette évolution est d’autant plus à craindre que le retour de l'esclavage sur le Vieux Continent, un millénaire après sa disparition, ne scandalise pas plus les consommateurs que nous sommes que les gouvernants, les commissaires européens et les bonnes âmes médiatiques (note)

Ne nous leurrons pas davantage sur les diplômés qui quittent leur pays. Ceux-là choisissent quasi-unanimement les États-Unis et le Canada, assurés de pouvoir y travailler et développer leurs talents dans d'excellentes conditions et sans restriction administrative (la moitié des 180 000 immigrants qu'a reçus le Canada en 2005 avaient un niveau d'études supérieur au bac).

Le chancelier Gerhard Schröder avait tenté en 2000 de faire venir en Allemagne 20 000 informaticiens indiens (« Vieux peuple riche, qui n'aime pas plus les enfants que son passé, cherche désespérément jeunes diplômés déjà éduqués pour pourvoir à sa retraite », semblait-il annoncer). Sa tentative a fait long feu et n'a freiné en rien les entrées illégales. Quinze ans plus tard, Angela Merkel a réduit ses ambitions qualitatives mais non quantitatives en prônant l'accueil de 800 000 migrants illégaux venus de Syrie, d'Irak ou d'ailleurs, sans considération de leurs compétences professionnelles. Il s'en est suivi une succession de crises et, pour finir, l'entrée de l'extrême-droite au Bundestag.

Fatalité ? Non, facilité !

Avons-nous besoin d'une main-d’œuvre étrangère, qualifiée ou non ? Cette question appelle quelques remarques :
• Plutôt que de dépouiller le tiers monde de ses trop rares scientifiques, les dirigeants français et européens devraient d'abord éviter que leurs propres scientifiques fuient au Canada ou aux États-Unis en leur proposant des postes en nombre suffisant.
• Les patrons de la restauration, y compris dans des restaurants de grande classe comme La Tour d'Argent (Paris), jurent leurs grands dieux qu’ils ne trouvent personne à qui confier leur ménage, leur plonge ou même leur cuisine, en-dehors d’immigrants illégaux. Comment est-il alors possible que McDonald’s arrive à recruter des jeunes dans les banlieues ou les milieux estudiantins pour des travaux similaires ?
• Les petits et grands patrons du bâtiment expliquent de la même façon qu’ils ne trouvent personne pour les emplois de manœuvres et doivent recourir à des travailleurs africains. Comment se peut-il alors que les centres de tri d’ordures ménagères arrivent à recruter du personnel dans les milieux populaires pour des travaux autrement plus pénibles ?
• Les sociétés de gardiennage et même les musées recourent désormais de façon presque systématique à des immigrants africains pour les fonctions de vigiles... mais les entreprises de logistique trouvent à employer des jeunes Français - européens ou non - dans des tâches autrement plus éprouvantes.

Ces incohérences donnent à penser que les employeurs ne sont pas victimes d’une quelconque fatalité mais succombent seulement à la facilité : une main-d’œuvre immédiatement disponible, disposée à s’accommoder de très basses rémunérations et corvéable à merci. Sur le long terme, les professions ainsi « racialisées » s'en trouvent irrémédiablement dévalorisées cependant qu'est sacrifiée l'insertion sociale des jeunes Français de toutes origines.

« Immigration choisie » et chômage de masse

Désireux de concilier à la fois les attentes du patronat et les vœux de ses électeurs, le président Nicolas Sarkozy avait ouvert en janvier 2008 les frontières aux travailleurs étrangers. Il régularisa les travailleurs clandestins et amnistia leurs employeurs au nom de l'« immigration choisie », une expression positive destinée à laisser croire à la fin d'une « immigration subie ». Il suivait ce faisant les recommandations de Jacques Attali, l'ancien « électron libre » de François Mitterrand, qui préconisait de porter à 500 000 le nombre d'immigrants annuels (L'Express, 24 août 2006) en vertu d'une croyance bien enracinée dans les cercles du pouvoir selon laquelle « l'immigration financera nos futures retraites ». Illusion.

- Non, l'immigration ne finance pas « nos » futures retraites !

Par leurs cotisations, les actifs ne financent pas leurs futures pensions de retraite mais seulement les pensions des retraités actuels. Par leur travail et leurs cotisations, les immigrés eux-mêmes apportent un supplément bienvenu à ces pensions. Ce supplément n'a rien d'un miracle : il vient simplement de ce que les cotisations des immigrés ne profitent pas à leurs parents restés au pays (notons que cette iniquité ne choque personne) (note).

L'important est que l'immigration n'a aucun effet sur les pensions de retraite futures et ne peut donc en aucun cas remédier au vieillissement et à la dénatalité des pays développés. C'est ce qu'ont démontré par l'absurde des démographes mandatés par l'ONU dans un rapport publié en 2000. Intitulé : Migrations de remplacement : s'agit-il d'une solution au déclin et au vieillissement des populations ? ce rapport envisageait déjà un grand remplacement des populations selon le titre de l'essai polémique de Renaud Camus publié en 2010.

D'après ces démographes, la Corée (50 millions d'habitants), par exemple, aurait besoin de plusieurs centaines de millions d'immigrants d'ici 2100 pour combler les postes vacants dans les entreprises, en l'absence de tout changement d'envergure (âge de départ à la retraite, natalité) et à supposer qu'elle trouve dans le tiers monde les compétences indispensables aux besoins d'une économie moderne... « On a ainsi prouvé par l'absurde qu'il est illusoire de compter sur l'immigration pour compenser le vieillissement de la population. Les immigrés vieillissant eux aussi, ils ne pourront empêcher la dégradation du taux de dépendance », concluent les rapporteurs.

Une immigration de masse et de qualité étant impossible, les pays modernes devront se réformer s'ils veulent maintenir leurs acquis. Ils devront différer le couperet de la retraite et permettre aux personnes sans handicap de poursuivre à leur rythme des activités sociales et professionnelles. Ils devront aussi, pourquoi pas ? innover dans la robotique. Mais il ne s'agira jamais que de palliatifs en attendant que les couples retrouvent le goût de faire des enfants... Les couples pourront y être encouragés par un soutien financier résolu et de plus grandes facilités à concilier maternités, éducation et activités sociales et professionnelles. Des défis somme toute moins compliqués à relever que l'absorption brutale et massive d'immigrants de tous horizons (note ).

- Non, l'immigration n'améliore pas les performances des entreprises :

Dans les faits, l'« immigration choisie » comble les vœux de nombreux patrons désireux d'obtenir rapidement et à moindres frais une main-d'œuvre pas trop exigeante. Cette facilité dissuade les employeurs de se rapprocher des laissés-pour-compte des banlieues ; en faisant venir de l'étranger des laveurs de carreaux, des aide-soignantes ou des bûcherons, ils s'empêchent de résorber le chômage massif chez les jeunes Français issus des précédentes vagues de travailleurs immigrés !

Cette facilité porte aussi préjudice aux employeurs eux-mêmes en les dissuadant de faire des efforts pour se moderniser : quand on dispose d'une main-d’œuvre abondante et bon marché, à quoi bon investir dans des techniques innovantes et économes en main-d’œuvre ? Il peut s'ensuivre un retard de développement comme le démontre a contrario le Japon qui, s'étant interdit de recourir à l'immigration de masse, innove plus que tout autre pays dans la robotisation (note).

Notons aussi que si les employeurs peuvent se prévaloir de quelques profits indus grâce à l'embauche d'immigrants, c'est parce qu'ils laissent à la charge de l'État et des contribuables les « externalités négatives » de l'immigration : logement d'urgence, aides familiales, cours de langue, stages de formation... Et eux-mêmes doivent aussi financer le chômage des laissés-pour-compte qu'ils dédaignent d'embaucher !

C'est donc une illusion coupable de se reposer sur les immigrants pour les tâches « que les Français ne veulent pas faire  ». Tout dépend du salaire et des conditions de travail associés à ces tâches : mieux vaudrait les améliorer suffisamment pour attirer de jeunes nationaux, plutôt que financer le chômage de ceux-ci et, en plus, les dépenses liées à l'intégration des immigrés.

Mais trop souvent, la cupidité des entrepreneurs et la lâcheté des gouvernants conduisent à un choix contraire à l’intérêt général (note).

- Non, l'immigration n'enrichit pas l'économie nationale :

Tordons ici le cou à une autre idée convenue selon laquelle « l'immigration enrichit l'économie nationale » ou lui est nécessaire.

Autrefois, les colonistes républicains faisaient valoir le blé et le vin d’Algérie, les phosphates du Maroc, le coton du Mali, l’hévéa d’Indochine, la vanille de Madagascar… pour convaincre chacun du bien-fondé de la colonisation. Aujourd’hui, des universitaires tentent de démontrer de la même façon que l’immigration est bénéfique.

C’est ainsi que l’on porte au crédit des immigrés récents leurs salaires, qui mesurent leur contribution à l’activité nationale, mais aussi les cotisations sociales et les impôts qu’ils versent à la puissance publique. Par souci d’impartialité, on porte à leur débit les dépenses liées à leur intégration (alphabétisation, aide médicale…). Et l’on arrive selon les auteurs à quelques milliards d’euros/an gagnés ou perdus. C’est dans tous les cas une broutille par rapport à la production de la France (environ 2000 milliards d’euros par an).

Ces calculs négligent les dépenses spécifiques en direction des quartiers « sensibles ». Ils ne prennent pas en compte par exemple la construction de murs d’escalade ou le dédoublement des classes scolaires. Plus sérieusement, ils ne posent pas la seule question qui vaille d’un point de vue économique : est-ce que le sort individuel des citoyens est amélioré par l’arrivée continue de nouveaux habitants ?

Quand on évalue l'apport des immigrants à l'économie, il ne faut pas seulement comptabiliser leur apport à la production mais se demander ce que les nationaux eux-mêmes y gagnent. Car les immigrants, comme tous les autres habitants, peuvent certes contribuer à la « création de richesses », mais ils contribuent très sûrement aussi à la consommation de ces mêmes richesses.

Si tel groupe d'immigrants accroît de x euros la production nationale et dans le même temps consomme pour ses propres besoins x+y euros, le reste de la population se sera appauvri de y euros ! Pour que l'immigration profite à l'économie nationale, il faudrait démontrer que son solde est positif, autrement dit que les immigrants produisent davantage qu'ils ne consomment.

Rien n'est moins sûr dès lors que la grande majorité des actifs issus de l'immigration récente effectuent des tâches à très faible valeur ajoutée (gardiennage, ménage...) et, en contrepartie, en plus de leur consommation courante, requièrent de lourdes dépenses d'accompagnement en vue de leur intégration et de celle de leur famille : alphabétisation, assistance sociale, encadrement éducatif renforcé, sécurité, « politique de la Ville »...

Un autre inconvénient de l’immigration de masse est la perte de cohésion sociale et de confiance mutuelle, selon l’analyse que fait l’économiste britannique Paul Collier (Exodus, 2013). En effet, les performances de nos sociétés viennent en premier lieu de liens partagés et de codes sociaux qui remontent à de nombreuses générations. C’est tout le contraire des sociétés que fuient – et pour cause – les immigrants, où la confiance ne dépasse pas le cadre de la famille. L’arrivée en masse de personnes originaires de ces sociétés compromet ce minimum de confiance mutuelle sans lequel il n’est pas de vie sociale harmonieuse. Il est évidemment impossible de chiffrer ce manque à gagner.    

L'un dans l'autre, il s'ensuit très clairement que l'immigration, en France et en Europe, coûte plus qu'elle ne rapporte. Elle ponctionne les revenus des citoyens et mobilise des énergies qui auraient pu être utiles ailleurs. Des collèges et lycées ruraux crient misère tandis que l'on dédouble les classes des quartiers difficiles, avec ce résultat que l'immigration abaisse le niveau éducatif par les deux bouts : d'un côté, on peine à former des enfants d'immigrants dont l'univers mental est aux antipodes des codes européens, de l'autre, on réduit par nécessité financière les moyens éducatifs des jeunes Français.

La ponction pèse en quasi-totalité sur les classes populaires : ce sont des services publics mis à la diète, des salaires comprimés, des emplois productifs en voie de raréfaction et des taxes en veux-tu en voilà. Elle est d'autant plus insidieuse et brutale qu'elle frappe les zones périphériques, rurales ou semi-rurales où se sont établies les familles modestes soucieuses d'échapper à la promiscuité avec les nouveaux arrivants.

Les classes dominantes arrivent quant à elles à s'en sortir car elles bénéficient de l'écrasement des bas salaires et jouissent de tous les atouts des grandes villes. Elles tirent profit de l'immigration avec le retour en force de la domesticité que l'on croyait disparue à l'issue des « Trente Glorieuses » et rêvent même du retour à l'esclavage antique en allant chercher dans les inépuisables réserves du tiers monde une main-d'oeuvre supposée docile et peu exigeante.

Il en irait autrement si, comme au Canada, les immigrants étaient sélectionnés en fonction de leur niveau d'études, de leur connaissance de la langue nationale et de leur aptitude à effectuer des tâches à haute valeur ajoutée. Mais cette sélection est permise au Canada, qui a l’avantage d’être protégé de l'immigration irrégulière par deux océans. Elle n'est pas à la portée de l'Europe, largement ouverte sur les régions les plus déshéritées de la planète.

« Partage » et devoir d'humanité

Mais laissons là les considérations utilitaristes et économiques. Aujourd'hui, il est entendu que si l'on doit accueillir les « migrants » d'où qu'ils viennent et plus spécialement d'Afrique, c'est au nom d'un impératif moral inscrit dans nos gènes : l'hospitalité et le partage ! Nous sommes bien assez riches ! C'est ce que répètent à l'envi les progressistes à l'adresse des classes populaires en leur réclamant toujours plus d'efforts et de sacrifices au nom de la morale et de l'« ouverture aux autres ». C'est aussi ce que répète le pape François en demandant aux Européens d'ouvrir généreusement leurs bras aux immigrants (note).

- le devoir de partage s'applique seulement aux travailleurs :

Bien que massivement athées, les intellectuels ouest-européens rejoignent le pape sur la question des immigrants car pour eux, selon une formule du cinéaste Robert Guédiguian, « l'essence de la gauche demeure le partage ». Mais de quel partage s'agit-il ?

Jusque dans les années 1970, du point de vue de la gauche traditionnelle, le partage signifiait de modérer l'avidité des capitalistes et d'assurer aux travailleurs une part raisonnable du fruit de leur travail (la valeur ajoutée). Lesdits capitalistes s'étaient résignés à « faire du social » pour contenir les revendications ouvrières. Dans les pays les plus avancés (Scandinavie), le partage des biens entre ceux qui les produisaient et ceux qui en usaient avait abouti à homogénéiser presque complètement les conditions de vie de l'ensemble des citoyens !

Mais depuis la disparition de l'utopie socialiste et de l'aiguillon soviéto-communiste, la gauche sociale-démocrate s'est convertie au néolibéralisme (dico) et s'est détournée de la classe ouvrière nationale, y compris en Suède (note). En conséquence de quoi, les inégalités entre possédants et travailleurs se creusent à nouveau pour la première fois depuis deux siècles. 

Ayant ainsi abandonné son combat originel pour l'égalité, la gauche s'est convertie à des enjeux sociétaux et non plus sociaux, au premier rang desquels l'accueil des immigrants, autrement dit des pauvres hères qui ont fui leur pays en quête de meilleures conditions de vie.

La plupart de ces immigrants ne maîtrisent pas la langue, la culture et les codes sociaux de la société d'accueil. Ils sont inemployables, si ce n'est à des fonctions peu productives. Les accueillir revient à les prendre matériellement en charge en leur offrant de faux emplois (vigiles dans des services municipaux...), en assurant à leur famille un logement social et à leurs enfants un suivi éducatif sur mesure. Ces dispositions, de même que le financement des associations vouées à les servir, ont un coût très élevé qui pèse sur les finances publiques. Elles obligent à accroître sans fin la pression fiscale tout en réduisant les services publics à destination des travailleurs ordinaires et des classes moyennes (sécurité sociale, éducation...).

Les classes supérieures ne s'inquiètent pas pour autant de cette pression fiscale car elles seront toujours en situation d'y échapper. Elles ne seront pas non plus affectées par la disparition des services publics. Qui plus est, ne vivant pas en contact avec les immigrants, elles n'auront pas à en supporter les inconvénients au quotidien. Elles sauront toutefois en tirer de menus avantages comme le montre le développement rapide des emplois domestiques ou serviles, à la lisière du Code du Travail.

En définitive, parler de « partage » revient à accroître encore davantage l'effort imposé aux travailleurs en leur faisant supporter non plus seulement les dividendes des actionnaires mais aussi la prise en charge et l'entretien des immigrants. C'est exiger des pauvres qui produisent la richesse du pays de se sacrifier pour d'autres pauvres (les immigrants) qui ne sont, eux, guère en état de travailler et créer des richesses. Si certains de ces immigrants pourront à terme s'intégrer utilement dans l'économie nationale, leur apport sera annulé par l'arrivée continue de nouveaux immigrants, plus nombreux et plus démunis que les précédents.

- l'immigration débridée ruine l'Europe sans profiter à l'Afrique :

Au moins pourrait-on se consoler en pensant aux pays de départ : ne vont-ils pas être soulagés par le départ d'une partie de leur jeunesse ?

L'émigration annihile au contraire les perspectives de développement de ces pays, en Afrique subsaharienne en particulier.

Accueillir de façon indiscriminée les immigrants d'Afrique est leur rendre le plus mauvais service qui soit en les détournant de leur devoir, surtout quand ils ont bénéficié d'une instruction poussée. Peu soucieux de travailler ou se battre pour leur pays, ces jeunes gens mobilisent toute leur énergie et celle de leurs proches dans une fuite vers l'Europe qui leur offre l'espoir d'une vie bien meilleure avec bien moins d'efforts. C'est une perte sèche pour leur pays.

D'un point de vue plus simplement quantitatif, l'émigration n'a aucune incidence notable sur les pays de départ : l'Afrique subsaharienne (un milliard d'habitants en 2017) enregistre bon an mal an un excédent naturel de 30 millions d'habitants (40 millions de naissances pour dix millions de décès) ; rien qu'au Niger (20 millions d'habitants) on a un million de naissances par an. L'Union européenne a quant à elle 510 millions d'habitants et un solde naturel négatif avec cinq millions de naissances par an et légèrement plus de décès.

Donc, même si un million d'Africains devaient quitter chaque année leur pays pour s'installer en Europe, leur départ passerait inaperçu et il ne s'ensuivrait aucune amélioration de la démographie africaine (seulement une baisse de 3% de l'excédent naturel). Par contre, l'arrivée en Europe de ce million d'immigrants annuel conduirait à des dommages irréversibles en faisant exploser les budgets publics (aides sociales, logement, éducation, santé, sécurité).

Ce flux ne remplacerait en rien les naissances qui font défaut à l'Europe. Les nouveau-nés européens sont pris en charge et éduqués par leurs parents jusqu'à ce qu'ils se suffisent à eux-mêmes. Dès la petite enfance, ils acquièrent les codes sociaux indispensables à la vie en Europe sans qu'il n'en coûte rien à la collectivité. Ils accèdent sans mal à une formation conforme à leurs compétences. Les immigrants, par contre, doivent être pris en charge par la collectivité dès leur arrivée et souvent pour de très longues années. Il s'agit, non seulement de leur inculquer une formation de base (langue, métier) mais aussi de les défaire de codes sociaux acquis dans la petite enfance et incompatibles avec un épanouissement dans le cadre européen (rapports entre les sexes, rapport au travail, sociabilité...).

Enfin, si les migrations massives d'aujourd'hui ruinent les sociétés ouest-européennes, qui sera en état demain de secourir l'Afrique comme nous le faisons aujourd'hui ? Quand les bonnes âmes du Vieux Continent seront accaparées par les soins à donner aux sous-prolétaires de ses ghettos ethniques, quand ses militaires seront requis pour maintenir vaille que vaille un semblant d'ordre dans les « territoires perdus de la République », que restera-t-il de paix civile et de bien-être en Afrique sans aucun Européen pour apporter aide alimentaire, éducation, hygiène et protection ?

L'« immigrationnisme » et les incantations sur la « société ouverte » prennent un tour de plus en plus ouvertement criminel tant de ce côté-ci de la Méditerranée que de l'autre, en brisant la « société solidaire » qui fonde notre cohésion nationale et en abandonnant le continent africain à ses démons. Craignons d'en payer bientôt les cruelles conséquences.

La « générosité » et le « partage » ont un prix et des limites. Ce n'est pas être humain que de céder aux sollicitations des immigrants lorsque celles-ci sont abusives et mettent en péril à la fois le pays de départ et le pays d'accueil. Ce n'est pas non plus être responsable que de refuser tout débat sur la question migratoire, au risque d'écarter des solutions à la fois humaines et efficaces, respectueuses de l'intérêt de chacun.

André Larané

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Publié ou mis à jour le : 2023-11-15 11:26:55

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