Gagner à en mourir

Le «match de la mort»

Pierre-Louis Basse (Robert Laffont, 150 pages, 14 euros,  2012)

Gagner à en mourir

On l’a surnommé le « match de la mort » : une rencontre de football où la victoire signifie la mort...

C’est la menace qui a pesé sur les têtes des joueurs du FC Start de Kiev affrontant le 9 août 1942 une équipe de soldats allemands de l’armée de l’air en finale d’un tournoi organisé par les services de propagande nazis.

Contre toute attente, ces ex-vedettes du Dynamo de Kiev, affamés et amaigris, ont gagné 5 à 3 face des footballeurs allemands bien nourris et surentraînés.

« C’est une histoire de dribbleurs fous et insouciants, qui avaient préféré la mort à un match arrangé ;», raconte Pierre-Louis Basse, ancien journaliste sportif devenu écrivain, dans un petit livre très attachant.

De fait, les joueurs ukrainiens ont presque tous payé de leur vie cet acte de rébellion. Trois d’entre eux ont été exécutés dans le ravin de Babi Yar (quelques mois après le massacre de plusieurs dizaines de milliers de Juifs en ce lieu) et les autres déportés dans des camps.

Quand le sport prête à réflexion

Plus qu’un essai historique, Gagner à en mourir est un récit très personnel dans lequel l’auteur mène une réflexion sur les liens entre le sport et l’Histoire. Il mêle ses souvenirs personnels à son enquête historique sur les lieux même du match au stade Zenith de Kiev.

Il évoque sa jeunesse dans une famille communiste française typique et bien sûr sa passion pour le foot dont le mythique Dynamo de Kiev.

En arrière-plan, Pierre-Louis Basse raconte la terrible occupation de l’Ukraine par les Allemands après le déclenchement de l’opération Barbarossa contre l’URSS en juin 1941.

Il revient notamment sur le massacre de Babi Yar en septembre 1941 au cours duquel 33 000 juifs de Kiev furent assassinés en deux jours par les nazis.

Une nation meurtrie

Pierre-Louis Basse rappelle que nombre d’Ukrainiens ont accueilli à bras ouverts les soldats allemands tant le ressentiment envers le pouvoir de Moscou était grand.

Dans les années 1930, l’Ukraine a été particulièrement touchée par la terrible famine qui a suivi la collectivisation forcée des terres agricoles.

En 2012, le « match de la mort » est encore l’objet de tensions entre la Russie et l’Ukraine. En effet les autorités de Kiev ont repoussé la sortie du film russe Le match, qui relate l’événement, prévue début mai. Motif invoqué : le réalisateur s’attarde un peu trop sur le rôle des nationalistes ukrainiens qui ont collaboré avec les nazis. Il faut rappeler que l’Ukraine accueille, avec la Pologne, l’Euro 2012 de football en juin prochain.

Laurent Pericone

Autour du même sujet, on peut aussi lire Babi Yar d’Anatoli Kouznetsov, récemment réédité chez Robert Laffont. Paru en 1966, c’est l’un des premiers récits décrivant la « Shoah par balles » en Europe de l’Est.


Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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