Thémistocle (vers -524 à -460 av. J.-C.)

De Salamine à l’exil

Devenu maître du pouvoir après le départ d’Aristide qui a été ostracisé, Thémistocle va donner la pleine mesure de son génie face à la nouvelle tentative des Perses de soumettre les cités grecques. Il fait ainsi la preuve de ses qualités de politicien mais aussi de stratège et de meneur d’hommes.

Ce succès éclatant ne réduit pas pour autant l’animosité politique de ses adversaires. Elle produira bien des effets inattendus et demandera à Thémistocle des trésors d’ingéniosité qui viendront encore agrémenter sa future légende.

Olivier Delorme

Monument honorant la bataille, sur l'île de Salamine, sculpture d'Achilleas Vasileiou (1902).

Une formidable intelligence des situations

La mètis d’abord, cette intelligence rusée, si bien analysée par Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant (note), qui permet à Zeus de triompher de son père Kronos ou à Ulysse de prendre Troie. Lorsque Thémistocle obtient du peuple que l’argent du Laurion soit employé à la construction des trières qui vaincront à Salamine, il n’allègue pas le danger perse. Il sait que Xerxès est en train de réunir une formidable armée.

Bas-relief en pierre de Xerxès Ier sur sa tombe à Naqsh-e Rostam, Persépolis (Iran). En agrandissement, carte du golfe Saronique en Grèce, NASA Shuttle Radar Topography Mission.Lorsque son père Darius avait lancé l’expédition qui échoua sur la grève de Marathon en 490, il voulait venger le sac de Sardes par le contingent que les Athéniens avaient envoyé soutenir les cités grecques d’Ionie révoltées contre la domination perse en 499.

Xerxès a donc deux revanches à prendre, et il mobilise des moyens humains et matériels dont l’importance doit rendre tout échec impossible. Mais Thémistocle sait que, s’il parle du danger perse, on ne l’écoutera pas, parce que ce danger est trop lointain et encore trop abstrait. C’est donc en insistant sur celui que représente Égine, cette île dont les Athéniens voient chaque jour la côte, qu’il obtient leur assentiment.

Nombreux sont les exemples de la mètis de Thémistocle rapportés par Hérodote, Plutarque ou Thucydide. On peut y ranger la décision de laisser le commandement de la flotte des Grecs coalisés au Spartiate Eurybiade, qui ne s’illustre ni par son audace ni par sa détermination, alors que ce commandement devait logiquement revenir à Athènes qui fournissait le plus grand nombre de trières.

Buste d'un hoplite casqué, peut-être le roi Léonidas, Ve siècle av. J.-C., musée archéologique de Sparte. En agrandissement, la statue de Léonidas aux Thermopyles.Mais Thémistocle sait que les Péloponnésiens obéiront plus volontiers à un Spartiate qu’à un Athénien, et qu’il sera sans doute plus aisé de convaincre un Eurybiade quelque peu falot que de s’imposer à l’ensemble des Péloponnésiens.

Lorsque la flotte grecque voit arriver les innombrables navires perses, elle a pris position au nord de l’Eubée, près du cap Artémision, tandis que, sur le continent, les Spartiates commandés par Léonidas fortifient l’étroit passage des Thermopyles entre la montagne et la mer.

Impressionné par le nombre, Eurybiade est favorable au repli vers le sud. Mais Thémistocle lui fait porter la plus grande partie de l’argent que les Eubéens lui ont remis afin qu’on ne les laisse pas sans défense. Puis il fait porter un panier de vivres à l’un des commandants de navire les plus déterminés à ne pas livrer bataille, un panier dans lequel est dissimulée une grosse somme d’argent – Thémistocle menaçant peu après le récalcitrant de révéler à son propre équipage qu’il… s’est laissé acheter par Xerxès.

L’issue de la bataille de l’Artémision reste incertaine, mais Thémistocle a obtenu des Grecs qu’ils affrontent la flotte perse et a démontré que, bien que très inférieurs en nombre, ils pouvaient ne pas être battus. Puis il obtient d’Eurybiade que la flotte coalisée se replie à Salamine et non dans le Péloponnèse où sa seule tâche serait de fournir un appui aux défenseurs de l’isthme de Corinthe que les Péloponnésiens avaient entrepris de fortifier.

Côte du cap Artémision (au nord de l'Eubée) en face de Magnésie. En agrandissement, carte montrant l'approche des Grecs (traits en bleu) et des Perses (traits en rouge) vers les Thermopyles et l'Artémision, History Department of the United States Miltary Academy.

Comment Thémistocle attira les Perses dans une souricière...

Après la défaite perse, Thémistocle usera d’autres artifices afin de contourner l’opposition spartiate à la construction de puissantes fortifications protégeant Athènes et Le Pirée – fortifications édifiées à la hâte, pendant que Thémistocle lanternait les Spartiates, et dont on voit maints vestiges aujourd’hui, reconnaissables à ce que, dans l’urgence, on utilisa tambours de colonnes, statues ou stèles provenant d’édifices détruits par les Perses pendant leur occupation de l’Attique.

Combat entre un guerrier perse et un hoplite grec, scène sur un kylix (coupe), Ve siècle av. J.-C., vers 480 avant J.-C., musée archéologique national d'Athènes.Si l’on en croit Plutarque, c’est aussi à ses subterfuges que Thémistocle dut la vie sauve lorsque, accusé de trahison et voguant vers l’Asie Mineure, il se trouva en situation périlleuse.

Toutefois, la plus éclatante des ruses de Thémistocle est incontestablement celle par laquelle il attira la flotte de Xerxès dans la souricière de Salamine. Alors que, à l’approche de l’automne et de la fin de la saison de navigation, les Grecs se trouvaient à Salamine dans un état de plus en plus précaire, l’approvisionnement étant de plus en plus difficile et risquant d’être coupé si le Roi s’emparait de Mégare, les Péloponnésiens se montraient de plus en plus hostiles à Thémistocle.

C’est que l’Athénien était convaincu qu’il ne fallait pas affronter la flotte perse en mer ouverte où sa supériorité numérique jouerait à plein, mais l’attirer dans l’étroit bras de mer séparant l’Attique de Salamine, dont les Grecs, dotés de trières plus maniables que les lourds et hauts vaisseaux d’une grande partie de la flotte perse, connaissaient les courants et le régime des vents qu’ignoraient leurs ennemis.

La lettre de Thémistocle

Les rapports se faisant de plus en plus acrimonieux entre Thémistocle et les autres amiraux (sauf les Mégariens et les rivaux éginètes qui l’appuyaient), et Xerxès ne se décidant pas à attaquer, Thémistocle lui fit porter par un de ses esclaves d’origine perse une lettre le prévenant que, la nuit suivante, les Grecs tenteraient de s’enfuir vers le nord-ouest et qu’il devait en profiter pour les écraser.
Athéna tenant la poupe d'un navire pour célébrer la victoire navale de Salamine, Grèce, Ve siècle av. J.-C., New York, The Metropolitan Museum of Art.Dans la journée qui suivit, on sut, par les mouvements de la flotte perse, que le Roi avait ajouté foi au message du stratège athénien, lequel lui avait aussi assuré que les bateaux qu’il commandait changeraient de camp. Mais rien ne se passa durant la nuit si bien que, au petit matin, lorsque le Roi et ses généraux, épuisés par une vaine nuit de veille, virent l’escadre corinthienne mimer la fuite, ils pensèrent donner le coup de grâce à des Grecs en déroute.
Xerxès ordonna à ses navires, dont certains avaient passé la nuit en mer, de franchir les deux étroites passes du sud-est. La surprise d’être attaqué par le gros de la flotte grecque en parfait ordre de bataille dans un espace restreint où le nombre désavantage, le vent saisonnier qui drosse à la côte, la confusion entre les navires qui tentent de repasser les goulets et ceux qui, à l’extérieur, rament dans l’autre sens : la victoire de la stratégie de Thémistocle fut totale et Xerxès, dont l’expédition était fondée sur l’action combinée de l’infanterie et de la flotte, reconnut sa défaite en regagnant prestement l’Asie. Il laissa derrière lui, sous le commandement de Mardonios, une partie de son armée qui serait vaincue l’année suivante à Platées.

Une nouvelle conception de la cité

Parent de la mètis est l’art d’interpréter ou de solliciter les signes. Alors que l’armée perse n’était pas encore arrivée à Athènes, et l’oracle de Delphes ayant indiqué aux Athéniens qu’ils devraient leur salut à une muraille de bois, Thémistocle leur expliqua qu’il ne pouvait s’agir d’une palissade protégeant l’Acropole mais de leurs vaisseaux.

Tandis que, le serpent de l’enclos sacré de l’Acropole n’ayant pas touché à son gâteau au miel, une prêtresse annonça l’avoir vu partir vers la mer. Et Thémistocle de convaincre alors ses concitoyens d’évacuer leur cité pour la sauver (vers Salamine pour les combattants, vers Trézène dans le Péloponnèse pour les vieillards, les femmes et les enfants (note).

Décret de Thémistocle trouvé à Damalas de Trézène concernant l'évacuation des Athéniens et la défense navale de la cité avant la bataille de Salamine en 480 av. J.-C. Copie du IIIe s. av. J.-C., musée épigraphique d'Athènes. En agrandissement, carte de Salamine, Olivier Delorme, Thémistocle (éd. H&O, 2021).Par cette décision, Thémistocle affirme une conception de la cité dépassant l’idée traditionnelle des Athéniens, fiers d’être des autochtones, nés de la terre d’Attique : la cité n’est pas essentiellement matérielle, elle est avant tout la communauté de ses citoyens. Leur terre peut être serve, leurs temples et les tombeaux de leurs ancêtres peuvent être profanés, leurs maisons incendiées et leurs oliviers coupés, la cité reste libre si ses citoyens le sont et elle se trouve là où ils se trouvent – sur leurs trières lorsque les Perses occupent leur terre.

En toute circonstance, comme l’écrit Thucydide, Thémistocle nous apparaît aussi doué d’une capacité aiguë d’analyse des situations, d’anticipation et de décision. Lorsque, avant d’envahir la Grèce continentale, Xerxès parvient en Macédoine, où il est accueilli en allié, Thémistocle convainc le congrès des Grecs coalisés de l’envoyer, à la tête d’une armée, arrêter l’invasion le plus au nord possible.

Une fois sur place, il se rend vite compte que cette armée risque d’être poignardée dans le dos par des princes et tyrans thessaliens qui penchent de moins en moins discrètement vers l’allégeance à Xerxès. Et il se replie rapidement vers le sud. Puis, quand le danger pour Athènes se fait plus pressant, il fait primer l’unité de la cité en obtenant du peuple le rappel des ostracisés – y compris de son ennemi Aristide, lequel ne reviendra que tardivement, à la veille de Salamine.

Mais après Platées, quand, une fois le danger perse écarté, Athènes risque de subir l’hégémonie de Sparte, Thémistocle appuie ceux qui ont médisé, les Béotiens et Thessaliens que Sparte voudrait expulser de l’amphictyonie delphique, ou les Argiens dans le Péloponnèse qui, sans avoir médisé ouvertement ont entretenu des rapports cordiaux avec le Roi par hostilité aux Spartiates.

Enfin c’est Thémistocle, nous dit Plutarque, qui convainquit les Athéniens de faire descendre la ville vers la mer. Constatant que jamais les hoplites d’Athènes ne pourraient rivaliser avec ceux de Sparte, il fit fortifier la ville et Le Pirée. Encore fallait-il, pour que jamais la ville ne pût être affamée en cas de siège, sécuriser la communication d’Athènes avec son port par deux Longs Murs, qu’il n’eut pas le temps de faire bâtir.

Éléments du Mur de Thémistocle dans le quartier de la Céramique(Kerameikos). En agrandissement, char et hoplites, sur la base d'un kouros de la fin du VIe siècle av. J.-C., parmi les spolia du mur de Thémistocle.

Thémistocle, à son tour, ostracisé

Ceux qui le firent ostraciser en 471 et conduisirent les affaires durant dix ans – Aristide, Cimon et derrière eux les eupatrides de l’Aréopage – se gardèrent de réaliser ce projet. Il faudra attendre la mort d’Aristide (vers 468-466), l’ostracisme de Cimon (461) et la montée au pouvoir des héritiers politiques de Thémistocle – Éphialte puis Périclès – pour voir se réaliser ce projet.

Pour autant, dès les lendemains de Salamine, Thémistocle œuvre en faveur d’une expédition destinée à libérer de la domination perse les îles de l’Égée, les cités du littoral d’Asie Mineure, de Thrace et de Propontide – et à rouvrir ainsi la route des grains de la mer Noire.

Les réticences puis le refus de Sparte à poursuivre cette guerre laissent le champ libre à Athènes dans l’Égée : la Ligue de Délos est bien la fille de la politique de Thémistocle. Même si l’histoire a retenu qu’il revint à Aristide de fixer la contribution en argent que les membres de la Ligue qui ne souhaitaient pas fournir hommes et vaisseaux à la défense commune devraient, en compensation, payer au trésor commun.

Un ostrakon demandant l'exil pour dix ans de Thémistocle. En agrandissement, Ostrakon portant le nom de Cimon, fils de Miltiade, 486 ou 461 av. J.-C., musée de l'Agora antique d'Athènes.

Et cette politique, tout en créant les conditions qui feront du Pirée le principal port de Méditerranée et donneront à Athènes les moyens de financer le programme architectural de Périclès, fera de ce peuple rameur méprisé par Platon un acteur de plus en plus actif et déterminant de la vie de la cité, qui n’empêchera pas l’ostracisme de Thémistocle en 461, mais qui scellera celui de Cimon dix ans plus tard, et permettra les réformes démocratiques d’Éphialte puis de Périclès.

Ostracisé, Thémistocle s’installe à Argos. Mais ses ennemis politiques ne désarment pas. L’accusation de trahison portée contre lui, au motif qu’il aurait participé aux intrigues de Pausanias, le général spartiate vainqueur de Platées, avec Xerxès, ont tout de la machination. Mais il semble que, depuis Argos, Thémistocle multipliait les contacts avec les partisans d’un régime démocratique dans les cités péloponnésiennes. Les Spartiates ne lui pardonnent pas plus cet activisme que de les avoir dupés dans l’affaire de la construction des remparts – alors qu’à Athènes, Aristide et Cimon ne parlent que du modèle spartiate et ne jurent que par l’amitié de Sparte.

Hôte de Xerxès !

La défense écrite de Thémistocle ne suffit pas à éviter sa mise en accusation. Et cette fois, il risque la mort, la confiscation de ses biens, l’inscription de son nom sur la stèle d’infamie de l’Acropole. Il n’a aucun espoir d’un procès équitable devant un Aréopage dominé par des ennemis qui veulent sa mort, et les Argiens sont incapables d’assurer sa sécurité.

Il prend la fuite. Vers Corfou en faveur de laquelle il a naguère rendu un arbitrage, mais où on lui fait comprendre qu’il ne doit pas s’attarder. Chez le roi des Molosses (Épire) auquel il a naguère causé du tort mais qui lui permet de reprendre souffle. Il s’embarque. Et trouve refuge… dans les États de celui qu’il a vaincu.

Xerxès en est aux dernières années de son règne. Il sera assassiné en 465, sans doute à l’instigation de son fils et successeur Artaxerxès. Xerxès envisage de faire exécuter le fugitif – sa mère est de cet avis. D’autres pensent qu’il pourrait être utile en cas de nouvelle expédition contre les Grecs.

Thémistocle aura la vie sauve ; son magnanime ennemi lui donnera même trois cités pour sa subsistance : « pour le pain, Magnésie sur le Méandre où, plus que dans toute cité d’Asie, abonde le blé ; pour manger avec le pain, Myous à la mer poissonneuse ; pour le vin, Lampsaque, au terroir planté de nombreuses vignes », nous dit Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, 11, 57, 6-7).

Magnésie du Méandre, Antoninus Pius (138-161) : Buste lauré, drapé et cuirassé de Thémistocle. En agrandissement, Themistocles assis, tenant un bouclier.Faut-il croire que Thémistocle s’est rendu à Suse ? Ou cette tradition n’est-elle qu’une invention de ses ennemis pour accréditer sa trahison ? La proskynèse (rituel de prosternation devant le souverain perse) est un scandale absolu pour tout Grec qui ne peut envisager de se prosterner que devant un dieu.

Prétendre que Thémistocle l’a pratiquée, qu’il est devenu un conseiller écouté du Roi, en ajoute à son infamie. Ce que nous savons, c’est que son portrait apparaît sur une monnaie de Magnésie datant du début du règne d’Artaxerxès. Comment et en échange de quoi Thémistocle obtint-il ces faveurs ?

Promit-il d’aider à une future expédition contre les Grecs ? Usa-t-il de mètis, une fois encore, pour lanterner celui qui lui donnait asile ? Plutarque nous dit qu’il réclama du temps afin d’apprendre la langue perse. Et puis le meurtre de Xerxès, la révolte des frères du nouveau souverain durent accorder à Thémistocle un peu de répit.

Le penseur grec ajoute que lorsque les Athéniens envoyèrent un contingent soutenir les Égyptiens soulevés contre la domination perse (460) et que le Roi reprit l’idée d’une expédition punitive, Thémistocle refusa de participer à une opération contre sa patrie et choisit le suicide. D’autres sources parlent d’une mort naturelle – de vieillesse.

Si cette mort est bien intervenue en 459, Thémistocle a eu le temps d’apprendre l’ostracisme de Cimon. Mais la situation politique à Athènes est alors des plus confuses. Éphialte a été assassiné, Périclès ne s’est pas encore imposé ; sans doute son retour restait-il impossible. Les Athéniens étaient-ils pour autant allés jusqu’à le juger et à le condamner par contumace ?

C’est que, à bien des époques de cette vie hors norme, beaucoup de questions restent posées à l’historien, du fait des lacunes ou de la partialité de notre documentation, des questions auxquelles seul le romancier peut apporter une réponse : c’est ce qui m’a passionné en écrivant sur ce personnage passionnant.

En tout cas, à une époque postérieure, un monument funéraire fut bien élevé au vainqueur de Salamine, dans l’actuel quartier de Drapetsona où il est depuis peu ouvert au public (on peut le visiter virtuellement grâce à l’École américaine d’études classiques à Athènes), sur les hauteurs de ce Pirée qu’il a créé, non loin des passes séparant l’Attique de l’îlot de Psytallia et l’îlot de Psytallia de Salamine, là où s’est jouée une bataille dont l’issue fut déterminante pour le cours de l’histoire de la Grèce et pour la civilisation occidentale.

Bibliographie

Olivier Delorme, Thémistocle, Éditions H&O, 2021.


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La Grèce moderne
Publié ou mis à jour le : 2021-04-03 17:44:12

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