L'Histoire recense nombre de femmes qui ont dirigé avec brio de grands peuples, du pharaon Hatshepsout aux impératrices Wu Zetian et Cixi en passant par la reine Elizabeth Ière, mais leur autorité était le fruit d'un héritage dynastique.
Il a fallu attendre le XXe siècle pour que la moitié féminine de l'humanité prenne sa part du pouvoir et accède par la voie démocratique à la tête des États (en Occident principalement). C'est en bonne partie le fruit des campagnes engagées en 1910 avec l'établissement de la Journée internationale des femmes.
Si dès la fin du XVIIIe siècle, des voix féminines, comme celle d'Olympe de Gouges, se sont élevées pour demander l'égalité des droits entre hommes et femmes, c'est au cours des premières années du XXe siècle que des femmes occidentales se mobilisent pour obtenir le droit de vote.
En 1904 est fondée l'Alliance internationale pour le suffrage des femmes, présidée par une militante américaine. En Europe, les « suffragettes » anglaises figurent parmi les féministes les plus virulentes et organisent des manifestations de masse pour faire pression sur le gouvernement.
Les femmes des jeunes Nations des antipodes sont les premières à voir leurs droits de citoyennes reconnus. Dès 1893 et 1902, les Néo-Zélandaises et les Australiennes obtiennent le droit de vote. Entre 1907 et 1920, c'est au tour des Scandinaves, des Britanniques, des Allemandes, des Soviétiques, des Polonaises, des Canadiennes, des Hollandaises et des Américaines.
Toutefois, certaines n'obtiennent qu'une égalité toute relative avec les hommes. Ainsi, en 1918, la Grande-Bretagne accorde le droit de vote aux femmes de plus de 30 ans. Il faudra encore attendre deux décennies pour parvenir à une vraie égalité avec les hommes.
Tout aussi discriminants, certains pays accordent d'abord le droit de vote aux seules femmes célibataires ou aux seules diplômées de l'enseignement supérieur alors qu'ils n'exigent des hommes que de savoir lire et écrire (c'est le cas du Portugal en 1931).
En retard sur toutes leurs voisines européennes, les Françaises se trouvent dans les années 1930 dans une situation paradoxale. Elles ne sont ni électrices ni éligibles mais peuvent être ministres ! Trois femmes sont sous-secrétaires d'État sous le Front populaire, en 1936 : Cécile Brunschvicg, sous-secrétaire d'État à l'Éducation nationale, Irène Joliot-Curie, sous-secrétaire d'État à la Recherche scientifique, Suzanne Lacore, sous-secrétaire d'État à la protection de l'enfance. La mansuétude masculine ne va pas jusqu'à leur permettre de s'exprimer dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, devant les députés...
Cette aberration est corrigée par le gouvernement provisoire du général de Gaulle à la Libération : les Françaises votent pour la première fois le 29 avril 1945.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la plupart des femmes des pays démocratiques disposent du droit de vote. La parité du personnel politique n'est pas acquise pour autant.
Dans plusieurs grands pays asiatiques, des femmes ont accédé aux plus hautes responsabilités alors que le champ politique reste dominé par une logique profondément patriarcale.
Rien d'étonnant à cela : toutes ces femmes doivent leur bonne fortune à une filiation prestigieuse. Pour accéder au pouvoir en Asie, une femme se doit d'être « fille de » ou « épouse de »...
Le Sri Lanka est devenu ainsi le premier pays du monde à avoir une femme Premier ministre, en la personne de Sirimavo Bandaranaike, en 1960. Il est vrai qu'elle tirait sa légitimité de son statut d'héritière de son mari, Premier ministre srilankais assassiné en 1959.
En Inde, Indira Gandhi s'est imposée en 1966 comme l'héritière politique de son père Nehru. Sonia, sa belle-fille d'origine italienne, tenta à son tour mais avec moins de succès de reprendre l'héritage de son mari Rajiv Gandhi, assassiné le 21 mai 1991.
En Indonésie, une femme, Megawati Sukarnoputri, a été élue à la présidence de la République en 2001 et occupa la fonction pendant trois ans. Elle n'était autre que la fille du premier président indonésien Ahmed Sukarno, le « père de l'indépendance », renversé en 1965 et mort en 1970.
En Corée du sud, même scénario avec Park Geun-hye, présidente de 2013 à 2017, fille du dictateur Park Chung-hee, à qui les Coréens doivent leur actuelle prospérité.
Au Pakistan, c'est aussi la légitimité dynastique qui amena Benazir Bhutto à la tête du gouvernement pendant trois ans (1993-1996). Elle était la fille de l'ancien président Zulfikar Ali Bhutto, pendu en 1979. Elle-même fut assassinée en 2007.
Aux Philippines, Corazon Aquino, épouse d'un sénateur de l'opposition assassiné par le dictateur Ferdinand Marcos, devint présidente à la chute de celui-ci, en 1986.
Certains pays, comme l'Inde, font toutefois preuve d'un grand volontarisme pour permettre à des femmes du peuple d'accéder à des responsabilités politiques. En 1992, la plus grande démocratie du monde a adopté un amendement à la Constitution qui réserve 30% des sièges aux femmes dans les conseils municipaux et les assemblées régionales. Il va entraîner en quelques années l'entrée de centaines de milliers de femmes dans l'arène politique. En 2010 a été adoptée une loi similaire pour la Lok Sabha, le Parlement de New-Delhi.
En Grande-Bretagne, c'est par la seule force de son caractère et de ses convictions, que la très plébéienne Margaret Thatcher accéda à la tête du gouvernement en 1979. Elle a tenu les rênes pendant onze ans et réformé en profondeur son pays. En 2016, suite au référendum sur le Brexit, c'est une autre femme de caractère, Theresa May, qui est entrée au 10 Downing Street. Elle doit entre autres composer avec le gouvernement écossais, lui-même dirigé depuis 2014 par une femme, Nicola Sturgeon... Pour les Britanniques, toujours en avance d'un coup en matière de démocratie, le sexe n'est plus un déterminant du pouvoir !
En Israël, démocratie voisine de l'Europe, c'est aussi une femme de caractère, Golda Meir, qui a accédé à la tête du gouvernement en 1969. Golda Meir a dirigé le pays d'une poigne de fer pendant quatre ans, y compris pendant la très âpre guerre du Kippour. Golda Meir, Indira Gandhi et Margaret Thatcher, qui ont les unes et les autres dirigé leur pays en guerre, sont la preuve que le pouvoir au féminin n'a rien d'une promenade sentimentale et peut se montrer tout aussi rude que le pouvoir mâle.
En Europe continentale, les pays scandinaves demeurent les meilleurs élèves en matière de parité. La conjonction de lois contraignantes et d'élections à la proportionnelle leur ont permis d'atteindre des taux d'environ 40% de femmes dans les parlements nationaux.
L'Islande a porté à la tête de son gouvernement une première femme en 2009, Jóhanna Sigurðardóttir, et une autre, Katrín Jakobsdóttir, en 2017. En Finlande, notons-le, deux femmes ont occupé l'exécutif en 2011 : Tarja Halonen, présidente, et Mari Kiviniemi, Premier ministre. L'Allemagne a porté Angela Merkel à la chancellerie en décembre 2005. « Mutti » bat depuis lors tous les records de popularité et d'endurance à ce poste.
La Lituanie s'est donnée en 2009 une présidente en la personne de Dalia Grybauskaitė. Malte a aussi une présidente depuis 2014 : Marie-Louise Coleiro Preca, et la Croatie depuis 2015 : Kolinda Grabar-Kitarović. Des millions de téléspectateurs ont apprécié son stoïcisme sous la pluie, à Moscou en juillet 2018, lors de la remise de la Coupe du monde de football...
En France, le scrutin uninominal et le cumul des mandats, une redoutable machine à fabriquer des notables à vie, ont longtemps favorisé le conservatisme et l'hégémonie masculine. Malgré la loi de juin 2000 sur la parité, qui prévoit des sanctions financières pour les partis ne présentant pas un nombre égal d'hommes et de femmes lors des scrutins de liste, on comptait encore 27% de femmes à l'Assemblée nationale en 2012. Il a fallu la secousse électorale de 2017 et l'engagement du président Emmanuel Macron pour que la France retrouve une place honorable avec désormais 39% de femmes députées.
En Espagne, Franco avait aboli le droit de vote des femmes, qui n'a été rétabli qu'à la fin du régime franquiste, en 1975. Au Koweït, les femmes n'ont obtenu le droit de vote qu'en 2005. En Arabie séoudite, une femme ne dispose toujours pas du droit de travailler ou de voyager sans l'autorisation de son gardien légal, un membre masculin de la famille.
Mais d'autres pays musulmans ont néanmoins prouvé que la religion ne constituait pas un obstacle rédhibitoire à l'accès au pouvoir des femmes. En juin 1993, Tansu Ciller est devenue la première femme turque à diriger un gouvernement. Le Pakistan, le Bangladesh et l'Indonésie ont aussi franchi ce pas sans état d'âme.
La présence de femmes présidentes ou chefs de gouvernement sur tous les continents montre qu'aucune grande région du monde n'est imperméable à l'idée d'être dirigé par une femme. Cela va d'Ellen Johnson-Sirleaf au Libéria à Gloria Macapagal-Arroyo aux Philippines, Violeta Chamorro au Nicaragua, Michèle Bachelet au Chili, Cristina Kirchner en Argentine, Dilma Rousseff au Brésil.
En 2019, on note encore Sahle-Work Zewde, présidente de l'Éthiopie, Bidya Devi Bhandari présidente du Népal et Tsai Ing-wen présidente de la République de Chine (Taïwan). Les efforts de l'Union indienne méritent le respect, d'autant que la condition féminine dans ce pays est l'une des pires qui soient. À côté de cela, de grands pays comme la Russie, le Japon ou encore la Chine populaire demeurent fermés à la promotion politique des femmes.
Le vote des femmes
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Voir les 5 commentaires sur cet article
cricri (17-12-2023 10:32:24)
En France, les régentes et les maîtresses de monarques ont souvent tenu des rôles politiques de premier ordre.
Gramoune (10-03-2023 09:31:02)
Les femmes de pourvoir, qu'il s'agisse de Golda Meyir, d'Indira Gandhi, de Margareth Thatcher.. n'ont jamais défendu les femmes. Elles étaient, comme Angela Merkel des politiciennes comme les hom... Lire la suite
Pierre Turquin (30-05-2016 18:47:28)
Sans oublier Ranavalona 3 dernière reine de Madagascar déposée par Gallieni en 1897