1642-1660

Cromwell et la guerre civile anglaise

Oliver Cromwell (Huntingdon, 25 avril 1599 – Londres, 3 septembre 1658), par Samuel Cooper, National Portrait Gallery, LondresPendant deux longues décennies, de 1642 à 1660, l'Angleterre moderne va être secouée par une guerre civile (English Civil war) aussi appelée « Grande Rébellion ».

Les Anglais ont ainsi décapité leur roi Charles Ier Stuart et fondé une éphémère république, the Commonwealth and Free State, sous la dictature de fait d'Oliver Cromwell.

Mais à la grande différence de leurs cousins du Continent, ils vont mener leur révolution au nom de Dieu et d'une interprétation très rigide de la foi anglicane, le puritanisme.

Le pays est sorti de l'épreuve plus fort et plus démocratique, définitivement vacciné contre les aventures révolutionnaires (et républicaines).

De la rébellion parlementaire...

Charles 1er (19 novembre 1600 - 30 janvier 1649), portrait par Anton Van Dick, 1636 (détail)Dès son avènement, en 1625, le jeune roi Charles Ier Stuart se montre désireux de reprendre la guerre contre l'Espagne.

En manque d'argent, il convoque le Parlement à plusieurs reprises, en 1625, 1626 et 1629, mais celui-ci lui refuse à chaque fois l'autorisation de lever de nouveaux impôts en quantité suffisante.

Les relations se tendent entre la Cour et les parlementaire.

Charles Ier se sent assez fort pour réunir le 20 janvier 1629 un quatrième Parlement. Mais celui-ci, d'emblée, proteste à nouveau contre des taxes arbitraires. Le roi renvoie le Parlement une nouvelle fois et fait même incarcérer huit parlementaires.

Dans les onze années qui suivent (la « Tyrannie de onze ans »), il va gouverner sans convoquer de Parlement, ce qui est exceptionnel, et en s'appuyant sur ses nouveaux et conseillers le comte de Strafford, et l'archevêque de Cantorbéry William Laud. 

Malgré cela, l'argent manque, y compris même pour défendre les côtes britanniques. C'est au point que des pirates barbaresques peuvent impunément enlever des esclaves sur les côtes irlandaises.

Par ailleurs, William Laud, soucieux d'unité religieuse, ne manque pas de réprimer les pratiques puritaines, par exemple l'obligation du repos dominical ! Beaucoup, contrariés dans leur foi, choisissent l'exil et s'établissent en Nouvelle-Angleterre, tels les Pilgrim Fathers du Mayflower

La situation se dégrade brutalement lorsque l'archevêque tente d'imposer une Église d'inspiration anglicane aux Écossais. Ceux-ci, pour la plupart de confession presbytérienne, se soulèvent !

... à la rébellion écossaise

Thomas Wentworth, 1er comte de Strafford (), portrait par Anton van Dick, vers 1639 (collection de Lady Juliet Tadgell)Le roi, qui ne dispose pas d'une armée permanente, cherche en toute hâte des subsides. Il se voit alors contraint de reconvoquer le Parlement. Mais ses représentants en profitent pour contester l'autorité royale.

Charles Ier réplique en les renvoyant dix-huit jours à peine après leur entrée en fonction. Mais la dissolution de ce Short Parliament (« Court Parlement ») ne résout pas les problèmes financiers et, devant l'offensive des Écossais, le roi est bien obligé de rappeler un nouveau Parlement. Celui-là restera en fonction - par intermittences - jusqu'en 1660.

Ce Long Parliament (« Long Parlement ») va se montrer encore plus hostile que les précédents au roi.

Ses députés s'en prennent au loyal Strafford et le font arrêter et décapiter pour haute trahison le 12 mai 1641 sans que son maître ait pu le sauver. William Laud aura plus de chance ; il ne sera décapité dans la Tour de Londres que le 10 janvier 1645.

La mort de Strafford réveille la rébellion dans l'Irlande catholique, dont il fut le gouverneur. Dix mille colons anglais sont massacrés.

Le Parlement adresse une « Grande Remontrance » au roi. Celui-ci tente de faire bonne figure et renonce à son droit de dissolution. Mais à la fin, il a la maladresse de vouloir en finir avec ses ennemis.

Le 4 janvier 1642, il se présente lui-même aux Communes et s'installe à la place du Speaker avec l'intention d'exiger l'arrestation des cinq chefs de l'opposition parlementaire. Ceux-ci prennent les devants et se réfugient à la Cité de Londres, sous la protection de la milice bourgeoise. Défait, le roi se retire du Parlement sous les huées. Il juge sage de quitter la capitale et s'établit à Oxford.

La guerre civile

Pour s'assurer la mainmise sur la personne du roi, le Parlement conclut une alliance avec les Écossais, le Covenant, qui légitime la confession presbytérienne. C'est le début de la guerre civile entre les Cavaliers (royalistes aux cheveux longs et bouclés) et les Têtes rondes (puritains au crâne rasé).

Cette affaire n'enflamme pas les masses populaires... Quelques dizaines de milliers d'hommes seulement sont engagés dans les combats et il s'agit essentiellement de cavaliers. On observe au demeurant peu de violences inutiles entre ces combattants issus des classes privilégiées.

Cromwell forme lui-même un régiment de cavalerie remarquable par son fanatisme autant que par sa combativité et sa discipline, les Ironsides (« Côtes de Fer »). Il va assurer la victoire des Têtes rondes à Marston Moor (Yorkshire), le 2 juillet 1644.

Fort de ce succès, Cromwell reçoit du Parlement la lieutenance générale de l'armée et la débarrasse de ses relents d'amateurisme. Cette New Model Army remporte sur les Cavaliers une victoire décisive à Naseby (Leicestershire) le 14 juin 1645.  Le roi cherche refuge auprès des Écossais, ce qui met fin à la première guerre civile.

Tandis que le peuple aspire au retour à la paix et aux antiques institutions, le Parlement se trouve embarrassé avec une armée de trente mille hommes qui n'entend pas se laisser déposséder de sa victoire.

En mai 1647, les Écossais restituent Charles Ier au Parlement. Des négociations s'amorcent entre les parlementaires et le roi cependant que le mécontentement enfle dans les rangs de l'armée.

Mais dans la nuit du 11 novembre 1647, Charles 1er rompt les négociations et s'échappe subrepticement. Il reconstitue une armée avant d'être définitivement battu par Cromwell à Preston. Ainsi prend fin la deuxième guerre civile anglaise.

Tandis que le roi se réfugie sur l'île de Wight, ses partisans reprennent avec les parlementaires les négociations en vue de son retour sur le trône. Cette perspective n'a pas l'heur de plaire à Cromwell, conscient de l'exaspération de l'armée. Il bascule définitivement de son côté.

Le 6 décembre 1648, le colonel Pride et ses troupes se postent devant le Parlement de Westminster et en interdisent l'entrée à 231 parlementaires royalistes ou presbytériens. Quarante de ceux-ci sont arrêtés. C'est l'unique coup d'État de l'Histoire anglaise.  Sur un total de près de cinq cents députés, il en reste en définitive moins d'une centaine à oser encore siéger aux Communes.

Cromwell n'a pas trop de mal à obtenir de ce Rump Parliament (« Parlement croupion ») la condamnation à mort et la décapitation du souverain le 30 janvier 1649.

Le 19 mai 1649, le royaume devient un Commonwealth and Free State, autrement dit une république. La Chambre des Lords disparaît et le pouvoir est désormais exercé par un Conseil d'État de 41 membres dans lequel Cromwell a la prépondérance de fait.

Désormais maître de l'armée et du Parlement, le nouvel homme fort de l'Angleterre se retourne contre les Irlandais révoltés. Il débarque sur l'île et assiège la ville de Drogheda, près de Dublin. La garnison catholique est proprement massacrée et des centaines de femmes et d'enfants l'auraient été également.

Naissance d'un dictateur

Le massacre de Drogheda (An Illustrated History of Ireland from AD 400 to 1800, par Mary Frances Cusack, gravures de Henry Doyle, 1868)Cromwell n'en reste pas là. Il s'en prend aux Écossais qui ont proclamé le fils de Charles 1er roi d'Écosse sous le nom de Charles II et les défait à Worcester.

Par ailleurs visionnaire, il demande au Parlement de promulguer le 9 octobre 1651 l'Acte de navigation qui réserve aux navires anglais l'accès aux ports britanniques et va assurer à la Grande-Bretagne la domination des mers.

Pas question pour autant de légitimer son autorité par des élections. Elles lui seraient fatales tant est grande dans les campagnes et les bourgs l'opposition aux Têtes Rondes.

Qui plus est, le Parlement insupporte l'armée. Qu'à cela ne tienne, Cromwell en reconstitue un nouveau dont les membres sont désignés par l'armée parmi les postulants proposés par les différentes Églises ! 

Ce « Parlement des saints » n'a rien à lui refuser et, le 16 décembre 1653, il lui octroie le titre de « lord protecteur des Trois Royaumes » (Angleterre, Écosse, Irlande), faisant de lui très officiellement un dictateur républicain.

Plus que jamais convaincu d'être désigné par Dieu pour installer la « loi de Moïse » et conduire son peuple au salut, il impose le respect absolu du repos dominical, interdit les fêtes, prétexte à de « coupables réjouissances charnelles », impose un jeûne total le dernier mercredi de chaque mois, proscrit le duel, le blasphème mais aussi le théâtre et les courses de chevaux. L'adultère est puni de mort, les maisons closes sont supprimées ainsi que les tavernes.

Pour imposer son autorité, il divise la Grande-Bretagne en une quarantaine de régions militaires, sous l'autorité d'un major-général.

À sa mort, le 3 septembre 1658, un immense soulagement traverse le pays même si la dictature se prolonge officiellement en la personne de son fils Richard. Mais le nouveau Lord-protecteur manque de charisme et se fait conseiller par le général Georges Monck, ancien bras droit de son père, avant de se démettre le 25 mai 1659.

Le général Monck se rapproche peu à peu du clan royaliste et ramène enfin l'héritier de la dynastie Stuart à Londres. Charles II restaure la monarchie sous les acclamations le 29 mai 1660. C'en est fini de l'unique expérience républicaine de l'Histoire anglaise.


Publié ou mis à jour le : 2022-02-28 16:25:28

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