Baudelaire

Biographie

Marie-Christine Natta (Perrin, 890 p, 28€,  2017)

Baudelaire

17 octobre 2017 : Charles Baudelaire a eu une brève et chaotique existence (1821-1867). De son adolescence à sa mort, il a vécu sous trois régimes politiques : la monarchie de Juillet, la Deuxième République et le Second Empire. Au cours de cette période historique riche en événements, il a été mêlé à certains d’entre eux.

Dans sa volumineuse et passionnante biographie du poète, Marie-Christine Natta, évoque ces épisodes.

À l’âge de 13 ans, pensionnaire au collège de Lyon, Baudelaire est le jeune témoin de la deuxième révolte des canuts en 1834. Son établissement scolaire est pris au milieu des fusillades, les salles de classes criblées par la mitraille, les enfants évacués dans la précipitation, le toit incendié en partie. Comme ses camarades, Charles fait la chaîne pour éteindre le feu. Comme eux, il a frôlé la mort.

De cet épisode qui l’a forcément marqué, Baudelaire ne parle pas. Mais quelque temps plus tard, racontant à son frère que le choléra a atteint le département de l’Isère, il se demande s’il viendra « purger la ville de Lyon », probable allusion aux canuts, ces prolétaires fauteurs de troubles haïs par les familles bourgeoises comme la sienne.

Le 15 décembre 1840, comme de nombreux Parisiens, Baudelaire assiste au Retour des Cendres de l’Empereur. Un événement qui le laisse mutique. Le grand-rendez-vous du poète avec l’Histoire se produit en février 1848. Baudelaire est sur les barricades aux côtés des révolutionnaires en clamant qu’il veut faire la peau au général Aupick, son bon-père qu’il déteste après l’avoir apprécié. « Baudelaire s’enflamme pour la République. Ses amis s’en étonnent. N’a-t-il pas ridiculisé les républicains dans le Salon de 1846 ? N’a-t-il pas confessé sa joie de voir "un gardien du sommeil public- sergent de ville ou municipal, la véritable armée-crosser un républicain ?" », rappelle l’auteure.

Un révolutionnaire éphémère

« Baudelaire aimait la Révolution, dit son ami Asselineau ; plutôt il est vrai, d’un amour d’artiste que d’un amour de citoyen. Ce qu’il en aimait ce n’était pas les doctrines qui, au contraire choquaient en lui un certain sens supérieur de mysticisme aristocratique ; c’était l’enthousiasme, la fervente énergie qui bouillonnait dans toutes les têtes et emphatisait les écrits et les œuvres de toutes sortes. »

Baudelaire le confirmera plus tard :
« Mon ivresse en 1848
De quelle nature était cette ivresse ?
Goût de la vengeance. Plaisir naturel de la démolition. »

Autrement dit, la révolution contre l’ennui, contre le conformisme, ces ennemis intimes de Baudelaire. Mais aussi « ce qui peut paraître surprenant, révolte sociale contre un gouvernement qui ignore la misère ouvrière », souligne Marie-Christine Natta. Et il est vrai que dans ses poèmes, Baudelaire rendra parfois hommage aux déshérités.

Mais en 1848, il participe à la révolution de bout en bout. En février il arpente les points chauds de la capitale, lance un éphémère journal qui ne produit que deux numéros Le Salut public, glorifie la République et le peuple, assiste à des réunions des clubs qui fleurissent en quelques semaines. Lors des terribles journées de juin, Baudelaire est à nouveau dans la rue, s’enivre d’actions et de slogans.

Alors que la Deuxième République opère un violent coup de barre à droite, le poète persiste dans son comportement révolutionnaire. Il va même jusqu’à s’enticher de Proudhon qu’il cherche à contacter pour le prémunir d’un prétendu complot le visant. Puis en octobre 1848, changement de cap. Curieusement, Baudelaire accepte le poste de rédacteur en chef d’un journal conservateur de Châteauroux Le Représentant de l’Indre qu’il quitte au bout de quelques jours à la suite de ses comportements choquant la bourgeoisie locale.

Comment le révolutionnaire peut-il passer en quelques mois au conservatisme bourgeois ? « L’infidélité politique est un aspect de son dandysme. Un dandy peut, en effet, servir une cause sans se sentir lié à elle pour toujours », explique Marie-Christine Natta. Son détachement le conduit à penser « qu’on déserte une cause pour savoir ce qu’on éprouvera à en servir une autre ». « N’ayant pas de convictions, il peut passer d’un extrême à l’autre sans la moindre hésitation ni le moindre scrupule », conclut l’auteure.

Plus tard, Baudelaire portera un regard condescendant et cynique sur 1848 : « 1848 ne fut amusant que parce que chacun y faisait des utopies comme des châteaux en Espagne. 1848 ne fut charmant que par l’excès même du Ridicule. » Révolutionnaire en 1848, Baudelaire ne désavouera pas le régime autoritaire du Second Empire après avoir découvert les œuvres de Joseph de Maistre, chantre de la contre-révolution. Mais il ne s’engage pas pour autant derrière Napoléon III. « Le 2 décembre m’a physiquement dépolitiqué. Il n’y a plus d’idées générales. Que tout Paris soit orléaniste, c’est un fait mais cela ne me regarde pas », affirme-t-il.

Baudelaire ne se frottera plus jamais à l’Histoire, sauf à la sienne, douloureuse et pathétique comme le montre Marie-Christine Natta dans cet ouvrage fort documenté, d’une grande rigueur intellectuelle qui évoque aussi bien le génie du poète que les failles de l’homme.

Enfin, cette biographie a également le mérite d’être parfaitement replacée dans la vie littéraire bouillonnante du XIXème siècle à travers des portraits d’écrivains de second plan baignant dans le bohémianisme, d’éditeurs, de directeurs de revues, d’imprimeurs, de figures du dandysme. Elle retrace ainsi un pan majeur de notre histoire littéraire.

Jean-Pierre Bédéï

Voir : Le dandy sulfureux

Publié ou mis à jour le : 17/10/2017 12:57:01

G.Cook (22-10-2017 17:36:36)

Admettons qu'après Obama, Trumpe est un revirement aussi exagéré que l'avènement du Second Empire après le II ième République. Pour que les Trompistes ne restent pas au pouvoir aussi longtemps... Lire la suite

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