1515

et les grandes dates de l'Histoire de France

Alain Corbin (Seuil, 480 pages,  2005)

1515

Les éditions du Seuil remettent à l'honneur l'«Histoire-bataille» avec un livre de 480 pages qui présente les grandes dates de l'Histoire de France : 1515 et les grandes dates de l'Histoire de France revisitées par les grands historiens d'aujourd'hui.

Cela commence avec la fondation de Marseille par les Grecs en 600 avant JC et se termine avec le traité de Versailles (1919). Au total 76 dates qui figuraient au programme officiel de l'enseignement primaire en France en 1923.

Alain Corbin, directeur de l'ouvrage, a demandé à une cinquantaine de grands historiens d'aujourd'hui de raconter à leur manière ces événements.

Cela leur a donné l'occasion de montrer comment ont évolué les représentations de ces événements au fil des décennies.

Monique Bourin souligne ainsi le faible retentissement du sacre d'Hugues Capet (987) sur ses contemporains. Jean-Claude Schmitt note pour sa part que l'appel à la croisade du pape Urbain II (1095) avait pour principal but de canaliser la violence guerrière, bien plus que de délivrer Jérusalem.

L'idéologie est très présente dans les récits scolaires. Jean-Jacques Becker le rappelle à propos du déclenchement de la Grande Guerre (1914), dont l'Allemagne a été abusivement considérée comme la seule responsable.

Élargissant sa réflexion à l'ensemble du monde, Marc Ferro insiste sur la mise en avant de l'État-nation dans l'enseignement de l'Histoire, en France comme en Espagne, en Inde et ailleurs.

Dans tous les cas, la Nation est présentée comme existant de toute éternité, surgie du néant avec un destin écrit par avance et nécessairement glorieux.

En Espagne pas davantage qu'en France on n'évoque les histoires locales. On glorifie Cortès et Charles Martel mais l'on oublie l'expulsion des juifs et le duc Eudes d'Aquitaine...

La guerre pour seul horizon

L'aspect le plus frappant de ce rappel de la chronologie à l'ancienne est la prépondérance écrasante des récits de guerres.

Sur un total de 76 dates liées à l'Histoire de France, près des deux tiers (46) se rapportent à des guerres, des conflits ou des traités !

Ainsi ne sera-t-on pas étonné de voir un rappel de Marignan (1515). Mais trois autres batailles des guerres d'Italie (Fornoue, Agnadel, Pavie) figurent aussi au programme de l'enseignement primaire de 1923. Par contre, pour la même époque (le début du XVIe siècle et la Renaissance), rien n'est dit de la construction des châteaux de la Loire, des exploits du chirurgien Ambroise Paré etc.

A croire que la France ne tire son prestige que de ses soldats et de ses généraux. A se demander comment elle a pu autrefois se hisser à l'avant-garde de la civilisation européenne et de la civilisation tout court.

L'ouvrage d'Alain Corbin donne à réfléchir aux nostalgiques de l'enseignement d'antan, sous la IIIe République laïque et patriotique.

A sa lecture, on comprend que l'Histoire chronologique ait suscité entre les deux guerres mondiales l'ire des illustres historiens de l'École des Annales (Marc Bloch, Lucien Febvre, Fernand Braudel...).

Faut-il pour autant jeter la chronologie et l'enseignement des dates aux orties ? Faut-il, comme les Belges des années 1980, en arriver à découper l'Histoire en thèmes : une année les techniques agricoles au fil des âges, l'année suivante les techniques manufacturières... ?

Antoine Prost rappelle avec justesse que les dates sont les points d'ancrage indispensables des grands événements. Elles permettent aux écoliers de se situer dans le temps et dans l'Histoire.

Ignorer la chronologie conduit à priver les futurs citoyens d'une mémoire commune. Avec le risque que chacun s'abandonne à la recherche d'une identité propre, dans sa communauté ethnique, linguistique, religieuse ou autre.

Ce risque est très actuel et d'autant plus grave qu'il est entretenu par de beaux esprits qui sévissent dans les médias.

Si l'on est d'accord sur l'utilité d'enseigner aux écoliers les dates essentielles de leur Histoire, reste à identifier ces dates.

On peut alors s'amuser à refaire le programme de 1923 en remettant à sa juste place l'«Histoire-bataille». Laissant tomber Fornoue, Agnadel ainsi que Wagram, Marengo, Tolbiac...

Mais retenons l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), la fondation de l' Académie française (1635), l'affaire Calas (1762), le vol d'une montgolfière (1783), la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (1789), la promulgation du Code Civil (1804), la fondation de l'Institut Pasteur (1888), le premier vol d'un avion (1890) etc.

André Larané

Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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