Reinhard Heydrich (1904 - 1942)

La « Bête blonde » du nazisme

Né à La Halle-sur-Saale, en Allemagne orientale, Reinhard Heydrich est le fils d'un directeur de conservatoire de musique. Il devient lui-même violoniste talentueux et un amateur de musique classique !

Lina et Reinhard HeydrichMais dès l'adolescence, son tempérament colérique le porte vers les sports violents dont l'escrime, discipline dans laquelle il remporte de nombreuses récompenses.

Comme la plupart des jeunes Allemands, il est bouleversé par la défaite de 1918 et choisit alors d'entrer dans la marine comme officier.

Notons que parmi ses supérieurs figure le futur amiral Wilhelm Canaris. Il prendra en 1935 la direction de l'Abwehr, le service de renseignements de la Wehrmacht, et deviendra à ce titre le rival et le concurrent de Heydrich, chef du service de renseignements de la SS.

En attendant, Heydrich est brutalement chassé de la marine en 1931 pour mauvaise conduite, probablement pour avoir séduit la fille d'un ami de l'amiral Roeder, ministre de la Marine !

Une ascension météoritique

Encouragé par sa femme Lina, issue de la noblesse allemande désargentée, il rejoint alors la Schutzstaffel (« escadron de protection », SS), le corps d'élite du parti nazi.

Reinhard Heydrich (1904-1942Le chef de la SS, le Reichsführer Heinrich Himmler est séduit par sa haute taille, son physique « aryen » et surtout son intelligence froide et synthétique. Il lui confie l'organisation d'un service interne de sécurité (Sicherheitsdienst, SD).

Organisant son service de renseignements de façon très administrative et efficace, sans reculer devant aucune manoeuvre illégale (espionnage et compromission de rivaux, tabassage d'opposants...), Heydrich fait de la SD le fer de lance de la conquête du pouvoir par les nazis.

Il en profite aussi pour régler ses comptes et éliminer ses rivaux potentiels. Après l'accession à la chancellerie du Reich de Hitler, il fait circuler une liste de postulants à un futur ministère qui laisse croire à un complot au sein du parti nazi. Sur la liste figurent aussi bien Ernst Röhm, chef de la très puissante SA, rivale de la SS,que Gregor Strasser, nazi de la première heure qui a eu l'impudence de laisser circuler une rumeur selon laquelle Heydrich aurait eu une grand-mère juive !... Heydrich et Himmler convainquent Hitler de faire le ménage dans le parti et parmi les opposants potentiels. Il s'ensuit la « Nuit des longs couteaux »...

Promu à la veille de la guerre à la tête de l'Office central de sécurité du Reich (RSHA), incluant la police criminelle et la Gestapo, Heydrich n'est plus seulement le bras droit de Himmler mais aussi, sans doute, l'un des personnages les plus puissants de l'Allemagne nazie.

Himmler et Heydrich à Vienne en 1938

L'artisan de la Shoah

C'est alors qu'il conçoit le projet d'extermination physique des Juifs d'Europe.

Quand la Wehrmacht envahit la Pologne, il organise au sein de la SS des Einsatzgruppen (« Einsatzgruppen ») chargés, à l'arrière du front, de traquer et exécuter toutes les catégories de populations jugées menaçantes : intellectuels, responsables politiques... et Juifs. L'activité criminelle des Einsatzgruppen va se déployer à grande échelle lors de l'invasion de l'URSS, à partir du 22 juin 1941.

Sans cesser d'oeuvrer à cette entreprise, Heydrich est sollicité par Hitler pour devenir Protecteur du Reich de Bohême-Moravie (« Reichsprotektor in Böhmen und Mähren », la Bohême-Moravie, aujourd'hui République tchèque).

Il remplace à ce poste le trop mou baron Konstantin von Neurath, incapable de juguler les mouvements de résistance.

Reinhardt Heydrich ( 7 mars 1904, Halle ; 4 juin 1942, Prague)La cérémonie d'installation du nouveau « Protecteur du Reich » se déroule en grande pompe au château de Prague le 27 septembre 1941. Très vite, Heydrich instaure l'état d'exception sur le pays et fait couler le sang : massacres, déportations et germanisation forcée. Ses manières ô combien brutales lui valent le surnom de « boucher de Prague ».

Heydrich, que ses hommes qualifient volontiers de « Bête blonde » (sans nuance péjorative !) ne perd pas de vue pour autant la question juive.

Le 20 janvier 1942, assisté d'Adolf Eichmann, dont il a apprécié l'efficacité à Vienne, quand il s'est agi de pousser les Juifs autrichiens à émigrer tout en les dépouillant de leurs biens, il réunit dans une villa huppée de Wannsee, près de Berlin, plusieurs hauts fonctionnaires nazis en vue de mettre au point les détails administratifs de ce qu'il appelle par un atroce euphémisme la « Solution finale de la question juive ».

À la « Shoah par balles » des va s'ajouter la « Shoah par le gaz », à Auschwitz et dans les autres camps d'extermination...

La « Bête blonde » est grièvement blessée le 27 mai 1942 par des résistants tchécoslovaques parachutés d'Angleterre, Josef Gabcik et Jan Kubis. Sa mort, le 4 juin suivant, est le premier coup dur qu'ait à encaisser l'État nazi.

Bibliographie

Tous les auteurs et historiens ont échoué à comprendre comment de jeunes bourgeois issus d'un milieu cultivé ont pu se rendre complices de crimes majeurs ou ont pu, comme Heydrich, en devenir les maîtres d'oeuvre. À défaut de répondre à cette question, l'historien Édouard Husson nous propose une très remarquable enquête sur la façon dont Heydrich et ses acolytes en sont venus à penser et mettre exécuter la Solution finale : Heydrich et la Solution finale (Perrin, 2008).

Laurent Binet, agrégé de lettres, a choisi quant à lui une approche originale pour raconter l'élimination de Heydrich. Il a pris le parti de raconter l'Histoire comme un roman. Ça donne un livre inclassable et fulgurant, captivant de bout en bout : HHhH (Grasset, 2009, Prix Goncourt du premier roman 2010).

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-07-06 13:09:12

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