L'Église au Moyen Âge

Une institution toute en nuances

L'Église au Moyen Âge

Nous avons lu Grandeurs et faiblesses de l'Église au Moyen Âge (Les éditions du Cerf, septembre 2006, 336 pages, 28 euros), par Pierre Riché, professeur émérite d'Histoire à l'université Paris X-Nanterre.

Il s'agit d'un livre concis (332 pages) qui raconte mille ans d'Histoire occidentale à travers le prisme de la principale institution de cette époque, l'Église.

L'auteur dépeint avec empathie mais sans parti pris les personnages qui l'ont guidée et contribué à l'édification de notre monde.

Pierre Riché, brillant médiéviste, a écrit son livre d'un seul souffle, sans s'attarder à citer ses sources ou justifier ses dires.

Cela donne un récit limpide et lumineux, accessible à tous les amateurs d'Histoire et ô combien instructif.

Église(s) en marche

Pierre Riché, professeur d'Histoire et médiéviste (Paris-X-Nanterre)L'historien nous montre une Église médiévale à l'opposé de l'image monolithique qui transparaîtdans beaucoup de commentaires contemporains.

Qu'il s'agisse de l'attitude à l'égard des hérésies, des juifs et de l'islam, ou à l'égard de la femme et du mariage, rien n'est figé. Sur le plaisir sexuel que réprouvent un grand nombre de moines, Thomas d'Aquin convient par exemple avec une touche d'humour : « Ce plaisir qui naît de l'acte conjugal, bien que très grand, n'excède pas les limites fixées par la raison avant son début, même si au cours de ce plaisir, la raison ne peut en fixer les limites ».

Ainsi, dans le survol de l'Église par Pierre Riché, on voit que s'opposent en permanence deux ou plusieurs sensibilités (le mot est faible).

Les époques ont beau changer, on retrouve de siècle en siècle les mêmes types de personnages: les mystiques et les prédicateurs qui ont soif de retour à la pureté évangélique, les clercs militants qui aspirent à enraciner l'Église et la foi dans leur époque, au risque parfois de douteuses compromissions.

De saint Augustin à Savonarole en passant par Pierre Valdo ou encore saint François d'Assise, l'institution se renouvelle régulièrement en surmontant et en dépassant ses conflits internes (de la meilleure ou de la pire des façons).

Laborieuse christianisation de la société

Le premier pape médiéval est Grégoire Ier le Grand (590), contemporain d'Héraclius et de Mahomet. Il luirevient de lancer les premières missions d'évangélisation avec déjà le souci de respecter les différences culturelles.

Mais la christianisation de l'Occident latin est elle-même encore loin d'être achevée et dans les campagnes à demi-barbare, l'Église fait encore figure de corps étranger. Il faut attendre Charlemagne, deux siècles plus tard, pour que l'Église renforce enfin son emprise sur les paysans et les guerriers.

Sous la plume de Pierre Riché, Charlemagne lui-même apparaît comme un guerrier impitoyable mais aussi unfin politique et un homme d'une piété profonde et sincère. C'est grâce à son soutien que les moines anglo-saxons et irlandais ont pu amorcer une première renaissance culturelle en Occident.

Au Xe siècle, l'Occident traverse une crise profonde: invasionsvikings, sarrasines et hongroises, effondrement des structures carolingiennes, déliquescence de la papauté elle-même. Dans ce désordre apparemment sans espoir, voilà que naît Cluny. L'abbaye bourguignonne va inspirer la réforme grégorienne du siècle suivant, et celle-ci fondera pour une bonne part le monde qui est le nôtre.

Le XIIe siècle est un siècle de grande effervescence religieuse. Beaucoup de représentants de l'Église institutionnelle abusent de la puissance spirituelle et matérielle acquise par celle-ci. Mais d'autres les rappellent à leurs devoirs.

À Saint-Denis, l'abbé Suger, fils de serf, soucieux de glorifier Dieu, lance avec orgueil le premier chantier gothique. A Cîteaux, son rival Saint Bernard inaugure un nouvel ordre monastique tourné vers l'austérité, le recueillement et la prière. À Cluny, l'abbé Pierre le Vénérable fait traduire le Coran pourmieux connaître (et convertir) les musulmans...

C'est le temps où fleurissent les hérésies (catharisme) et les mouvements mystiques qui invoquent un retour à la pauvreté évangélique. Certains sont rejetés hors de l'Église comme les disciples du marchand lyonnais Pierre Valdo, d'autres récupérés comme Saint François d'Assise et Saint Dominique. L'un et l'autre sont à l'origine de deux grands « ordres mendiants » qui vont s'appliquer à ramener les habitants des villes à la foi.

Signe des contradictions qui parcourent l'Église, le pape Innocent III, qui a protégé François et Dominique, est le même qui a hissé l'Église médiévale à sonapogée et a lancé la croisade contre les Albigeois et la IVe croisade, plus détestables qu'aucune autre.

Église en crise

Dans les deux derniers siècles du MoyenÂge, le « Moyen Âge tardif », une nouvelle société naît dans le retour des crises (guerre de Cent Ans, Grande Peste, Jacqueries...). La papauté se délite elle-même dans les schismes et l'exil à Avignon. Mais du tréfonds de la société émergent de puissants courants spirituels. De répression en répression, ils vont déboucher sur la Réforme luthérienne et la scission définitive de la chrétienté catholique et romaine.

En dépit de son titre, Grandeurs et faiblesses de l'Église au Moyen Âge est tout le contraire d'une thèse savante. L'ouvrage fait partie de ces raretés que l'on savoure lentement et avec délectation, bien calé dans un fauteuil. L'auteur, Pierre Riché, a écrit d'autres très beaux livres sur le Moyen Âge comme Les grandeurs de l'An mille.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2019-05-08 21:31:07

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