19 janvier 2022. À la chute de Napoléon III, il y a un siècle et demi, les électeurs français ont élu une majorité de députés royalistes et ceux-ci, dans l'attente d'une restauration monarchique, ont mis en place un régime transitoire avec un président de l'exécutif doté de très grandes prérogatives.
Mais en février 1876, les élections législatives ont amené une majorité républicaine à la Chambre et le président Mac-Mahon, royaliste bon teint, dut alors renoncer à ses prérogatives avant de démissionner à l'issue de la crise du « Seize-Mai » 1877...
Il n'y a à première vue rien de comparable entre les débuts de la IIIe République et la Ve République de la deuxième période, celle qui a commencé en 2000 avec l'instauration de la monnaie unique, le renoncement à la souveraineté monétaire et le passage du septennat au quinquennat. Autorisons-nous toutefois un peu de politique fiction en dressant un parallèle entre le deuxième président de la IIIe République et le huitième président de la Ve.
L'un et l'autre ont bénéficié d'une « élection de maréchal » mais sont ensuite entrés en dissonance avec l'opinion publique, de plus en plus républicaine dans le premier cas, de moins en moins mondialiste dans le second. L'un et l'autre ont bénéficié de prérogatives très importantes à leur accession au pouvoir (initiative des lois, nomination des hauts fonctionnaires, droit de dissolution de l'assemblée législative, etc.).
Mais l'on a vu que Mac-Mahon a perdu ses prérogatives après la crise du « Seize-Mai » 1877 et, après lui, ses successeurs n'ont plus osé en faire usage, laissant au Parlement la direction du pays. Un tel scénario serait-il à nouveau envisageable ?
Une élection porteuse d'espoir
Selon le voeu du général de Gaulle, c'est toujours l'élection présidentielle qui oriente et détermine la politique française. Le président dispose de plus d'autorité que dans n'importe quelle autre démocratie mais depuis un quart de siècle, il a réduit ses pouvoirs à la portion congrue en soumettant tous les domaines régaliens à des institutions supranationales européennes : Commission européenne, Banque européenne, Cour européenne, OTAN.
Ce choix européen ou « européiste » est porté par l'actuel président de la République, qui n'a de cesse de mettre en avant et promouvoir une hypothétique souveraineté européenne, contre le voeu exprimé par les Français.
Du traité de Maastricht, validé de justesse par référendum en 1992 (51% de oui), au traité constitutionnel, rejeté avec force en 2005 (55% de non), les citoyens ont clairement exprimé leur inquiétude face à ces abandons de souveraineté. Aux élections présidentielles de 2017, sur les onze candidats du premier tour, tous affichaient à différents degrés leur euroscepticisme et leur méfiance envers la mondialisation à l'exception d'un seul, Emmanuel Macron, qui obtint modestement 24% des voix. Il n'en fut pas moins élu par défaut grâce à la contre-performance de sa concurrente, Marine Le Pen.
Par une disposition aberrante issue de la réforme électorale de 2000, les législatives se sont déroulées tout juste six semaines après les présidentielles. Il fut alors très difficile pour les partis d'opposition de remonter au front avec un programme et des arguments plus convaincants que ceux qu'ils n'avaient pas su trouver pendant les présidentielles.
Faute de mieux, les électeurs donnèrent sa chance au nouveau président en lui permettant de faire ses preuves avec une majorité parlementaire à sa main. En 2017, le résultat, pour le président Macron, nouveau-venu dans la politique, fut une majorité de « députés godillots » pour la plupart sans expérience.
Une réélection faute de mieux
Les prochaines élections présidentielles, les 10 et 24 avril 2022, donneront au président sortant toutes les chances de victoire non pas du fait de sa popularité ou de sa maîtrise des affaires publiques mais du fait de la division et de l'impopularité de ses rivaux.
Tous les commentateurs qualifiés, sondeurs et journalistes, s'accordent à nous dire que le second tour se jouera entre le président sortant, situé au centre droit, et l'un ou l'autre des candidats de droite ou d'extrême-droite : Valérie Pécresse, qui a du mal à se démarquer du président sortant ; Marine Le Pen, qui cherche à faire oublier son débat de l'entre-deux-tours de 2017 ; Éric Zemmour, qui persiste à « sauter sur sa chaise comme un cabri » en clamant l'islam ! l'islam ! l'islam !
À gauche, c'est Waterloo ou Eylau après la bataille. Des cadavres et des agonisants en veux-tu, en voilà. On ne compte plus les candidats. Mais deux ou trois tout au plus peuvent espérer réunir plus de 5% des voix au premier tour et être remboursés de leurs frais de campagne. Avec le risque de faire moins de 5%, Anne Hidalgo pourrait, si elle se maintient, entraîner la ruine finale du Parti socialiste... On a peine à croire que ce parti aujourd'hui moribond et sans idées a dirigé la France avec de fortes personnalités comparables aux grandes figures de la IIIe République pendant vingt ans (vingt-cinq si l'on compte les périodes de cohabitation avec la droite).
Glissons sur les amis écologistes de Nicolas Hulot, qui se déchirent plus qu'il n'est permis et ne sont d'accord sur rien. Pour corser le tout, voilà maintenant que les médias officiels nous vendent la candidature de Christiane Taubira, ancienne leader indépendantiste guyanaise, dont le plus beau coup d'éclat consista à placer Jean-Marie Le Pen devant Lionel Jospin au premier tour des présidentielles de 2002, en volant au candidat socialiste les deux cent mille voix qui lui auraient permis de se qualifier.
Reste l'hypothèse la plus probable, la réélection du président sortant. Ce serait une innovation car, depuis la réforme électorale de 2000, aucun président sortant n'a encore fait un deuxième quinquennat. Il n'est pas du tout certain dans cette hypothèse que le président retrouvera une majorité parlementaire car il ne bénéficiera plus d'un quelconque état de grâce. L'argument : « donnons-lui l'occasion de faire ses preuves » ne jouera plus et les candidats de son parti seront jugés sur leur bilan et celui du précédent quinquennat.
Les législatives plutôt que les présidentielles
Devant la Bérézina qui se profile, les derniers partis de gauche encore vivants feraient bien de sauter l'étape des présidentielles et de tout miser sur les législatives des 12 et 19 juin 2022.
C'est là que les derniers partis d'opposition encore bien structurés gardent toutes leurs chances. En se présentant aux législatives avec des candidats de qualité et surtout des idées fortes et bien structurées, ils peuvent imposer au président une légitimité démocratique supérieure à la sienne.
• À droite, le parti Les Républicains, dont le programme ne diffère guère de celui du président sortant, ne pourrait jouer que sur le rejet de celui-ci. Le Rassemblement national pourrait s'en sortir s'il n'est pas trop secoué par une nouvelle contre-performance de Marine Le Pen.
• À gauche, à part les écologistes, deux partis peuvent tirer leur épingle du jeu. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon tente d'agglomérer les extrêmes-gauches en jouant sur les idéologies racialistes, néoféministes, LGBT+, immigrationnistes, etc., sans toutefois remettre en cause le traité de Lisbonne et la monnaie unique et, donc, les fondements du néolibéralisme. Le Parti communiste pourrait, qui sait ? retrouver une nouvelle jeunesse s'il reprend les idées de la gauche traditionnelle, en mettant en avant les enjeux économiques et sociaux dans le cadre de la souveraineté nationale, avec un protectionnisme pragmatique dans le respect de l'économie de marché. Selon les mots de son secrétaire national Fabien Roussel, il s'agirait de privilégier « la classe plutôt que la race ». Tout le contraire des nouvelles gauches...
Après des présidentielles qui promettent d'être des plus ennuyeuses, un réveil de la démocratie n'est pas à exclure en juin avec des débats enflammés dans chacune des 577 circonscriptions. La comparaison entre Emmanuel Macron et son lointain prédécesseur Patrice de Mac-Mahon prendrait alors tout son sens si, d'aventure, le président devait composer avec une Assemblée moins conciliante que l'actuelle.
Réélu avec une Assemblée hostile, Emmanuel Macron se verrait obligé, comme le maréchal, de « se soumettre ou se démettre ». Lui-même et ses successeurs seraient dès lors contraints à une « cohabitation » avec un Premier ministre désigné par une coalition à l'allemande (droite-gauche, gauche-écologistes, voire droite-extrême-droite). Ce système pourrait être amené à durer. Il enterrerait sans le dire la monarchie républicaine voulue par le général de Gaulle... Bien entendu, il ne s'agit que d'un exercice de politique fiction.
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Voir les 17 commentaires sur cet article
BENARD (12-06-2022 14:15:35)
Tiré par les cheveux. Le résultat de dimanche prochain pourrait justifier la comparaison. Mais les éléments constitutifs ne correspondent pas à la réalité.
SAGA973 (12-06-2022 12:53:04)
Très bien écrit avec quelques nuances. Jospin est le seul responsable de sa défaite en 2002. C'est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que d'oublier la loi sur le mariage pour tous.
BRIVOT Pierre (12-06-2022 10:31:40)
Le maréchal comte de Mac-Mahon, bien qu´issu d´une famille d´origine irlandaise avait la France au cœur, rien à voir avec un individu qui déteste son Pays et rêve de le noyer dans un magma eur... Lire la suite