19 février 2017 : ce chef d'oeuvre raconte les déboires des jésuites au Japon. Signé Martin Scorsese (Taxi Driver, La dernière tentation du Christ...), c'est une tranche d'Histoire belle et d'une très grande finesse. De quoi s'émouvoir, apprendre et réfléchir.
Qu'on se rassure avant d'aller plus loin : dans Silence, la violence est présente mais est exposée avec pudeur. Elle ne s'étale pas à l'écran, contrairement à ce que laisseraient croire certaines critiques cinématographiques. Les films de Quentin Tarantino ou Luc Besson en montrent dix fois plus ! Le film Silence est accessible à tous les adultes et adolescents.
Inspiré d'un roman japonais, Silence met en scène deux jésuites portugais envoyés en mission au Japon en 1633.
Le récit, en partie fictif, n'en reflète pas moins l'exacte réalité historique. On est ébloui par la qualité des images et la représentation du Japon ancien, ses villes (Nagasaki) comme ses villages et ses côtes. Les êtres sont saisis dans toute leur complexité : missionnaires écartelés entre la foi et le doute ; paysans pénétrés d'une foi naïve mais ô combien héroïque ; fonctionnaires guidés par l'intérêt supérieur de l'État...
C'est en 1549 que sont arrivés au Japon les premiers missionnaires catholiques. Il s'agissait d'une poignée de jésuites guidés par l'un des fondateurs de la Compagnie de Jésus, saint François-Xavier. Sa foi et son ardeur lui valent de convertir en deux ans des villages entiers. Trente ans après son passage, on compte 150 000 convertis et 200 églises, principalement autour de Nagasaki, sur l'île méridionale de Kyushu.
Mais l'arrivée de marchands hollandais en 1600 va tout gâcher. Ces calvinistes tiennent les catholiques en horreur et mettent en garde les Japonais contre eux.
Justement, un général, Tokugawa, vient de mettre fin pour de bon aux dissensions féodales. Laissant à l'empereur un rôle honorifique, il devient en 1603 un tout-puissant maire du palais (shogun) et établit sa capitale à Édo, l'actuelle Tokyo.
Tokugawa et ses successeurs se montrent de plus en plus réservés à l'égard des missionnaires mais aussi des Européens en général, dont ils craignent qu'ils menacent l'indépendance du pays. C'est ainsi que le christianisme est interdit en 1612 et tous les Européens chassés en 1636. Dans le même temps se multiplient les persécutions contre les malheureux paysans qui ont choisi le christianisme.
Sans s'attarder sur les péripéties politiques, Martin Scorsese met en scène le dilemme dans lequel sont placés les paysans et les missionnaires : mourir et laisser mourir leurs proches ou apostasier et renier leur foi et leur espérance en la vie éternelle ?
Les échanges entre un prêtre et le gouverneur de Nagasaki introduisent aussi la problématique identitaire : les Japonais ont des traditions et une religion, le bouddhisme, qui leur donnent satisfaction ; ils n'ont nul besoin du christianisme. Que les Espagnols et les Portugais s'en tiennent également à la pratique de leur religion, suggère le gouverneur. À quoi le jésuite répond que sa foi est une espérance pour tous les hommes sans distinction...
Le cinéaste aborde ces enjeux sans parti pris et nous laisse le soin d'y réfléchir et d'en mesurer la complexité.
Le titre du film fait référence aux prêtres qui, ne sachant que faire, en appellent à Dieu et n'obtiennent en retour que son silence.
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