C'est autour de l'an Mil que le peuple polonais entre dans l'Histoire. Jusqu'alors, la grande plaine polonaise, restée à l'écart du monde romain, avait avant tout constitué une voie d'accès privilégiée à la péninsule européenne pour les vagues successives d'envahisseurs venus d'Asie.
Le nom même du pays fait référence à son relief. La racine pol désigne une plaine ou un champ dans les langues protoslaves. De fait, quasiment toute la Pologne est une immense plaine avec une altitude inférieure à 500 mètres, ce qui en fait un terrain propice aux invasions comme aux conquêtes...
La Pologne des Piast
À la fin du premier millénaire, les diverses populations slaves qui habitent le bassin de la Vistule finissent par s'unir autour de leur commune foi catholique, solidement implantée dans la région depuis les missions évangélisatrices des apôtres Cyrille et Méthode, au IXe siècle.
Une identité polonaise naît ainsi, dont la tradition historique fait coïncider l'apparition avec le règne de Mieszko Ier, à la fin du Xe siècle. Ce chef de tribu devenu roi fonde en effet une dynastie, celle des Piast, qui va régner durant cinq siècles sur la Pologne.
Le premier fait connu de l'Histoire de la Pologne remonte à 962. C'est une rencontre quelque peu brutale entre le duc Mieszko et une armée allemande aux ordres du Saxon Otton, qui, fort de ses succès face aux Hongrois, venait de relever l'empire d'Occident !
Vaincu, Mieszko (ou Miécislas) se reconnaît vassal de l'empereur allemand mais n'en réussit pas moins à fédérer autour de lui les différentes tribus slaves du bassin de la Vistule.
Sous l'influence de sa femme, une princesse tchèque, le duc rompt avec le paganisme, se convertit au catholicisme en 966, fonde l'évêché de Poznan deux ans plus tard et place ses États sous la protection du Saint-Siège. Ainsi compte-t-il échapper à la colonisation allemande.
Son fils Boleslas Ier le Vaillant lui succède en 992. Il obtient de l'empereur Otton II l'autorisation de fonder l'archevêché de Gniezno, ce qui rend l'église polonaise indépendante du haut clergé allemand. Là-dessus, il s'empare à l'ouest de la Poméranie, de la Moravie, de la Silésie et de la Lusace, étendant ses possessions jusqu'à l'Elbe. Ses succès inquiètent l'empereur Henri II, fils d'Otton II et dernier représentant de la dynastie saxonne. Cet empereur très pieux, qui sera canonisé de même que son épouse Cunégonde, confirme les conquêtes de Boleslas à l'exception de la Bohême, par la paix de Bautzen, en 1018.
Mais l'infatigable Boleslas envahit aussi la Russie blanche à l'est et s'empare même de Kiev. Le 18 avril 1025, deux mois avant de mourir, il obtient enfin d'être couronné par l'archevêque de Gniezno et devient le premier roi de Pologne, sans demander la permission de l'empereur et sans même attendre la bénédiction du pape.
Dans ce royaume féodal et agraire, de grandes villes se développent, comme Wroclaw (Breslau en allemand), Poznan et Cracovie, capitale du royaume. La puissance de l'Église catholique n'empêche pas par ailleurs l'octroi par le pouvoir royal de larges libertés aux juifs, la Pologne abritant bientôt la plus grande communauté juive d'Europe. Mais sur le plan militaire et politique, les successeurs de Boleslas n'ont pas son énergie. Ils perdent la plupart de ses conquêtes sous la pression des Allemands.
À partir du XIIIe siècle, bien que catholique, la Pologne est aussi soumise aux interventions incessantes des chevaliers teutoniques de Prusse, qui s'emparent notamment de plusieurs ports polonais. Mais leurs attaques ne sont que peu de poids au regard des destructions infligées au même moment par les invasions mongoles.
Au milieu du XIVe siècle, le roi Casimir III le Grand, qui règne de 1333 à sa mort, le 5 novembre 1370, hisse la Pologne parmi les grandes nations européennes grâce à ses nombreuses constructions, à l'attention apportée au développement de la vie intellectuelle, et à ses conquêtes en direction de l'est. Grâce également à une politique audacieuse à l'égard des juifs : il leur accorde dès 1334 le Privilegium. Cette protection juridique va attirer dans le pays de nombreux marchands et artisans et contribuer à l'extraordinaire rayonnement intellectuel et artistique du pays jusqu'au XVIe siècle.
L'apogée des Jagellons
La dynastie des Jagellons, grands-ducs de Lituanie, qui héritent du royaume après la mort sans descendant de Casimir le Grand, contribue à renforcer encore le prestige naissant de la Pologne. La Lituanie occupe alors un territoire considérable, de son berceau sur la Baltique jusqu'à la mer Noire. En s'unissant à cette grande puissance, la Pologne est à bonne école.
Le royaume connaît une Renaissance précoce et brillante, qu'illustrent notamment les noms de Copernic ou du poète Kochanowski, véritable fondateur de la littérature polonaise slavophone. Ce pays florissant se signale enfin par une grande tolérance religieuse : face à la masse catholique des paysans, une grande partie de l'élite bourgeoise et nobiliaire se convertit très rapidement aux doctrines luthériennes et calvinistes sans que se produisent les troubles religieux qui déchirent alors l'Europe. Et bien des sectes protestantes se réfugient dans ce « pays sans bûcher ».
Cliquez pour agrandir Les ennuis de la Pologne débutent en 1652 avec le Liberum veto par lequel la Diète impose un vote à l'unanimité pour toutes les décisions, y compris l'élection du souverain ! Cette disposition réduit l'assemblée à l'impuissance et offre aux voisins des prétextes à intervenir à tout va...
Une singulière « République nobiliaire »
La mort sans héritier du dernier Jagellon, en 1569, se révèle particulièrement néfaste : les luttes incessantes entre les puissants clans nobiliaires ne permettant pas la désignation d'un maître durable, un nouveau régime se met en place, aussi original que pernicieux, avec l'institution d'une monarchie élective et parlementaire, la « République unie de Pologne-Lituanie ». Le souverain, choisi par la Diète, règne à titre non héréditaire. C'est une véritable République nobiliaire : le roi, qui lui doit son élection et ne peut prendre de décision sans son accord, est le serviteur d'une noblesse pléthorique, qui représente 10 % de la population. Beaucoup de ces rois ne seront pas polonais, de Henri de Valois, le futur Henri III de France, aux princes électeurs de Saxe.
En 1581, sous le règne du Hongrois Étienne Báthory, la Pologne concède à ses juifs, environ 5% de la population totale, une large autonomie sous la forme d'un « Conseil des Quatre Pays » (Sejm en polonais, Vaad en hébreu), chaque « pays » désignant une communauté juive du royaume. Cette tolérance exceptionnelle dans l'Europe des guerres de religion vaut au pays une prospérité remarquable.
Au début du XVIIe siècle, la Pologne envahit la Russie affaiblie par des guerre intestines. Moscou est prise en 1610 et le roi Sigismond III fait même couronner son fils Ladislas comme tsar, avant de devoir reculer devant le nationalisme russe. Cependant, la paix de Deulino en 1618 permet à la Pologne d'étendre considérablement son territoire : le pays est alors à son apogée, pour une période brève.
En effet, durant les décennies qui suivent, Charles XII de Suède et Pierre le Grand de Russie profitent de l'affaiblissement de la diète, divisée par les rivalités nobiliaires et le principe du liberum veto, comme du déclin des armes polonaises, pour prendre pied en Pologne au début du XVIIIe siècle. Chacun avance un candidat au trône : Stanislas Leszczynski est celui du Suédois ; Frédéric-Auguste de Saxe celui du Russe. La victoire du second signifie l'établissement d'un véritable protectorat russe sur la Pologne.
La souveraineté du pays est très sérieusement menacée ; elle sera finalement abolie au terme des trois partages successifs du pays, entre 1772 et 1795, au profit de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse.
XIXe siècle : une nation prisonnière
Nation sans État, la Pologne ne connaît au cours du XIXe siècle qu'une brève résurrection, sous la forme du Grand-duché de Varsovie, éphémère création de Napoléon 1er, entre 1807 et 1813. L'empereur des Français entend ainsi rendre hommage à la vigueur et la fidélité des soldats polonais de la Grande Armée, autant qu'à la beauté de Marie Walewska... Mais la campagne de Russie met fin à cette illusion et à la souveraineté des Polonais, rendus à leurs maîtres étrangers.
Le Congrès de Vienne met en place dans la région de Varsovie le fragile « Royaume du Congrès », État semi indépendant sous tutelle russe (son souverain n'est autre que le tsar lui-même). C'est une bien maigre concession aux vœux d'indépendance des Polonais : après qu'une révolte eut éclaté contre la Russie en 1830, vite écrasée par les troupes du tsar, celui-ci rétablit un joug de fer sur la Pologne.
La suite du XIXe siècle est émaillée de nouvelles révoltes de ces Polonais que soutient toute l'Europe libérale, derrière Michelet ou Marx : pour l'auteur du Capital, le sort de la Pologne est un « crime historique ». Mais ce soutien moral est de peu de poids et en 1848, comme en 1861 ou 1864, le sang polonais coule en vain. C'est l'heure de l'exil pour les leaders nationalistes et, à la fin du XIXe siècle, pour de nombreux juifs persécutés par le régime tsariste.
Théâtre des opérations du front germano-russe pendant la Grande Guerre, la Pologne retrouve son indépendance le 11 novembre 1918. Mais les réjouissances sont de courte durée : dès le début de l'année 1919, la République polonaise dirigée par Jozef Pilsudski, un ancien socialiste révolutionnaire, doit livrer bataille à la Russie bolchevique.
Cette nouvelle guerre russo-polonaise a pour principal enjeu la partie orientale de la Pologne nouvellement indépendante, qu'entend réoccuper l'Armée rouge. Conseillées par des officiers britanniques et français, dont un certain Charles de Gaulle, les troupes polonaises, après avoir frôlé le désastre, forcent finalement en 1921 les nouveaux maîtres de Moscou à demander la paix.
Victorieuse, la Pologne du général Pilsudski évolue très vite en un régime autoritaire, car le chef de l'Etat est persuadé que la dictature est la seule parade aux menaces de plus en plus pressantes de ses deux bouillants voisins, l'Allemagne et l'Union soviétique.
Privée de son homme fort, qui meurt en 1935, la Pologne est finalement une victime toute désignée pour les ambitions de Hitler qui, en l'envahissant en quelques semaines en septembre 1939, déclenche la Seconde Guerre mondiale. Presque au même moment, suivant les clauses secrètes du pacte germano-soviétique, les troupes soviétiques s'emparent de l'est du pays, se rendant coupables d'exactions dont témoigne le charnier de Katyn.
La Pologne connaît les heures les plus sombres de son histoire lorsqu'elle se retrouve au cœur de la politique nazie d'extermination des Juifs d'Europe, qui se traduit par la mise en place de ghettos dans les grandes villes, et des six camps d'extermination de la Solution finale.
Six millions de Polonais, dont trois millions de juifs - presque toute la population juive du pays -, meurent au cours du conflit. À l'occupation germano-soviétique, puis exclusivement allemande, succède la tutelle soviétique.
Une République populaire très remuante
Prise au piège derrière le rideau de fer, la majorité de la population est désespérée du retour de la domination russe, sous une nouvelle forme qui prend le nom de République populaire de Pologne.
La poigne de fer du régime communiste se desserre quelque peu en 1956 à la suite d'une grève tournant au soulèvement politique à Poznan : à la tête du pays est alors placé Vladislav Gomulka, considéré comme le plus libéral des communistes polonais. Mais ce dernier met très vite fin à cette relative détente.
Dans les années 1970, la situation économique dramatique de la Pologne favorise toutefois la montée en puissance de l'opposition au système communiste, encouragée par l'élection pontificale d'un cardinal polonais, Karol Wojtyla, en 1978. À l'été 1980, les grèves sur les chantiers navals de Gdansk débouchent sur la création d'un syndicat indépendant, Solidarnosc, dirigé par Lech Walesa.
L'année suivante, le régime se raidit à nouveau, en confiant le pouvoir au général Jaruzelski, qui instaure la loi martiale. La répression est toutefois impuissante à juguler la contestation. Et lorsque le bloc soviétique s'effondre, en 1989, Jaruzelski est contraint de céder la place à Solidarnosc et à Lech Walesa, élu président de la République au suffrage universel en 1990.
Membre de l'OTAN depuis 1999 et de l'Union européenne depuis 2004, la Pologne tente aujourd'hui de se réinventer un destin, encore occupée à panser les plaies ouvertes par une histoire trop souvent tragique.
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