Ermite octogénaire, à l'origine de l'ordre monastique des célestins, Pietro de Morrone reçoit la tiare pontificale le 29 août 1294 à l'Aquila, près de son refuge des Abruzzes. Moins de cinq mois plus tard, il renoncera à la tiare, ce qui fera de lui le seul pape à avoir démissionné de son propre chef, avant Benoît XVI...
Un ermite octogénaire
Le futur pape est né en 1210 en Italie centrale, dans une famille de paysans. Sa mère le fait entrer chez les bénédictins et, en 1230, il se fait ermite dans les Abruzzes, sur le mont Morrone, où il fonde une église. Il jouit dès cette époque d'une réputation de sainteté qui lui attire des disciples.
Désireux que sa confrérie, qui emprunte sa spiritualité aux ordres des bénédictins et des franciscains, soit reconnue par la papauté, il se rend au concile de Lyon II (1274) et obtient du pape Grégoire X le privilège de créer l'ordre des célestins, qui aura de nombreux couvents en Italie et même en France, à Paris... près du quai des Célestins.
Pierre de Morrone établit le siège de l'ordre dans le monastère du Saint-Esprit de Morrone, près de Salmona, mais reste ermite sur la montagne voisine. Sa réputation devient telle que Charles II d'Anjou, roi de Sicile, voulut faire sa connaissance.
Or, après la mort du pape Nicolas IV en avril 1212, les cardinaux de Rome lui cherchent en vain un successeur sans pouvoir se mettre d'accord. Les Orsini s'opposent aux Colonna, ceux qui soutiennent Charles II d'Anjou à ceux qui sont favorables au roi d'Aragon, adversaire de Charles.
Pour trouver une solution, ce dernier a l'idée de faire élire en 1294 l'ermite des Abruzzes. Pierre hésite d'abord, car il est presque octogénaire, connaît mal le latin, ignore tout de la Curie. Mais il pense que son élection favoriserait l'ordre des célestins... et, ayant lu l'oeuvre de Joachim de Flore (mort en 1212), il croit que la fin du monde approche.
Il accepte donc, est élu à l'unanimité par le conclave réuni à Pérouse le 5 juillet 1294 et se fait couronner à L'Aquila, la ville la plus septentrionale des États de Charles II, le 29 août 1294, sous le nom de Célestin V.
Mais il comprend très vite qu'il n'est pas fait pour être pape et, après avoir consulté le cardinal Caetani, qui sera son successeur sous le nom de Boniface VIII, démissionne le 13 décembre 1294. Son successeur, craignant qu'il ne revienne sur sa renonciation, le fait arrêter et garder prisonnier dans un château, jusqu'à sa mort, le 12 ou le 19 mai 1296.
Enterré à l'Aquila, dans la basilique du Collemaggio, il est canonisé en 1313 par le successeur de Boniface VIII, Clément V, sous son nom de Pietro de Morrone.
Le pape Benoit XVI, comme ses prédécesseurs immédiats, s'est rendu sur le tombeau de Célestin V. Le 28 avril 2009, à l'occasion d'un déplacement auprès des victimes du tremblement de terre de L'Aquila, il s'est recueilli longuement devant le mausolée du pauvre ermite, dans la basilique du Collemaggio, et a déposé devant lui le pallium qu'il portait le jour de son intronisation. Pensait-il déjà à sa «renonciation» ?
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martin (31-10-2006 00:17:14)
Merci pour ce petit cours d'histoire qui nous fait réfléchir sur les relations entre religion et politique, qui n'ont en réalité jamais "couché ensemble".