Michel Pierre (Éditions du Trésor, 186 pages, 18€, 2018)
Ce petit livre est dans la continuité des itineraria du Moyen Âge qui guidaient les pèlerins sur le chemin des reliques. Il rappelle aussi La Légende dorée de Jacques de Voragine, un moine italien qui devint en 1292 évêque de Gênes. Sa célébrité lui vient moins de cette haute charge que du livre dans lequel il compila les chroniques terrestres de 180 saints et martyrs. Très populaire, cette Légende dorée a inspiré pendant plusieurs siècles l'iconographie et la littérature chrétiennes. Ce qu'elle raconte a peu de rapport avec la réalité factuelle historique mais l'important n'est pas là : à travers les péripéties plus ou moins invraisemblables qu'endurent les saints, c'est tout un univers de croyances, de poésie et de constructions mentales que met en place la Légende dorée.
L'historien Michel Pierre s'en tient pour sa part à quelques reliques fameuses ou mythiques, assez peu authentiques, qui, avec des milliers d'autres, ont rythmé la vie de nos ancêtres. Il nous emmène sur leurs traces à travers l'Europe et le bassin méditerranéen, de sanctuaire en sanctuaire.
Ainsi nous raconte-t-il comment une ceinture qu'aurait portée la Vierge est vénérée en plusieurs exemplaires de la Syrie à l'Angleterre. Celle de la collégiale de Loches (Val de Loire) tenait sa réputation de l'aide apportée aux femmes enceintes et, en 1778, quand la reine Marie-Antoinette se trouva enceinte, on ne manqua pas, comme aux autres reines de France, de lui faire toucher une réplique qui avait été en contact avec l'original !
Michel Pierre nous rappelle aussi que les dépouilles des Rois mages sont aujourd'hui vénérées dans... la cathédrale de Cologne (Allemagne) ! Par quel succession de hasards se sont-elles retrouvées là ? Et pourquoi l'église Saint-Basile de Bruges (Belgique) tire-t-elle fierté d'une ampoule contenant le Saint-Sang, soit quelques gouttes du sang du Christ qui auraient été recueillies par de pieuses femmes quand celui-ci agonisait sur la croix ? La relique sort en procession tous les ans, le Jeudi Saint, en tête d'une procession qui raconte en costumes la vie et la Passion du Christ...
Comment se fait-il aussi que la cathédrale de Turin (Italie) abrite aujourd'hui le Saint-Suaire, autrement dit le linceul dans lequel aurait été inhumé le Christ après sa mort ? C'est d'abord, en 1353, un cadeau de Geoffroy, comte de Charny, à la collégiale de Lirey (Champagne). D'où le noble tient-il cette relique ? Nul ne sait. À vrai dire, elle a peu d'originalité car on compte à cette époque pas moins d'une cinquantaine de Saints-Suaires similaires ! L'Église s'inquiète d'ailleurs de cette abondance et sollicite des expertises qui attestent de ce que ce suaire est un faux comme les autres. Mais la chance va lui sourire.
En 1453, l'héritière du comte de Charny cède le linceul à Louis, duc de Savoie, qui l'installe dans la cathédrale de Chambéry. Un siècle plus tard, son lointain héritier installe la nouvelle capitale du duché à Turin, de l'autre côté des Alpes. Il y fait transférer le Saint-Suaire et lui construit une chapelle sur mesure. Le 28 mars 1898, à la demande d'Humbert Ier, roi d'Italie, le photographe Secondo Pia photographie le Saint-Suaire. Et au développement, qu'a-t-il la surprise de voir ? La trace d'un visage et d'un corps qui seraient celui du supplicé, le Christ ! La légende rebondit dès lors et malgré les analyses ADN qui confirment l'origine médiévale du tissu, beaucoup persistent à croire à son authenticité. Quel mal y-a-t-il à cela ? Compréhensive, l'Église admet que le Saint-Suaire puisse être une intercession auprès de Dieu. Peu importe la question de l'authenticité.
Voir : Dieu à portée de main
Publié ou mis à jour le : 12/02/2019 15:31:40
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