Néfertiti ! Ce nom évoque immédiatement le fameux buste peint, aujourd’hui exposé au Neues Museum de Berlin et trouvé en 1912 à Tell el-Amarna, en Égypte. Cette sculpture, étrangement bien conservée, haute d’un peu moins de cinquante centimètres, représente une femme dont la beauté est mythique : « Néfertiti, [était une] reine apparemment populaire et admirée, qui a lancé des modes comme le port des perruques aux cheveux courts en prenant modèle sur la coupe des soldats nubiens, reste un mythe », relate sa biographe Violaine Vanoyeke dans un ouvrage passionnant (Néfertiti, L’Harmattan, 2019).
Mais la souveraine n’était pas qu’une beauté – d’ailleurs l’était-elle vraiment ? – Dans la lignée des grandes reines égyptiennes, telle qu’Hatchepsout ou Ahmès-Néfertari, elle a régné à égalité avec son époux Aménophis IV-Akhenaton de 1365-1360 à 1350-1340 avant Jésus-Christ (les dates sont hypothétiques).
Selon la légende, le tout jeune prince égyptien Néferkheperourê Ouâenre – futur Aménophis IV-Akhenaton - aurait rencontré Néfertiti, lors d’un voyage à la cour du roi du Mitanni (au nord-est de l’actuelle Syrie).
En apercevant cette princesse étrangère, il serait tombé immédiatement sous le charme, ne songeant plus dès lors qu’à l’épouser. Son père, Aménophis III, apprenant la nouvelle, aurait invité Néfertiti à sa cour pour finalement en faire sa propre épouse. Ce récit relève de la légende et il est plus probable que Néfertiti soit tout simplement née dans une famille égyptienne nantie. Peut-être était-elle une cousine d’Aménophis IV à qui elle aurait été promise dès l’enfance.
Son nom de naissance reste incertain. A-t-elle toujours porté celui de Néfertiti qui signifie « la belle est venue » ? Était-elle d’ailleurs si belle ? Difficile à dire… Les bustes attribués à la Grande Épouse royale semblent être des modèles utilisés par des artistes et non des représentations fidèles. Il existe des figures de Néfertiti, petite et bedonnante, très éloignées de l’image traditionnelle que la légende a laissée de la souveraine.
Quand Néfertiti et le pharaon Aménophis IV se marient et montent sur le trône, ils sont encore très jeunes, sans doute encore adolescents.
Lors des grandes manifestations, le roi et la reine se montrent ensemble au « balcon d’apparition », Néfertiti se tenant toujours aux côtés de son mari.
La reine est une femme forte qui règne à égalité avec son époux. Ensemble, ils reçoivent les ambassadeurs étrangers ou les hauts fonctionnaires dans des audiences publiques ou privées. Ils écoutent les rapports de leurs vizirs qui les informent d’éventuels soulèvements ou mécontentements à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ou des coalitions qui pourraient nuire à l’Égypte.
Certaines fresques démontrent la puissance politique de la Grande Épouse Royale. Elle y apparaît, n’écrasant certes pas elle-même les ennemis de l’Egypte comme le fait le pharaon, mais tenant tout de même une arme à la main. La vie de Néfertiti parait toutefois relativement calme, l’Égypte n’étant, à son époque, pas sérieusement menacée.
Néfertiti est à la fois reine et déesse mariée à Aménophis IV-Akhénaton mais aussi au dieu solaire Aton. Ensemble, ils forment une triade et le couple royal ne prend aucune initiative sans qu’elle ne leur ait été suggérée, pensent-ils, par le dieu.
Au début de leur règne, Néfertiti et Aménophis IV vivent à Thèbes, la capitale égyptienne. Mais rapidement, Néfertiti aurait incité son époux à construire une nouvelle capitale en l’honneur du Dieu Aton qu’ils vénèrent. Dans cette cité nommée Akhétaton au Nord-est de l’Égypte (aujourd’hui la ville de Tell el-Amarna) tout est mis en œuvre pour contenter Aton. Des offrandes de nourriture, de vêtements et de métaux sont dispensées au dieu par les Égyptiens et les étrangers. Des taxes sont prélevées pour le culte géré par des centaines de serviteurs et de prêtres.
L’adoration du dieu solaire Aton entraîne des conflits, notamment avec le clergé d’Amon, tout-puissant sous les règnes précédents. Le pouvoir d’Aton est tel que les membres de la famille royale modifient leur nom qui doit faire, le plus souvent possible, référence au dieu solaire. À l’inverse, toutes les allusions au dieu Amon doivent disparaître. « Le roi Aménophis IV Akhenaton ordonne la destruction des statues du dieu thébain Amon et le martelage de son nom sans parvenir, toutefois, à effacer toutes ses représentations ou les textes le concernant tant ils sont nombreux », explique Violaine Vanoyeke.
Cette prédominance du dieu Aton ne dure, toutefois, que quelques années puisqu’après la disparition d’Aménophis IV et de son successeur Semenkharê, les rois retournent vivre à Thèbes, et redonnent au clergé d’Amon toute sa puissance.
Difficile de se faire une idée précise de la personnalité de Néfertiti car le règne d’Aménophis IV-Akhenaton et de Néfertiti a volontairement été effacé de l’Histoire par les générations suivantes adoratrices du dieu Amon. Les quelques représentations de la reine qui ont traversé les siècles la montrent comme une épouse heureuse et une mère comblée.
Néfertiti a donné naissance à six filles. Les trois premières - Meritaton (« Celle qui est aimée d’Aton »), Maketaton (« Celle que veille Aton »), Ankhesepaaton (« Qui vit grâce à Aton ») voient le jour à Thèbes et les trois autres - Néferneferouaton (« Le Soleil est beau »), Néfernéferourê (« Rê resplendit ») et Setepenrê (« Celle qui a été élue par Rê ») - à Akhetaton.
Des fresques familiales très touchantes représentent la reine portant ses filles tandis qu’en face d’elles, assis auprès de leurs autres enfants qui jouent, le roi semble se réjouir de ces instants paisibles.
Ces scènes de quiétude sont toutefois à prendre avec circonspection. Il n’est pas exclu qu’elles aient été des commandes faites par Pharaon à des peintres officiels dans un but de propagande. Exposer au peuple, le bonheur de la famille royale était un moyen d’afficher l’équilibre et la prospérité de l’Égypte.
Aucun fils n’apparaît avec le couple royal sur les reproductions de scène familiale ; on peut donc en conclure que le couple royal n’avait pas d’héritier. Certains égyptologues ont envisagé que cette incapacité à engendrer un fils aurait porté préjudice à Néfertiti.
Méritaton, l’aînée de ses filles, l’aurait supplantée et eu une place privilégiée auprès de son père qui l’épousa. Ces unions entre parents n’étaient pas rares, surtout, quand il s’agissait de donner naissance à un prince héritier. Aménophis IV pourrait également avoir écarté Néfertiti à la fin de sa vie pour lui préférer une épouse secondaire, Kiya qui lui aurait donné deux fils, dont le jeune pharaon resté célèbre jusqu’à aujourd’hui, Toutankhamon.
Il est aussi possible – mais peu probable - que, devenue hostile aux rites en faveur du Dieu Aton, Néfertiti ait été éloignée du pouvoir. Le roi des Hittites multiplia les attaques dans les pays alliés de l’Égypte mais Akhénaton n’y opposa aucune force armée et laissa la situation s’envenimer.
En voyant les fâcheuses conséquences de cette politique, guidée par Aton, elle en aurait conclu que son époux et elle s’étaient égarés sur des voies que les dieux réprouvaient et qu’il fallait revenir aux anciens cultes avant que l’Égypte ne soit détruite. Réfugiée dans une aile du palais, elle initia le jeune Toutankhamon, futur pharaon, à la politique. Toutankhamon est-il le fils d’une autre épouse du Pharaon ? Ou alors son beau-fils ? Nous ne le savons pas.
Alors que Méritaton s’impose de plus en plus au côté de son père, Néfertiti ne fait subitement plus parler d’elle. Certaines représentations de la Grande Épouse royale auraient même été martelées à cette époque et des peintures la représentant sont recouvertes d’une couche de plâtre. Faut-il y voir la conséquence de sa mort prématurée ? La reine aurait-elle succombé à une épidémie de peste ? Son mari l’aurait-il fait disparaître ?
Les égyptologues n’ayant trouvé aucune trace de ses funérailles, de sa momie, de son tombeau ou de ses objets funéraires, de nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer la disparition du nom de Néfertiti à cette époque : elle aurait régné au côté d’Aménophis IV et aurait alors pris un nom d’homme. Il a aussi été envisagé qu’à la mort de son époux, Néfertiti lui aurait succédé sous le nom de Sémenkharê avant de laisser le trône à Toutankhamon.
Il est probable que la reine ait été ensevelie à Aton. Elle a pu être enterrée dans la tombe d’Aménophis IV, mais nulle part n’a été trouvé un tombeau qui pourrait correspondre à celui de la reine. Il se peut également que son corps repose à l’écart pour éviter les pilleurs de tombes ou échapper à ses détracteurs. Il est également possible que sa famille ait déplacé son corps pour la faire enterrer dans la Vallée des rois. Toutes les momies de Grandes Épouses royales retrouvées à Thèbes ouest n’ayant pas été analysées, le corps de Néfertiti y réside peut-être encore.
Dans cette biographie, Violaine Vanoyeke rappelle au lecteur le contexte historique, les origines de Néfertiti, la vie de la famille royale et se penche sur les mystères qui perdurent autour de ce personnage. Loin d’une œuvre romancée retraçant frasques et légendes, ce livre rappelle les faits et dresse le bilan de l’état actuel des recherches autour de Néfertiti.
L'Égypte en cartes animées
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Boblin (07-02-2021 13:03:02)
Très clair cet article sur Nefertiti. Merci Mazarine V. Et merci Herodote