L'Égypte des pharaons doit en bonne partie sa longévité et sa grandeur à son environnement géographique : une vallée fertile isolée par le désert et dont la vie était rythmée par les crues annuelles du Nil. Le voyageur grec Hérodote, découvrant le royaume des pharaons sur son déclin, a pu écrire avec justesse : « L'Égypte est un don du Nil ».
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L'Égypte, premier État historique, est né du regroupement des hommes sur les bords du Nil, à l'abri du désert environnant et de la nécessité de gérer collectivement les crues du fleuve pour en tirer le meilleur parti.
Le delta du Nil constitue la basse-Égypte et la vallée en amont la haute-Égypte. Aux premiers temps de l'Histoire, ces deux territoires constituaient des royaumes distincts. Ils ont été unifiés vers 3300 av. J.-C.
En amont d'Assouan, au sud, le fleuve est agité par une première cataracte. En Nubie, plus au sud encore, il enchaîne cinq autres cataractes. La sixième et dernière se situe au nord de l'actuelle Khartoum.
« L'Égypte est un don du Nil »
Vers 6 500 av. J.-C., le Sahara, précédemment fertile, se transforme en désert. Ses habitants cherchent leur survie en se regroupant sur les bords du Nil.
Né au sud, dans les montagnes d'Éthiopie, le fleuve coule vers la Méditerranée, au nord, en traversant le désert sur plus de mille kilomètres.
Tous les ans, en septembre, gonflé par la fonte des neiges d'Éthiopie, il sort de son lit et inonde sa vallée. En se retirant, au mois de décembre, il laisse dans la vallée un limon très fertile. Il s'agit de la terre arrachée aux hauts plateaux d'Éthiopie.
Les paysans de la vallée arrivent très vite à tirer le meilleur parti des crues du fleuve.
Grâce au limon, ils obtiennent en un temps record d'abondantes récoltes de céréales. Ces résultats sont rendus possibles grâce à une mise en commun des efforts de tous et à des règles strictes pour le partage des terres et l'entretien des canaux d'irrigation et de drainage.
Pour tirer l'eau des canaux et du fleuve, ils utilisent une bascule, le chadouf, encore en usage aujourd'hui sur les bords du Nil !
Dans le delta, encore en grande partie sauvage, les habitants pratiquent la chasse et la pêche. Ils récoltent aussi le papyrus, un roseau avec les fibres duquel ils fabriquent des feuilles souples qui leur servent de support d'écriture. C'est l'ancêtre du papier (le mot papier vient d'ailleurs de papyrus).
Dans la vallée, on cultive essentiellement les céréales, à commencer par l'orge.
La terre molle reçoit directement les grains, mis en terre soit par un araire ou une houe, soit plus simplement foulés par des troupeaux qu’on laisse déambuler à cette fin.
Les céréales fournissent la base de l'alimentation : le « pain » issu des bouillies de céréales et la « bière » produite par la fermentation spontanée de l'orge.
Il semblerait que les Égyptiens soient aussi à l'origine de l'invention du foie gras. Il sont aussi très friands de gâteaux au miel et aux dattes, à en juger par les dépôts destinés à accompagner les défunts dans leur dernier voyage... et leurs nombreuses caries.
Pendant la crue du fleuve, quand il est impossible de travailler dans la vallée, les paysans se mettent au service de l'administration centrale et construisent des canaux d'irrigation, des digues mais aussi des temples, des palais et des tombeaux. Ainsi naît le premier État de l'Histoire.
Une exceptionnelle stabilité de l'État
La vallée du Nil (haute-Égypte) et son delta (basse-Égypte) sont unifiés sous l'autorité d'un roi désigné sous le terme de pharaon vers l'an 3100 av. J-C., peut-être même vers l'an 3300 av. J.-C. si l'on en croit l'archéologue Günter Dreyer, qui a fouillé en 1998 le site d'Abydos, en Haute-Égypte, entre Louqsor et Assiout, et découvert des poteries décorées d'hiéroglyphes archaïques.
Le pharaon est le garant de l'ordre social et s'avère indispensable à la gestion des crues périodiques. Il est assisté par de nombreux fonctionnaires et des scribes sélectionnés pour leur maîtrise de l'écriture.
Certains archéologues pensent que les besoins administratifs sont à l'origine de l'écriture égyptienne, à base d'hiéroglyphes (idéogrammes), à peu près contemporaine de l'écriture cunéiforme de Mésopotamie (ou même antérieure).
La redéfinition des champs après chaque crue donne l'occasion de développer la géométrie et les techniques d'arpentage.
Comme les hommes de cette lointaine époque ignorent la monnaie, c'est en nature (blé, bétail...) que les fonctionnaires collectent les impôts auprès des paysans pour développer les infrastructures.
On estime que la vallée est alors peuplée d'environ 1,5 à 5 millions d'habitants, ce qui est beaucoup au regard des techniques disponibles (en 2015, le pays compte environ 80 millions d'habitants).
Protégée par son isolement, entre le désert et la mer, l'Égypte des pharaons perdure comme État indépendant pendant 25 siècles, en cultivant peu ou prou les mêmes coutumes, les mêmes croyances et la même langue. Aucun autre État n'a encore réussi semblable performance !
La prospérité générale profite à la minorité privilégiée (fonctionnaires, clergé, entourage du pharaon). Elle conduit aussi au développement d'une civilisation aimable dont les fresques des tombeaux royaux ne nous donnent qu'une imparfaite image.
Excellents jardiniers et observateurs de la Nature, les Égyptiens sont à l'origine de notre calendrier solaire.
Ils développent une médecine et une chirurgie remarquables. Ainsi le pain moisi est-il utilisé pour soigner les plaies (par observation pragmatique, les Égyptiens ont pressenti la présence de pénicilline dans la moisissure).
Leurs praticiens se montrent habiles dans la trépanation du cerveau comme dans les opérations de l'oeil et leur réputation s'étend jusqu'en Perse. Les chroniques relatent le cas de princesses achéménides venues se faire soigner sur les bords du Nil.
Ils sont tout aussi habiles en mathématiques comme l'atteste le papyrus du scribe Ahmès (Nouvel Empire), avec ses problèmes et leur solution.
S'ils connaissent les métaux, au moins le cuivre et le bronze, les anciens Égyptiens n'en restent pas moins fidèles aux outils en silex. C'est qu'une pierre bien taillée est plus coupante et plus résistante qu'une lame en mauvais métal (le silex est pour cette raison demeuré en usage jusqu'à notre époque dans bien des communautés traditionnelles).
La paysannerie est essentiellement composée de paysans libres. L'esclavage, au moins dans les premiers temps, semble limité aux exploitations minières du Sinaï où travaillent des captifs de guerre. Cette situation sociale va toutefois se dégrader au cours du dernier millénaire av. J.-C., du fait des troubles et de l'influence des Grecs, moins regardants sur l'esclavage.
Les femmes elles-mêmes semblent bénéficier d'un statut honorable dans la société pharaonique. Ainsi sont-elles généralement représentées au côté de leur époux (haut fonctionnaire ou pharaon), à la même taille que celui-ci.
La religion, ciment social
Le ciment de l'Égypte ancienne est la religion. Hérodote l'a bien compris en présentant les Égyptiens comme « les plus religieux de tous les hommes ». À l'origine, chaque cité avait ses propres divinités, souvent des dieux à corps humain et tête d'animal.
Avec l'émergence d'un État centralisé, ces divinités sont réunies dans une cosmogonie commune. Tous les habitants partagent la même vision de la création du monde, avec une place privilégiée pour Rê (plus tard appelé Amon). Il est le symbole de la lumière, le dieu-Soleil, qui dispense la vie sur la Terre.
Sa domination manifeste sur les autres dieux du panthéon égyptien fait dire à certains historiens que la religion des pharaons était somme toute plus proche du monothéisme que du polythéisme.
Il n'empêche que les Égyptiens accordent beaucoup d'intérêt aux divinités secondaires, y compris à des animaux divinisés comme le scarabée et le chat (sans doute parce que le premier dégrade les bouses des bovins, sans quoi elles se durciraient au soleil et stériliseraient le sol ; le second, que les Égyptiens ont été parmi les premiers à domestiquer, parce qu'il protège les récoltes contre les rongeurs).
Le mythe d'Osiris est au coeur de la religion pharaonique. Ce récit forgé dans les temps les plus anciens nous a été rapporté par un écrivain grec, Plutarque.
Il raconte que le pharaon Osiris avait enseigné aux Égyptiens l'agriculture, le droit et l'architecture. Jaloux, son frère Seth l'avait enfermé dans un sarcophage et jeté dans le Nil. Isis, épouse - et soeur - d'Osiris, retrouve le sarcophage et le cache dans les marais. Mais Seth découpe le cadavre de sa victime en 14 morceaux pour éviter qu'elle ne ressuscite. Isis, sans se décourager, retrouve les morceaux et les entoure de bandelettes avec l'aide du dieu-chacal Anubis.
Rendu à la vie, Osiris gagne le monde des morts dont il devient dès lors le roi, cependant que son fils Horus chasse Seth du pouvoir et ceint la double couronne d'Égypte. Depuis lors, les morts, au terme d'un long voyage et sous réserve qu'ils aient été momifiés, passent devant le tribunal d'Osiris et ce dernier accorde la vie éternelle aux plus méritants. Notons que la momification reste le privilège des pharaons et de l'aristocratie ; les gens du peuple sont inhumés sans façon après leur mort.
Les rites religieux égyptiens sont organisés par un clergé nombreux et puissant auquel les offrandes des fidèles assurent richesse et influence. Les prêtres gèrent les temples somptueux et les sanctuaires où sont abritées les statues des divinités. Ils président aussi aux cérémonies funéraires et à l'embaumement des défunts.
Sous l'Ancien Empire, les Égyptiens tendent à penser que seuls les pharaons et leur entourage méritent d'être momifiés et d'accéder à la vie éternelle. D'où les énormes tombeaux en pierre que se font construire les premiers pharaons dans l'espoir que leur cadavre y soit conservé à l'abri des pillages et de la putréfaction.
Mais au fil des siècles, les habitants de la vallée du Nil accèdent à l'idée plus réconfortante que la résurrection est accessible à tout un chacun. À preuve les innombrables statuettes funéraires en terre cuite, retrouvées dans les tombes même les plus modestes. Elles figurent les serviteurs, les outils et les animaux destinés à servir le défunt dans l'au-delà.
Elles sont aujourd'hui pour les archéologues et les visiteurs des musées une source exceptionnelle d'information sur le mode de vie des anciens Égyptiens, tout comme les tombeaux et les temples construits en pierre et qui ont pu résister au temps, à la différence des constructions ordinaires, en brique crue comme en Mésopotamie.
L'Égypte en cartes animées
Vos réactions à cet article
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PLB69400 (15-03-2024 17:48:13)
Je trouve Kam bien péremptoire. A-t-il oublié Léon ?
Et que dit la génétique ?
Hervé Camier (25-09-2012 16:26:10)
Dans cette présentation, comme dans beaucoup d'autres, il est bon de tenir compte de l'oeuvre de Francoise Gange: Avant les Dieux, la Mère universelle.
kam (15-07-2006 13:16:30)
Les Egyptiens étaient-ils de race noire? Je le pense. Comme l'affirmait déjà Hérodote témoin visuel qui, voulant prouver que les Colchidiens sont une colonie égyptienne qui s’est égarée pr... Lire la suite