Marius est l’un des plus grands généraux de la République romaine. Il est surtout le premier à avoir tenté de réformer celle-ci. Élu sept fois consul, Marius fut le chef du parti populare ; à ce titre, il porta les revendications des plébéiens au Sénat.
Ce fut lui qui constitua une armée de métier en ouvrant le recrutement à l'ensemble des citoyens de la République. Suite à cette mesure, un culte se développa autour du général, alimenté par les oeuvres des artistes et écrivains de l'époque. Plutarque narra les exploits du consul dans son ouvrage Les vies des hommes illustres.
César, neveu par alliance de Marius, s’inspira de son parcours de soldat et d’homme politique. Plus chanceux, il réussit à adapter les institutions républicaines aux nécessités d'un État devenu Empire.
Un jeune soldat ambitieux
Marius est né en 151 avant J.-C. à Arpinum, entre Rome et Naples, dans une famille modeste de plébéiens de rang équestre (dico). Très tôt, il se tourne vers la carrière des armes. En 133 av. J.-C., durant les guerres celtibères qui vont déboucher sur la conquête de la péninsule hispanique, il vainc les Ibères à Numance sous les ordres du général Scipion Émilien.
Ses faits d’armes le font apprécier à Rome. Mais la faction des optimates, qui représente l'oligarchie, n’en manifeste pas moins son mépris à l’égard de cet « homme nouveau », réputé rustre. Cela n’a d’autre effet que de pousser Marius à entrer en politique dans le camp des populares. Il y est aidé par une importante famille de plébéiens, les Caecilii Metelli, dont plusieurs membres sont de puissants magistrats.
Élu tribun de la plèbe (dico) en 119 av. J.-C., Marius met en avant son milieu social d’origine. Il oppose l’humilité du peuple à l’arrogance et à la corruption de la nobilitas, et notamment des deux consuls (dico). Cette forme de démagogie se révèle efficace : le peuple romain s’identifie à lui. Marius poursuit son ascension : en 116 av. J.-C., il est nommé préteur (dico). Fin stratège, il s’allie avec une grande famille patricienne, les Julii, en épousant Julia.
Sept fois consul
En 107 av. J.-C., Marius est élu pour un an à la principale magistrature, le consulat. Il se fait réélire en 104 av. J.-C.
Ce faisant, par ambition personnelle mais aussi par souci de réformer les institutions de la République, il déroge à la loi ancestrale qui impose aux onsuls un intervalle de dix ans au moins entre deux mandats. Cela lui permettra de se faire élire consul sans interruption jusqu’en 100 av. J.-C. et au total sept fois jusqu'à sa mort en 86 av. J.-C.
Cette manoeuvre n'est pas du goût du Sénat, qqui représente les familles patriciennes et cultive plus que tout la détestation de la monarchie et du pouvoir personnel. Il tente de le déstabiliser en lui suggérant des réformes maladroites telles que la conscription de nouveaux légionnaires. Marius, qui ne l’entend pas de cette oreille, ignore ces conseils.
Il choisit plutôt de refondre totalement l’armée : c’est la « réforme marianique » de 104 à 102 av. J.-C. Elle concerne les conditions d’entrée dans l’armée, mais aussi les tactiques et la logistique.
Dans un premier temps, le général change les modalités de recrutement : il donne la possibilité à chaque citoyen de s’engager dans l’armée, sans condition préalable. Pour rappel, auparavant seuls les citoyens assez riches pour payer un impôt d’au moins 1600 sesterces par an, le cens (dico), pouvaient servir l'armée.
Autre évolution, les personnes issues d’autres régions que l’Italie peuvent s’engager dans les troupes auxiliaires. De nombreux volontaires rejoignent les rangs de la nouvelle légion : elle passe à 6000 hommes.
Dans un souci d’équité, Marius augmente la solde des légionnaires. Il donne une cohérence à l’armée : l’aigle, une enseigne qui fait référence à l"oiseau messager de Jupiter, est systématiquement arborée lors des batailles. Marius introduit le port de l'uniforme et la formation en cohorte.
Enfin, le consul supprime les trains et chariots qui servent à transporter le matériel de l’armée, trop encombrants ; il les remplace par des mules. Il améliore aussi l’arme-clé du soldat pour contrer les boucliers : le pilum. L’armée romaine devient plus forte. Surtout, c’est désormais une armée de métier, avec des soldats attachés à leur général.
Général victorieux
Marius continue sa carrière militaire dans l’ordre équestre. Il remporte deux victoires contre le prince Jugurtha en Afrique du Nord, à Cirta et à Capsa. Mais durant cette campagne, il s’oppose à son chef et ami « optimas » Quintus Caecilius Metellus Numidicus. Trahison suprême, Marius remplace Numidicus : il devient proconsul.
Toutefois, le jeune général se voit voler la vedette par son lieutenant, le questeur (dico) Sylla. Ce dernier revient d’Afrique auréolé de gloire, ayant réussi à convaincre Bocchus de lui livrer son gendre Jugurtha. Marius ne pardonne pas cet acte d’audace à Sylla.
Qu’importe, le général enchaîne les succès contre de redoutables tribus celtes et germaniques qui ont franchi le Rhin et dévalé la vallée du Rhône en direction de la péninsule italienne. La première bataille confronte l’armée romaine aux Teutons en 102 av. J.-C. dans le Sud de la Gaule, à Aix-en-Provence. Durant la seconde, Marius se bat et gagne contre les Cimbres en 101 av. J.-C. dans le nord de l’Italie, à Verceil.
Le peuple romain, soulagé par l'arrêt de cette invasion, préfiguration des invasions germaniques qui surviendront cinq siècles plus tard, accorde toute sa confiance à son « sauveur » et lui voue même un culte. Marius acquiert le droit de porter des vêtements spécifiques lorsqu’il assiste aux séances du Sénat : une tunique rouge et une couronne de lauriers. Ainsi son autorité est-elle renforcée avec un tour quasi-monarchique. Les plus grands artistes de son temps s’attachent à immortaliser le consul au travers de leurs œuvres. Des statues et des plaques à son effigie sont installées dans la ville de Rome.
La chute
Mais à partir de 100 avant J.-C. les déconvenues s’enchaînent.
La première est liée aux chefs populares Caius Servilius Glaucia, préteur urbain, et Lucius Appuleius Saturninus, tribun. Ceux-ci aident Marius à gouverner mais se révèlent tyranniques et irritent l'opinion par leurs maladresses. Aussi le Sénat, guidé par Numidicus, décide de limiter le pouvoir du consul en mettant à mort Glaucia et Saturninus par le décret du « senatus consultum ultimum ». Vaincu, Marius abandonne le pouvoir en 99 av. J.-C., tandis que son adversaire Sylla est élu consul en 98 av. J.-C.
Persévérant, Marius tente de remplacer Sylla à la tête de l’armée pour se battre contre Mithridate. Il est soutenu dans son entreprise par le peuple romain et par l’orateur et tribun de la plèbe Sulpicius Rufus. C’est une réussite. C'est aussi le début de la première guerre civile, qui met aux prises Marius, le représentant du parti du peuple, les populares, et Sylla, celui de la noblesse, des optimates.
Sylla rejoint son armée et fait une entrée remarquée à Rome. Redoutant son ennemi, Marius quitte Rome, accompagné de Rufus. Il est capturé à Minturnes, une ville du sud du Latium, mais parvient à s'évader et se réfugie sur une île italienne. Pendant ce temps-là, Sylla redonne toute son importance au Sénat et aux nobles.
En 86 av. J.-C., profitant de l’absence momentanée de Sylla parti guerroyer en Orient, Marius retourne dans la capitale. Il envoie ses adversaires en exil et est élu une dernière fois consul. Quelques jours plus tard, le 13 janvier, il meurt d’une indigestion.
Son fils Caius Marius le Jeune, Cinna, Carbon et d’autres populares lui succèdent. Ils se maintiennent au pouvoir durant quatre ans, jusqu’à ce que Sylla revienne à Rome et les bannisse. Marius le Jeune se donne la mort. Voulant faire table rase du passé et du glorieux Marius, Sylla détruit toutes les représentations du général.
Marius renaît de ses cendres
C’est dans ce contexte trouble qu’émerge l’héritier spirituel de Marius. Il a pour nom Jules César ; c’est le neveu de Julia, l’épouse de feu Marius.
Lorsqu’il devient questeur en 69 av. J.-C., César ranime le souvenir de Marius, dont la plèbe a gardé la nostalgie. Il s’inscrit dans la filiation du général, faisant reposer son autorité sur les forces conjuguées de l’armée et de la politique.
L'éloge funèbre de sa tante Julia en 68 av. J.-C. est à cet égard signifiant : il est truffé de références à son défunt mari. César ne s'en tient pas là et montre des portraits du général victorieux durant la procession funéraire. Ainsi gagne-t-il le soutien de la plèbe. C'est le début d'une ascension qui va le mener au sommet du pouvoir et le conduire à réformer la République pour en faire un État impérial.
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