En 1491 prend fin la régence d'Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et soeur aînée de son successeur Charles VIII. Sortie de ses longues guerres avec l'Angleterre et la Bourgogne, la France s'affirme comme le principal État européen. En pleine crise de croissance, elle va tourner ses ambitions vers la riche Italie.
Pendant les sept décennies suivantes, les nobles français, attirés par l'aventure guerrière et les délices de la Renaissance, vont passer et repasser les Alpes sous un prétexte ou un autre, épuisant leurs forces dans les guerres d'Italie.
Tout commence avec le départ de Charles VIII pour Naples dont il veut ceindre la couronne. Les campagnes se succèdent ensuite sous les règnes de ses successeurs Louis XII, François Ier et Henri II. Stériles et ruineuses, elles se terminent par le traité du Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559.
Une Italie morcelée et querelleuse
Quand débutent les guerres d'Italie, la péninsule est morcelée en une multitude d'États indépendants, querelleurs et généralement prospères.
La plaine du Pô est dominée par le duché de Milan. La famille des Visconti a été dépossédée du duché en 1450 par le condottiere (note), Francesco Sforza. À celui-ci a succédé en 1466 son fils aîné Galéas Marie.
En 1494, c'est au tour de son deuxième fils Ludovic Sforza, surnommé Ludovic le More (parce que brun de peau), de s'approprier le duché...
Au nord-est, la république de Venise est une riche oligarchie d'armateurs et de négociants sur le déclin. À l'ouest, il faut compter avec le duché de Savoie et la république de Gênes.
Au centre s'opposent des cités-États : Sienne, Pise et surtout Florence, aux mains des Médicis. Plus au sud, les États pontificaux sont dirigés par un pape à poigne et sans scrupule, Alexandre VI Borgia.
Au sud de la péninsule, le royaume de Sicile est gouverné par Ferdinand II d'Aragon cependant que son cousin Ferrante règne sur le royaume de Naples, enlevé en 1442 à la famille d'Anjou.
Charles VIII à la conquête de Naples
En France, Charles VIII, a pris les rênes du gouvernement l'année de son mariage avec Anne de Bretagne. Il est aussi peu séduisant que son père mais beaucoup moins habile. D'une intelligence plus que médiocre, ce roi passionné par les romans de chevalerie décide très vite de faire valoir de vagues droits familiaux sur le royaume de Naples. Il prend prétexte pour cela de la mort de Ferrante, souverain de Naples, en janvier 1494.
Pour commencer, Charles VIII s'assure à prix d'or de la neutralité de ses voisins, le roi d'Angleterre, le roi d'Aragon et l'empereur d'Allemagne, puis il traverse les Alpes, le 25 janvier 1494, à la tête de 30 000 hommes. Grâce à leur artillerie, les Français s’emparent aisément des villes tout au long de leur trajet mais ils s’y livrent à des exactions qui leur valent l’hostilité des populations.
Le 12 mai 1495, Charles VIII fait une entrée triomphale à Naples, costumé en empereur byzantin ! Mais les Napolitains ne tardent pas à se révolter contre leur « libérateur » cependant que la République de Venise fomente une coalition contre les Français. Face à cette menace, le roi prend précipitamment la route du retour.
Le 6 juillet 1495, les Français se heurtent à Fornoue, près de Venise, à une armée beaucoup plus nombreuse qu'eux. Ils arrivent malgré tout à dégager le passage, laissant à leurs ennemis le souvenir de la « furia francese ». Après un emprunt forcé sur les villes pour se rembourser de ses frais, Charles VIII prépare une nouvelle expédition. Mais sa mort à 28 ans, le 7 avril 1498, l'empêche de la conduire à son terme.
Louis XII à la conquête de Milan
Charles VIII laisse la couronne au fils du poète Charles d’Orléans, son lointain cousin, qui devient Louis XII. Reprenant à son compte les chimères italiennes, ce dernier vise, non seulement Naples mais aussi Milan qu'il revendique au nom de sa grand-mère, Valentine Visconti, épouse de Louis d'Orléans !
Dès 1499, le roi signe un traité d'alliance avec Venise, ce qui lui permet d'entrer sans trop de difficultés à Milan à la tête de ses troupes. Au passage, il s'empare aussi de Gênes et, le 8 avril 1500, lors du siège de Novare, ses troupes capturent le duc Ludovic Sforza, lequel finira ses jours dans la forteresse de Loches.
Là-dessus, Louis XII marche sur Naples et investit la ville à la faveur d'un accord secret avec le roi Ferdinand d'Aragon, son rival.
Mais dès 1503, les Espagnols reprennent l'offensive sous la conduite de Gonzalve de Cordoue. Les Français subissent plusieurs défaites, à Cérignole et Garigliano, où s'illustre le chevalier Bayard. Ils doivent une nouvelle fois évacuer la péninsule.
Louis XII est peu après sollicité par le pape Jules II, en conflit avec la République de Venise pour le contrôle de l'Italie centrale. Le pape constitue à Cambrai une ligue dans laquelle Louis XII se fait un plaisir d'entrer. C'est ainsi que les Français écrasent les Vénitiens à Agnadel le 14 mai 1509. La République de Venise ne s’en relèvera pas.
Mais voilà que, par un retournement d’alliances, le Saint-Siège et Venise forment une Sainte Ligue contre les Français ! Ceux-ci l’emportent à Ravenne le 11 avril 1512, où Gaston de Foix, l'un des meilleurs généraux de son temps, trouve la mort. Ils sont néanmoins chassés d’Italie (pour la troisième fois !) et les Suisses installent à Milan un fils de l'ancien duc Ludovic Sforza.
La France est qui plus est envahie par les Anglais et les Impériaux, et même les Suisses, qui font le siège de Dijon. Louis XII achète à prix d’or la paix.
François Ier contre les Suisses
À la mort de Louis XII, le 1er janvier 1515, la couronne revient à son cousin, le comte d’Angoulême, un géant de 20 ans et de 2 mètres, qui prend le nom de François Ier.
Le nouveau roi n’a rien de plus pressé que de reprendre la guerre en Italie. Le 13 septembre 1515, il écrase les Suisses dans la plaine du Pô, à Marignan. Cette bataille se solde par 16 000 morts, ce qui fait d’elle la plus meurtrière depuis l’Antiquité.
Marignan a pour conséquence la signature le 29 novembre 1516 d’une « paix perpétuelle » entre le roi de France et les cantons suisses. Elle amène aussi le pape à conclure le 18 août 1516 le concordat de Bologne qui va régir les relations entre la France et le Saint-Siège jusqu'en 1790.
François Ier contre Charles Quint
Là-dessus - singulière idée -, le roi de France se porte candidat à l’empire d’Allemagne contre le petit-fils de Maximilien Ier de Habsbourg. Le Habsbourg l’emporte le 28 juin 1519, devenant pour la postérité l’empereur Charles-Quint.
La guerre ne tarde pas à éclater entre l’empereur et le roi de France.
L'un et l'autre rêvent d’asseoir leur domination sur l’Italie, riche, belle et divisée. L'empereur s'allie avec le roi d'Angleterre Henri VIII et le pape Léon X contre le roi de France.
La suite est une succession d’échecs pour celui-ci.
En août 1521, Prospero Colonna et Frédéric II de Mantoue font le siège de Parme, cédée à François Ier suite à sa victoire de Marignan. Ils s'en emparent avec leurs lansquenets allemands mais doivent s'en retirer presque aussitôt par crainte d'être à leur tour assiégés par l'armée de secours. Cette opération sans grande conséquence fournira un demi-siècle plus tard au peintre vénitien Tintoret l'occasion de réaliser un chef-d'oeuvre annonciateur du baroque...
Le 29 avril 1522, les Français sont battus à La Bicoque (en italien Bicocca, d’où nous vient le mot bicoque). Après cette défaite, Odet de Lautrec et les Français doivent évacuer le Milanais.
Leurs ennemis se regroupent dans une ligue qui réunit l'empereur Charles Quint, le pape Léon X, né Giovanni de Medici, et le roi d'Angleterre Henri VIII.
L'année suivante, pour ne rien arranger, le connétable de Bourbon, vexé de ne pas être récompensé par le roi à la hauteur de ses mérites, prend prétexte d'une querelle d'héritage et déserte au profit de l’empereur Charles Quint. Il met à feu et à sang la Provence.
Bayard, l'illustre chevalier « sans peur et sans reproche », trouve une mort glorieuse à Abbiategrasso le 30 avril 1524, en protégeant la retraite de l'armée française.
Le pire survient le 24 février 1525, avec la capture du roi lui-même à la bataille de Pavie, près de Milan. « De toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur, et la vie qui est sauve », écrit François Ier à sa mère Louise de Savoie, qui va gouverner en son absence.
Il n’a d’autre choix que de signer le 14 janvier 1526 le traité de Madrid mais s'empressera d'en renier les clauses sitôt libéré.
La guerre reprend, le roi s’étant cette fois allié au pape et à Venise au sein de la Ligue de Cognac. Nouvel échec. Mais l’empereur, menacé d’être pris à revers par les Turcs, accepte de traiter. La paix est négociée à Cambrai le 3 août 1529 par sa tante Marguerite d’Autriche et la mère de François Ier. Elle est pour cela appelée « paix des Dames ».
Une ultime guerre avec l’empereur aboutit, après la victoire sans suite de Montluc à Cérisoles, en Italie, le 14 avril 1544, à une paix de compromis.
Par le traité de Crépy-en-Laonnois, le 18 septembre 1544, François Ier renonce à ses prétentions sur Naples et à sa suzeraineté sur le comté de Flandre et l'Artois, tandis que Charles Quint renonce au duché de Bourgogne.
Par ailleurs, Charles de France, dit Charles II d'Orléans, troisième fils de François Ier, doit épouser soit une fille de Charles Quint, avec en dot la Franche-Comté, soit une fille de son frère Ferdinand, avec en dot le Milanais ! Sa mort un an plus tard rend l'« alternative » caduque.
Henri II tourne le dos à l'Italie
Henri II, qui succède à François Ier le 31 mars 1547, met un terme aux guerres d’Italie avec la paix du Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559. Entre temps, les Français auront réussi à s’emparer des Trois-Evêchés de Metz, Toul et Verdun, en Lorraine, ainsi que de Calais, aux mains des Anglais depuis deux siècles.
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Les guerres d'Italie, sous les règnes de Charles VIII, Louis XII, François Ier et également Henri II, opposent les Français à des coalitions variables et éphémères entre le pape, les autres princes de la péninsule, les Suisses et les Impériaux (troupes de l'empereur d'Allemagne)...
Vincent Boqueho raconte...
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Kevin Bibet (24-05-2018 13:50:03)
Un article intéressant mais dont la fin semble terminée trop rapidement, il manque tout de même 12 ans et deux guerres dans cet article, dommage. Merci quand même à la personne qui a pris la p... Lire la suite